Lady Godiva, Galeuse d'Eysines, Turban d'Aladin, Pink Jumbo Banana, Small Sugar... Avec leurs noms burlesques et leurs formes baroques, les courges d'hiver sont bel et bien les fruits d'octobre. Louise Gagnon, auteure de Sous le charme des courges et des citrouilles, se fait l'entremetteuse de ces «belles inconnues» et propose cinq variétés à apprivoiser.

La Buttercup

Hybride entre la Sweet Mama et le potimarron, la Buttercup se reconnaît à sa forme plate du côté du pédoncule, «un peu comme un tambour», décrit Louise Gagnon. Sa chair est fine, moelleuse et très peu fibreuse. Et d'un bel orange vif, signe d'une valeur nutritive élevée (elle regorge de bêta-carotène - vitamine A). Son goût est sucré et dégage des arômes de noix. Louise Gagnon l'a retenue pour sa polyvalence et sa disponibilité - elle fait partie des variétés qu'on peut se procurer facilement, en saison, dans les supermarchés. Elle donne de l'onctuosité aux potages, il suffit de la faire cuire au four avec son épaisse pelure (indice d'une longue conservation), après lui avoir retiré ses pépins. Si, de manière générale, les courges et les épices s'agencent bien, celle-ci est particulièrement délicieuse mariée aux parfums du cinq-épices chinois.

La Buttercup

La Hubbard bleue

On distingue la Hubbard bleue à sa peau bosselée et à son teint gris-bleu, zinc. Il ne faut toutefois pas se laisser intimider par les airs monstrueux qu'elle se donne ni par sa taille, qui peut atteindre celle d'une pastèque. Louise Gagnon recommande cette variété à ceux moins tentés par les légumes sucrés. Et à ceux qui chercheraient, à tout hasard, une occasion de se défouler... Car elle a mis au point une technique pour fendre la peau robuste de la Hubbard et faciliter sa découpe. Elle consiste, rien de moins, à déposer la courge dans un sac en plastique et à la fracasser contre le sol. Si possible sur une surface assez dure (du béton) pour éviter qu'elle rebondisse. Le truc est infaillible (au risque d'alarmer les voisins d'en dessous). Comme elle se tient bien à la cuisson, Louise Gagnon en fait des cubes pour ses caris et mijotés. Elle est aussi la solution de rechange aux pommes de terre, en frites ou dans le pâté chinois, d'autant plus qu'elle fait bon ménage avec le maïs.

La Hubbard bleue

La Jack-be-Little

Cette courge lilliputienne, modèle réduit des citrouilles d'Halloween (Jack-O-Lantern), gagne à être «autre chose qu'une petite potiche». D'où le désir de Louise Gagnon de la faire découvrir autrement que pour ses charmes décoratifs. La Jack-be-Little a une chair sucrée dont le goût s'apparente à celui de la châtaigne. Vidée, elle se transforme en cocotte comestible pour le potage ou, version dessert, pour la crème brûlée, que Louise Gagnon aromatise au chaï pour retirer le maximum du contraste des saveurs. Une façon d'ouvrir cette minicourge à l'enveloppe coriace en minimisant les risques de blessure: la déposer sur une planche à découper, planter un couteau à la lame solide dans la peau et frapper sur le manche à petits coups de marteau pour la séparer en deux parties égales. Pour un clin d'oeil au patrimoine québécois, on peut simplement couper le chapeau du fruit, l'évider, le remplir d'une noisette de beurre et de sirop d'érable, l'enfourner 20 minutes à 350°F et déguster.

La Jack-be-Little

La Sweet Dumpling

Pour Louise Gagnon, la Sweet Dumpling est LA courge originelle, la première de toutes, celle qui l'a fait chavirer dans le monde des cucurbitacées. Son goût de pâte d'amande (on dit aussi d'amandes caramélisées et de noisettes) lui a plu au point de la dévorer tout entière à la sortie du four, à la petite cuillère... On la reconnaît à son renfoncement du côté de la tige et elle atteint le bon degré de mûrissement et son plein potentiel de saveur lorsque sa peau ivoire est picotée de taches de rousseur. On le devine à son appellation, c'est la courge de prédilection pour les desserts, bien que ce ne soit pas son unique vocation. Louise Gagnon a notamment conçu pour celle qu'on surnomme Patidou une mousse bien nommée tiguidou, composée de blancs d'oeufs, de sucre et d'amandes grillées. Elle donne aussi du moelleux et de la richesse aux pâtisseries, à la crème glacée et... à la pâte à pouding chômeur.

La Sweet Dumpling

La Délicata

La Délicata est moins sucrée que la précédente. On compare ses arômes à ceux de la patate douce et du maïs frais. De format «célibataire», elle a l'avantage de se conserver longtemps et la particularité de s'apprêter crue, coupée en julienne à la mandoline, par exemple. Octobre est le mois pour faire des provisions; dès novembre, elle commencera à se raréfier dans les champs. À moins de la laisser vieillir à la maison, il faut préférer celle dont la peau couleur crème est marquée de longues stries orangées. Louise Gagnon suggère de la manger farcie à toutes les sauces: viande, lentilles, fromage. Ou, comme sa forme oblongue s'y prête bien et que sa peau tendre est comestible, de la tailler simplement en rondelles, lesquelles auront été arrosées d'huile d'olive et assaisonnées de piment d'Espelette ou de Cayenne avant d'être grillées.

La Délicata

Où les trouver?

Au marché Jean-Talon, Les Jardins Mil'herbes (bios) et le Potager Mont-Rouge offrent la plus grande variété. En saison, plusieurs supermarchés tiennent, outre les Butternut, spaghetti et poivrée, certaines courges plus méconnues, comme la Buttercup et la Délicata.