Avec l'automne arrive le moment où, en France, on entend enfin crier près des places publiques «Chauds les marrons!», incitation irrésistible à acheter, pour quelques euros, de délicieux fruits grillés dans leur traditionnel cornet de papier journal. Mais c'est loin d'être le seul moyen de succomber à la douceur de ce fruit à mi-chemin entre la pomme de terre et la noix, qui se marie aussi bien aux plats salés que sucrés. Petit guide pour les apprécier de l'entrée au dessert.        

1. Grillées

Il ne faut pas bouder son plaisir de déguster les châtaignes  dans leur plus simple appareil, grillées. On choisira alors des châtaignes bien fraîches, le plus souvent importées d'Italie ou de France, avec une peau luisante, et fermes sous le doigt. Une écorce molle est un signe que le fruit a commencé à sécher. Traditionnellement, on grillait les châtaignes sur des charbons de bois, dans une poêle percée de petits trous. Plus pratique: on peut les chauffer entières, à sec dans une poêle à fond épais une douzaine de minutes, en remuant régulièrement pour éviter de les carboniser. Et surtout, il ne faut pas oublier de les inciser sur un centimètre environ pour éviter qu'elles n'explosent! Comptez de sept à huit fruits par personne.

2. En soupe

Avec leur petit goût de noisette et leur texture riche, les châtaignes sont parfaites pour rendre un potage de légumes plus onctueux et nourrissant. Leur parfum se marie particulièrement bien avec les soupes de courges ou de légumes racines, comme le navet ou le céleri -rave. Bien qu'il soit possible de faire bouillir les châtaignes et de les peler ensuite, il existe une solution beaucoup plus facile: les acheter déjà prêtes à l'emploi, pelées, cuites et sous vide ou en conserve (offertes  dans les épiceries fines et européennes). Pour un velouté de courge éclair: faites suer un oignon émincé dans une casserole, ajoutez 500 g de chair de courge (musquée, potimarron, etc.) coupée en dés et 200 g de châtaignes cuites, puis couvrez d'eau. Portez à ébullition. Mixez lorsque la courge est cuite. Ajoutez, au goût, deux cuillères à soupe de crème, salez, poivrez et saupoudrez de muscade fraîchement moulue.

3. En sauté

À fruit d'automne, mets d'automne: Linda Louis, auteure d'un rare mais combien intéressant petit livre sur le sujet, Châtaignes*, suggère de les marier avec un autre plaisir de la saison grise: les champignons. Elle en fait une poêlée forestière des plus parfumées, à servir avec une petite salade verte, une tranche de pain de campagne et, elle approuverait assurément, un morceau de bon cheddar vieilli du Québec. Faites dorer 200 g de pommes de terre à chair ferme coupées en dés dans une poêle avec un peu d'huile d'abord à feu vif, puis à feu doux une vingtaine de minutes jusqu'à ce qu'elles soient presque cuites. Sautez un kilo de champignons (de Paris, bolets, shiitakes, ceux que vous aimez!) tranchés dans une autre poêle, égouttez le surplus d'eau, et laissez-les sur le feu jusqu'à ce qu'ils soient légèrement dorés. Ajoutez aux pommes de terre 400 g de châtaignes pelées et cuites, une pomme à chair ferme pelée, épépinée et coupée en lamelles, poursuivez la cuisson de 5 à 10 minutes, incorporez les champignons, quatre gousses d'ail et un demi-bouquet de persil plat hachés. Salez, poivrez, servez.

4. Avec une volaille

La volaille aime les marrons, et pas que la dinde de Noël. La traiteure Patricia Masbourian - aussi propriétaire de l'épicerie Chez Nino, au marché Jean-Talon - garde un vif souvenir de l'oie farcie que préparait sa mère pour les grands jours. «On préférait la farce à la chair!», se rappelle-t-elle. Faites revenir un oignon avec de la chair à saucisse, du thym et du romarin. Quand la viande est cuite, ajoutez des châtaignes (comptez 2/3 de viande pour 1/3 de fruits) coupées en morceaux, un oeuf et la mie d'une tranche de pain sec. Essorez la préparation avant d'en farcir la volaille. Ficelez l'ouverture. Enfournez dans une rôtissoire pendant environ 2 heures, en prenant soin d'arroser la volaille régulièrement et de dégraisser le bouillon. S'il vous reste des châtaignes entières, placez-les autour de la volaille une trentaine de minutes avant la fin de la cuisson.

5. En gâteau

L'introduction des marrons dans les desserts doit beaucoup au Français Clément Augier, qui inventa la crème de marrons à la fin du XIXe siècle, une purée sucrée et vanillée, ultrariche, pour tartiner sur des crêpes au petit-déjeuner, garnir des charlottes décadentes (avec de la crème fouettée ou du mascarpone) ou parfumer des crèmes brûlées. Mais elle fait aussi des merveilles dans une recette de gâteau au chocolat, lequel n'en sera que plus moelleux. Recette de Linda Louis*: faites fondre 150 g de chocolat noir au bain-marie. Séparez quatre oeufs: fouettez les jaunes avec 100 g de sucre pour que le mélange blanchisse. Montez les blancs d'oeufs en neige avec 15 ml de jus de citron et une pincée de sel. Ajoutez 150 g de crème de marrons au mélange sucre-jaunes d'oeufs, 100g de purée d'amande, 30 g de fécule de maïs. Incorporez délicatement les blancs d'oeufs, verser dans un petit moule à gâteau recouvert de papier parchemin. Enfournez 45 minutes à 350 ºF. À décorer de morceaux de marrons glacés, en vente pour la période de Noël dans plusieurs épiceries européennes.

*Châtaignes, de Linda Louis, éd. La Plage, 72 p., 13,95$.

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Châtaignes ou marrons?

Mange-t-on des châtaignes ou des marrons? Les premières, confirme Andrée Hallé, biologiste au Jardin botanique de Montréal, même si les deux termes sont souvent employés en France, où l'on appelle «marron» les plus gros fruits des châtaigniers. Ces gros fruits sont plus souvent utilisés pour la transformation, ce qui explique les appellations «crème de marrons» et «marrons glacés». Mais on ne mange surtout pas 

les fruits des marronniers d'Inde - ceux qui font de si jolies allées d'arbres, au Québec aussi - car ils ne sont pas comestibles.

Photo La Presse