Une demi-douzaine d'établissements carcéraux au Québec font régulièrement appel aux services de zoothérapeutes.

Guylaine Normandeau, fondatrice de l'Institut de zoothérapie du Québec, a été une des premières à utiliser la zoothérapie dans cet environnement en arrivant, il y a quelques années, avec ses chiens, chats, oiseaux, lapins et petits rongeurs au Centre de détention de Québec. Retour sur son parcours.

Q : Comment avez-vous débuté?

R : J'ai commencé dans le milieu carcéral en 1997 et, à cette époque, personne ne le faisait encore. J'étais à l'Établissement de détention de Québec. Aujourd'hui, je fais de la formation à Montréal pour les futurs zoothérapeutes, et une de mes collègues a pris la relève. Avant de me lancer en zoothérapie, je dressais des chiens pour la police. J'ai eu un berger allemand qui est tombé malade et j'ai commencé à l'emmener dans les centres pour personnes âgées. Quand j'ai vu que ça avait vraiment apporté quelque chose, j'ai fait une réorientation de carrière en suivant des formations. C'est là que j'ai découvert la zoothérapie. J'ai gagné un prix de jeune entrepreneur et ça m'a lancée dans le domaine. J'ai alors laissé mon emploi de graphiste.

Q : Pourquoi avoir choisi de travailler dans les prisons?

R : J'ai participé à un reportage sur la zoothérapie avec les personnes âgées et on m'a demandé quel était mon prochain objectif. J'ai répondu que j'aimerais travailler en milieu carcéral. Je n'avais encore fait aucune démarche, et ce sont ces gens qui ont pris contact avec moi! Après un projet-pilote, c'est devenu un programme hebdomadaire.

Q : Quel accueil avez-vous reçu?

R : Comme j'ai de l'expérience dans le domaine, je savais qu'il y aurait toujours de la réticence devant la nouveauté. Les détenus connaissaient peu la zoothérapie, alors ils se méfiaient. Ç'avait été la même chose dans les hôpitaux. Ma plus grande surprise a été la réaction des agents correctionnels, qui m'ont dit: «Les détenus ne méritent pas d'avoir ce service-là.» La justice s'est déjà occupée d'eux, moi, je viens pour faire baisser le niveau d'agressivité dans l'établissement. J'ai répondu aux agents qu'ils bénéficieraient aussi de la présence des animaux pour se détendre. Et c'est ce qui s'est passé! Quand on arrivait, les agents correctionnels étaient les premiers à passer du temps avec les animaux. Quand je me rendais dans les unités, ils pouvaient souffler un peu, car les détenus étaient tous concentrés sur ce qui se passait. Ça permettait de les calmer. Les effets ont été plus vastes que ce qu'ils pensaient, et c'est pour ça que ç'a continué.

Q : Comment se déroule une séance en prison?

R : On permet aux détenus d'entrer en contact avec les animaux en leur donnant, par exemple, des brosses ou de la nourriture. Ça leur permet d'échanger quand ils réalisent qu'avec nous, ils ne sont pas dans une relation de pouvoir, ce qui les pousse à être eux-mêmes. On est là pour les détendre et ils prennent parfois le temps de se confier.

Q : Quels résultats avez-vous pu observer?

R : Les détenus sont respectueux avec les animaux. On observe une diminution marquée de l'agressivité entre les détenus et une augmentation des échanges positifs entre ceux-ci et les membres du personnel, pendant et après les séances de zoothérapie. Ça permet aussi aux détenus, dans certains cas, de reprendre doucement contact avec leurs émotions. L'unité la plus difficile a été celle de l'infirmerie, où on reçoit tous les cas de pédophilie, de psychiatrie, etc. Il y a beaucoup de sorties dans cet établissement, alors on ne pouvait pas vraiment travailler sur le plan thérapeutique à plus long terme. Je me souviens particulièrement de cet homme qui avait pris conscience du geste qu'il avait commis et qui m'en avait parlé alors qu'il était en présence de l'animal pendant un an. Il a vraiment évolué dans son cheminement.

Q : Quel conseil donnez-vous à quelqu'un qui voudrait suivre votre voie?

R : Ce n'est pas n'importe qui qui peut faire ça! C'est un milieu où la relation n'est pas toujours évidente. On côtoie des personnes souffrant de maladie mentale et des meurtriers. Pour faire ce métier, il faut aimer les animaux, mais surtout les gens, et savoir mettre notre jugement de côté. On n'est pas là pour guérir. L'objectif est de rendre le milieu plus vivable. Si on fait plus, tant mieux! Il y a des pour et des contre. Si ça peut permettre aux agents correctionnels de travailler dans un meilleur environnement, c'est très bien. Mais on n'est pas là pour faire un cadeau aux détenus.