Il est plutôt rare de trouver au Québec des tablettes de chocolat venant du Costa Rica. La production de cacao y est en effet marginale depuis l'arrivée au pays du terrible champignon parasite monilia, en 1978, qui a décimé 80% des cultures et fait chuter les exportations de 90%! Quelque 10 000 hectares de culture ont été laissés à l'abandon depuis.

Cela dit, le Costa Rica est loin d'être un joueur sans intérêt dans le milieu du chocolat et attire l'attention des plus grands producteurs du monde. On y trouve le plus important centre de recherche universitaire sur le cacao d'Amérique latine (le CATIE), dont la collection de 1200 variétés de cacaoyers est l'une des plus vastes de la planète.

Les chercheurs y mettent actuellement au point une nouvelle variété résistante au monilia qui frappe toute l'Amérique latine. Les tests menés à partir de six familles de clones sont encourageants, les arbres restent sains et sont 10 fois plus productifs que la normale. Mieux: des échantillons présentés au Salon du chocolat de Paris se sont classés parmi les 50 meilleurs dans le monde, bien au-dessus de la moyenne des autres cacaos de la même espèce, trinitario. Et pour la première fois, le public québécois pourra y goûter, puisque Geneviève Grandbois a rapporté 15 kg de ces fèves qu'elle a utilisées pour créer des chocolats de Pâques vendus dans ses boutiques de Montréal et de Brossard.

Bon au goût, bon pour l'environnement...

Ce n'est pas par simple gourmandise qu'autant d'efforts sont déployés pour relancer la production de cacao au Costa Rica et la préserver dans le reste du continent. Cette culture est aussi l'une des meilleures pour l'environnement, démontre une étude du CATIE, avec un potentiel de captation des gaz à effet de serre similaire à celui de la forêt amazonienne et des impacts limités sur les sols et les ressources d'eau.

Il faut dire qu'une plantation de cacao n'a que bien peu de choses en commun avec les monocultures très ordonnées de palmiers ou d'ananas vers lesquelles les agriculteurs se sont tournés après le choc de 1978. Les cacaoyers aiment côtoyer d'autres essences d'arbres qui leur feront de l'ombre, des plantes tropicales qui préservent l'humidité au sol. Ainsi, à moins d'être fin connaisseur, on peinera à distinguer une plantation d'une autre parcelle de forêt tropicale. Les espèces de reptiles, d'oiseaux, de fleurs et d'insectes s'y comptent par centaines. «La biodiversité y est d'une extraordinaire richesse», résume Wilbert Philipps, chercheur du CATIE rencontré au Costa Rica.

... et bon pour l'économie

Bien sûr, l'intérêt pour la relance du cacao est aussi économique. «C'est un important levier de développement social», croit le professeur Philipps. Les plantations de cacao sont d'assez petite taille si on les compare aux bananeraies et aux palmeraies, les fermiers peuvent être maîtres chez eux au lieu de travailler pour de grandes sociétés.

C'est dans cette optique d'autonomisation qu'a été crée Sibu chocolate (www.sibuchocolate.com), il y a cinq ans, par un historien et un journaliste costaricains étonnés de voir que la totalité, ou presque, du cacao local était exporté pour y être transformé. «Ce n'est pas logique! Il faut reprendre le contrôle de ce marché. On a plus intérêt à vendre le produit fini que notre matière première!», note Julio Fernandez. Leurs bouchées, de grande qualité, sont produites de A à Z au Costa Rica avec des produits locaux (de la cardamome, du café, de la vanille, etc.) et vendues dans des emballages écologiques fabriqués avec les restes de fèves de cacao.

Oui, le salut du cacao latino-américain pourrait bien passer par le Costa Rica.