Il est sans doute le chien japonais le plus connu sur la planète: Hatchi a attendu son maître à la gare de Shibuya pendant 10 ans après la mort de celui-ci. Véritable modèle de fidélité, Hatchi a sa propre statue, et est aussi la vedette d'un livre, et d'un film. Un fabuleux destin que Mélodie, Golden Retriever femelle morte il y a trois ans, pourrait bien connaître grâce à Akira Mizubayashi, le plus francophone et francophile des auteurs japonais, qui lui a consacré son tout dernier ouvrage intitulé Mélodie. Chronique d'une passion.

C'est dans une petite boîte à thé en bois laqué que le personnage principal a gardé une partie des cendres de son père. À la mort de sa chienne Mélodie, il en a fait de même, répandant le reste de la fine poussière dans son jardin pour la rendre à la terre.

C'est ainsi qu'Akira Mizubayashi a choisi de plonger le lecteur dans un véritable tombeau littéraire de 250 pages, consacré à la vie de Mélodie, du jeune chiot naissant à sa mort le 2 décembre 2009.

Auteur à succès de sept livres en japonais, Akira Mizubayashi s'est lancé en 2011 dans l'écriture dans la langue de Molière avec Une langue venue d'ailleurs, sorte de déclaration d'amour de l'auteur à la langue française qui est devenue sienne alors qu'il avait 19 ans.

«L'idée d'écrire sur Mélodie en français était dans la continuité de mon premier livre. Je suis hanté par deux fantômes: celui de mon père et celui de Mélodie. La nuit, ils ont un degré de présence assez comparable dans mes rêves. Mélodie nous a quittés il y a trois ans et mon père, il y a 18 ans. Ils ne se sont jamais rencontrés dans le monde réel, mais ils cohabitent dans mon imaginaire», explique l'auteur.

Une rencontre entre deux êtres chers dans le monde du rêve qu'Akira Mizubayashi a voulu explorer un peu plus dans son roman. Au-delà de cette véritable déclaration d'amour de l'auteur pour sa chienne, Akira Mizubayashi propose aussi une intéressante réflexion philosophique sur l'humanité et son rapport aux animaux, à travers de courts chapitres, des «fragments échappés du portefeuille du compagnon d'une chienne» qui ponctuent le récit de sa vie avec Mélodie.

«J'ai pris le risque d'avoir comme fil conducteur l'histoire de la vie et de la mort d'un animal. Ça peut paraître mièvre ou mince, alors j'ai tenté de trouver une forme qui désarme le lecteur dès le début. C'est aussi et surtout un livre sur la condition humaine. C'est pour cela que tout de suite après l'introduction consacrée à la mort de Mélodie, j'ai éprouvé le besoin de poursuivre avec un premier fragment, consacré uniquement à la mort de mon père», précise-t-il.

Mélodie. Chronique d'une passion propose ainsi de nombreuses références à des penseurs comme Descartes ou Rousseau et à la littérature avec, entre autres, une référence à Argos dans l'Odyssée, compagnon à quatre pattes d'Ulysse qui retrouve son maître après 20 ans d'absence et meurt en le reconnaissant.

«J'ai relu certains grands textes parlant des animaux comme ceux de Descartes ou Rousseau. Je les connaissais, mais c'est la vie avec Mélodie qui m'a permis de les comprendre en profondeur et avec empathie. Particulièrement celui de Rousseau sur la notion de pitié», précise l'auteur qui offre une belle réflexion sur ces textes. Tantôt amie, tantôt fille, Mélodie a aussi été maître pour Akira Mizubayashi.

«Il y a eu trois ans entre sa disparition et la publication de ce livre. Tout de suite après sa mort, je me suis dit que c'était un être qui n'avait pas parlé, comme tous les grands maîtres japonais dans tous les arts martiaux ou floraux. C'est l'élève qui doit déchiffrer tous les signes émis par le maître et c'est exactement le genre de rapport que j'ai eu avec Mélodie. Je voulais la remercier en écrivant ce livre, en mettant dans ce livre tout l'enseignement que j'ai reçu de sa part», conclut-il.