Samedi grouillant de monde au marché Sakaris, boulevard Saint-Laurent. Maria Parente s'arrête près de la caisse pour papoter en portugais avec une dame d'âge mûr. «Elles sont nées dans le même petit village au Portugal», confie à voix basse sa fille Odete. Cette dernière nous avait prévenus qu'en compagnie de sa populaire maman, il serait impossible de faire plus de deux pas à la fois dans le quartier portugais de l'ouest du Plateau Mont-Royal.

Pourtant, cela fait plus de 20 ans que les Parente ont quitté la rue Laval pour le quartier d'Hochelaga-Maisonneuve, à la frontière de Saint-Léonard.

Odete a épousé Anthony Pacheco, qui est originaire des Açores. Elle est enseignante dans une école de Saint-Michel et Tony travaille chez Bell, dans le domaine du service à la clientèle. La chambre de Dario (9 ans) est un temple de la renommée sportive juvénile. Celle de Christina (11 ans et demi) est un havre rose à la gloire de Justin Bieber.

Premières communions, baptêmes, confirmations... Chez cette famille qui s'implique dans la communauté portugaise, les gros festins familiaux sont légion.

Plus tôt cette journée-là, nous avons été accueillis par la maisonnée pleine d'entrain où l'on communique dans un mélange de français, d'anglais et de portugais. Un samedi matin bien ordinaire? Pas tout à fait. D'habitude, on s'active pour arriver à temps à l'école portugaise, où Dario et Christina étudient la langue de leurs ancêtres et où maman Odete enseigne.

«Dario, c'est le cuisinier de la famille!» annonce Christina, qui se régale des desserts que son frérot prépare avec son petit four Easy-Bake.

Malgré le congé à l'école portugaise, il n'y a pas de temps à perdre: Dario doit être sur le terrain de soccer à 10 h pour le match final de sa ligue. Odete et Tony nous proposent de préparer un poulet grillé, spécialité de la maison... et un favori des petits voisins du quartier! «Un des amis québécois de Dario proteste quand je lui offre autre chose que de la cuisine portugaise», dit Odete, amusée.

Pendant que Dario pèle les pommes de terre et que Christina essore la laitue, Odete apprête les morceaux de poulet. Tony, lui, est responsable de l'assaisonnement. Le frigo des Parente-Pacheco ne saurait se passer de sauces piri-piri ni de pâte de piments. «Celle-là a été préparée par ma mère», précise le grand sportif à l'accent anglophone.

Mamie Maria entre avec ses sacs d'épicerie vides et il est temps de partir faire les courses. Notre destination: le boulevard Saint-Laurent, entre les rues Marie-Anne et Villeneuve. Premier arrêt: la pâtisserie Notre Maison, où Odete et Maria vont faire provision de quelques douzaines de pains papo seco - à congeler, si Dario ne les engloutit pas tous en cinq minutes... Aurora et Joaquim Costa, les propriétaires, sont des amis de la famille, et on échange des nouvelles des uns et des autres. Ils nous gavent joyeusement de croquettes aux crevettes et de «natas», ces traditionnelles tartelettes aux oeufs.

Au marché Sakaris, une épicerie multiethnique tenue par des Vietnamiens, Odete, Maria et Christina choisissent chorizo, rapini, paio, pâte de piments, bouteilles de Sumol à l'orange (une boisson gazeuse portugaise) et huile d'olive. Avant le 11 septembre 2001 et le resserrement de la sécurité dans les aéroports, Maria et Odete utilisaient l'huile extraite des olives de la propriété des Parente, au Portugal qu'ils rapportaient dans leurs valises....

Suit un petit détour par le marché Sa, pour acheter thon, fromage, sardines congelées et chorizo piquant.

À la poissonnerie San Miguel, rue Saint-Urbain, angle Villeneuve, nous sommes reçus comme de la grande visite par le proprio, trop content de nous montrer ses nouveaux arrivages de petits requins pêchés en eaux portugaises. «J'ai grandi avec son fils, qui a l'âge de mon frère», raconte Odete.

«Vous voulez goûter à mon saumon fumé?» propose le propriétaire. Maria se dirige ensuite vers l'étal de morues séchées, la base des célèbres croquettes qu'elle insère dans les boîtes à lunch de ses petits-enfants les jours d'école portugaise. «Au Portugal, il y a un dicton qui prétend qu'il existe 365 façons d'apprêter la morue.»

Plus tard cette semaine, Tony (dont les horaires de travail sont plus flexibles) épluchera les circulaires et fera la virée des supermarchés pour acheter lait, oeufs, conserves et autres éléments pour les boîtes à lunch.

Ainsi va la vie (et l'épicerie) chez les Parente-Pacheco...

Dans les paniers

Papo seco (petits pains ronds), queijo São Jorge (fromage à base de lait de vache des Açores), poulet, sardines (à faire cuire sur le charbon de bois, jamais sur le barbecue!), paio chouricao (charcuterie en tranches), pâte de piment des Açores, sauce piri-piri, morue séchée, saucisson chorizo, sazon Goya (assaisonnement de marque portugaise), sumol (boisson gazeuse portugaise), huile d'olive

Adresses

Supermarché Frères Sakaris: 4393, boul. Saint-Laurent

Pâtisserie De Notre Maison: 4101, boul. Saint-Laurent

Marché Sa et fils: 4701, rue Saint-Urbain

Poissonnerie San Miguel: 4804, rue Saint-Urbain