Depuis plus de 30 ans, on s'y presse à toute heure du jour pour manger un hamburger, mais bientôt, il ne restera que des gourmands déçus: le restaurant montréalais La Paryse ferme ses portes.

«Si j'ai bien compris, vous parlez de fermer? Ça n'a pas d'allure!» Le client a abordé Paryse Taillefer tandis qu'elle buvait un espresso assise au comptoir de son restaurant. Il avait eu vent de la nouvelle et, comme la propriétaire elle-même, semblait avoir de la difficulté à croire que le petit resto de la rue Ontario ne serait plus.

La décision de fermer a beau avoir été longuement mûrie, elle n'est pas moins déchirante pour la propriétaire. Car La Paryse, c'est elle.

«Ce n'est pas un restaurant ou une business, c'est ma vie. C'est le plaisir d'être ensemble, de partager. C'est de ça que je vais m'ennuyer.»

Tout a pourtant commencé par un hasard. Paryse Taillefer a à peine 25 ans quand un ami lui fait une proposition. «Il m'a dit, est-ce que ça te tente d'avoir un resto?» L'immeuble qu'il venait d'acheter avait un local tout désigné. Fille de restaurateur - son père tenait un restaurant de quartier rue Jarry -, elle se lance avec une amie, qui convainc cette végétarienne de mettre un hamburger au menu!

«C'était clair que si je faisais des burgers, je devais avoir envie de la manger, cette viande-là. Il fallait que ce soit d'une qualité plus que supérieure.»

Fidèle à son boucher depuis les débuts, elle succombe parfois à sa création, admet-elle. Puis, elle se penche au-dessus de la table comme pour que les clients attablés devant leurs hamburgers ne l'entendent pas. «C'est comme une drogue, chuchote-t-elle, ils sont bons...»

Les clients lui donnent raison depuis trois décennies. Ce n'est donc pas la «frénésie du burger décadent» qui touche la métropole qui la force à fermer. C'est surtout que le local qui l'a accueillie est aujourd'hui «mal entretenu» et ne convient plus. Mais il y a davantage.

«J'approche la soixantaine et j'ai besoin de prendre mon souffle, dit Paryse Taillefer. Trente-deux ans, c'est long. Au fond, c'est comme une histoire d'amour: ce n'est pas qu'on ne s'aime plus, mais ce serait peut-être bien qu'on s'arrête un peu et qu'on prenne du recul. Mais on a toutes les raisons d'être fiers et satisfaits de ce qu'on a accompli.»

Pour cette ancienne travailleuse de rue, la restauration est indissociable de la communauté. Sa fierté lui vient donc également de son engagement social.

Lorsqu'ils se régalaient de frites, peu de clients savaient que plus de 1% des profits du restaurant allaient à des créateurs et des organismes communautaires. La création d'emplois figurait également au nombre des priorités de Paryse Taillefer lorsqu'elle a ouvert son restaurant. «Je me suis sentie très responsable de tous les jeunes qui sont passés ici», dit-elle.

À quelques semaines de la fermeture, elle s'excuse presque de laisser tomber ses clients et fidèles employés, mais elle assure que bientôt, une autre Paryse surgira.

Paryse Taillefer sait d'ores et déjà qu'il y aura un hamburger au menu, mais doute qu'il soit accompagné de frites. Elle se prend à rêver d'un local avec un grand jardin, situé tout près d'un marché public.

D'ici là, Paryse Taillefer veut jouer dehors avec son chien et s'occuper des enfants de la ruelle qui viennent cueillir des cerises de terre dans son jardin.

Mais la «gardienne attitrée» du quartier pourrait ne pas officier à ce titre bien longtemps. Au client qui se désole que son restaurant ferme, elle assure qu'elle reviendra. «C'est la meilleure nouvelle de la journée!», s'exclame-t-il. Un autre client satisfait.

Le restaurant La Paryse servira ses derniers burgers le 27 octobre. D'ici là, les clients peuvent se rendre une dernière fois au 302, rue Ontario Est pour manger un des fameux hamburgers.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Paryse Taillefer sait d'ores et déjà qu'il y aura un hamburger au menu, mais doute qu'il soit accompagné de frites. Elle se prend à rêver d'un local avec un grand jardin, situé tout près d'un marché public.