Des variétés sauvages de cerises de terre poussent depuis toujours au Québec, et nos grands-mères les utilisaient souvent dans leurs tartes ou leurs confitures. Pourtant, on cultive peu ici ce fruit délicat, mais facile à apprêter. Il y a 30 ans, Gonzague Hallé a voulu renouer avec une saveur de son enfance en plantant quelques graines de cerise de terre. Aujourd'hui, il en récolte 12 000 livres par année.

Gonzague Hallé conserve un souvenir impérissable des confitures de cerises de terre de sa grand-mère, à l'époque où, enfant, il vivait sur une ferme de la région de Rimouski. Ce goût unique gravé dans la mémoire de ses papilles gustatives a changé sa vie.

Au début des années 80, à partir de graines ramassées dans son patelin d'origine, il a commencé à cultiver quelques plants à Saint-Pie, sur la Rive-Sud, où il exerçait le métier de menuisier. Aujourd'hui âgé de 67 ans, Gonzague Hallé est un pionnier dans la culture et la mise en marché du petit fruit doré, l'«amour en cage», comme on l'appelait parfois. Si bien que le menuisier a pu mettre son marteau et son égoïne de côté il y a une quinzaine d'années pour s'occuper uniquement de son entreprise artisanale, joliment baptisée Passion dorée.

«Même si elle est facile à cultiver au jardin, la cerise de terre reste encore méconnue, dit-il. Pourtant, son goût est exquis. En culture commerciale, la cueillette quotidienne exige cependant beaucoup de manutention. C'est une des raisons qui expliquent que les grands producteurs québécois se comptent sur les doigts de la main. Ici, la récolte manuelle se fait sur une base quotidienne.» Une récolte d'environ 12 000 livres de fruits annuellement.

En comparaison, la production, en partie mécanisée, de la ferme Granger à Saint-Jean-sur-Richelieu, est autour de 120 000 livres par année. La ferme Primera, à Saint-Thomas, près de Joliette, distribue quant à elle environ 60 000 livres de cerises de terre au Marché central.

Chez Gonzague Hallé, tout est artisanal. Il produit ses propres semences. Les engrais sont à base d'algues et les insecticides, une concoction de feuilles de rhubarbe. Passion dorée est aussi pionnière dans la transformation de la cerise de terre. Depuis plusieurs années déjà, on y fabrique différents produits vendus dans les épiceries fines: confits, confitures, salsa, coulis... Il a aussi mis en marché des alcools originaux. Il lui a d'ailleurs fallu deux ans pour convaincre la Société des alcools d'accepter son premier élixir. «Ils n'avaient jamais entendu parler de ce fruit», dit-il.

Le producteur s'est aussi intéressé à d'autres espèces similaires de cerises de terre. Pour la transformation, il cultive aussi la lanterne chinoise, la groseille du Cap et même le tomatillo (ou tomatille), avec lequel il fait sa propre salsa.

Jovial et communicatif, le proprio de Passion dorée a ouvert ses portes à l'autocueillette durant 15 ans. Durement frappé par des épreuves cette année, il a dû ralentir ses activités, mais il continue néanmoins à faire ses recettes et à vendre ses fruits sur place. L'autocueillette est toutefois terminée. «C'est trop exigeant. Dommage, car j'avais un plaisir fou à partager mon amour pour la cerise dorée.» Un amour désormais en cage...

Autocueillette

D'abord producteur de courges et d'artichauts, la ferme La Fille du Roy, à Sainte-Madeleine, sur la Rive-Sud, cultive aussi un millier de plants de cerises de terre destinés à l'autocueillette. Les fruits récoltés se vendent 2,50$ la livre. Les portes ouvrent le 1er septembre.

www.lafilleduroy.com