Ce phénomène des jeunes intellos tatoués qui découvrent les joies du débitage de grosses carcasses bios ne semble pas encore avoir atteint le Québec. Mais cela ne veut pas dire que nous soyons dépourvus de bons bouchers. Au contraire.

À Montréal, certains clients sont fidèles à Vito, dans le Mile End. D'autres ne jurent que par la Boucherie de Tours ou la viande bio des fermes Saint-Vincent, toutes deux au marché Atwater. Bernard Coat chez Latina, aussi dans le quartier Mile End, a des centaines d'adeptes. Et c'est sans parler de Slovenia, de la Boucherie du marché Jean-Talon, de la boucherie L'entrecôte à Brossard - la seule à vendre le boeuf Wagyu du Québec -, et d'autres temples de la viande de qualité.

«Nous avons d'excellents bouchers au Québec et à Montréal», affirme Frédéric Morin. Le chef du restaurant Joe Beef s'approvisionne principalement à la Boucherie de Tours et chez Cumbrae's, une boucherie exceptionnelle de Toronto qui ne vend que de la viande bio, produite par des petits fermiers de l'Ontario et du Québec.

«Lorsque la gang de Fleisher's est venue à Montréal, on l'a amenée au marché Atwater et les gars n'en revenaient pas de voir toutes ces petites boucheries rassemblées sous un même toit, raconte Frédéric Morin. Aux États-Unis, la boucherie a presque disparu au profit de la viande préemballée des supermarchés. Il ne reste pas beaucoup de bouchers qui savent encore quoi faire avec une carcasse entière.»

Pour Pierrot Fortier, de la Boucherie de Tours, il y a les bouchers et il y a les «coupeurs de viande». Ces derniers travaillent généralement dans les abattoirs et dans certaines grandes chaînes d'alimentation. «Ce ne sont pas eux qui vont expliquer au client comment faire cuire sa viande», précise le propriétaire.

Bernard Coat est le boucher en chef de l'épicerie fine Latina, depuis un an et demi. Il a travaillé pendant 15 ans chez Anjou Québec, avenue Laurier. Sa fidèle clientèle l'a suivi d'Outremont au Mile End. Il tient à son titre d'artisan-boucher. «Ce qui fait la particularité d'un artisan-boucher, c'est sa connaissance de l'origine des viandes et son choix de la qualité. Il doit aimer le contact avec la clientèle, connaître la cuisine pour transmettre au client temps et modes de cuisson, avoir une bonne connaissance de l'anatomie animale, faire preuve de rigueur et de constance dans la préparation des viandes. La résistance physique n'est pas non plus à négliger.»

Depuis environ deux ans, Latina met beaucoup l'accent sur les viandes biologiques ou élevées sans hormones ni antibiotiques. M. Coat favorise les produits de petits producteurs comme le porcelet de la ferme Gaspor, le poulet des Viandes biologiques de Charlevoix, la pintade de la ferme Besnier, le porc naturel des élevages Ardennes à Mont-Saint-Grégoire, l'agneau de la Gaspésie nourri aux algues de la Bergerie de Margot, puis le lapin de Stanstead.

Le comptoir de viande offre également toutes sortes de préparations bouchères, comme les boulettes de veau aux champignons porcinis, le carré d'agneau en croûte d'herbes, le rôti de lapin aux cèpes, la bavette de veau Limoncello et le rôti de porcelet mariné au sirop de bouleau.

Pierrot Fortier considère pour sa part que le boucher a aussi un rôle à jouer dans la mise en place de certaines tendances culinaires et dans la popularisation de coupes méconnues. La Boucherie de Tours travaille étroitement avec les restaurateurs, les chefs et les stylistes culinaires, entre autres. C'est ainsi que la joue de veau, l'onglet, le jarret d'agneau, la bavette et le rôti de palette, entre autres, sont sortis de l'ombre au cours des dernières années.

Vivement la relève

Bien que ceux qui le pratiquent jurent qu'il s'agit du plus beau métier du monde, la boucherie manque de relève compétente. «C'est dur et c'est très physique, la boucherie. Ce n'est pas nécessairement attirant pour les jeunes d'aujourd'hui. Mais il manque de relève dans les métiers manuels en général», conclut Pierrot Fortier.