Le Québec qu'on aime se rapporte aussi à la maison. On croit parfois qu'il faut visiter de petits commerces spécialisés ou faire des efforts surhumains pour mettre la main sur des produits d'ici. Faux. Il suffit d'être plus attentif. Car ils sont là. De plus en plus disponibles. Poussés par la popularité de l'achat local, des petits producteurs et transformateurs ingénieux ont su trouver leur chemin jusqu'à l'épicerie. Le fruit de leurs efforts est appétissant: il ne demande qu'à être cueilli. On vous qualifiera peut-être de «locavore», mais en fait, vous n'êtes que gourmand. 

1- Des saucissons 

Le Québec commence sérieusement à se rattraper dans le rayon du saucisson. Le vrai, le sec qui se mange comme ça, sans rien pour lui porter ombrage. Les viandes biologiques Charlevoix, de Saint-Urbain, commencent à en faire une spécialité. Ils utilisent la viande de leurs porcs et uniquement celle-là. De l'autre côté du fleuve, à La Pocatière, Samuel Gaudet et Nathalie Joannette travaillent aussi le porc bio. On a plusieurs fois vanté les mérites des saucissons de Grelots, Bâtons et Cie dans ces pages. Et pour cause. D'abord, ces deux jeunes entrepreneurs ont vraiment été audacieux de se lancer, comme ça, dans le saucisson artisan. Ils ne font surtout pas de compromis sur la qualité des ingrédients qu'ils choisissent. Ils aiment la bouffe, sont plutôt du type slow food dans l'esprit, c'est-à-dire qu'ils valorisent l'aliment en tant que tel. D'où leur souci de bien le faire. Et puis, leurs produits haut de gamme ont vraiment séduit les gourmets du Québec puisqu'on les trouve de plus en plus dans les comptoirs des charcutiers de la métropole et aussi en région.

 

> www.viandesbiocharlevoix.com

> www.fouducochon.com

2- De l'ail

De tous les produits importés, l'ail est l'un de ceux qui déçoivent le plus les consommateurs, si on se fie au courrier envoyé à La Presse. Il arrive ici de trop loin et est souvent germé, sinon pourri. D'un autre côté, l'ail québécois est difficile à trouver. La productrice de l'Estrie Christiane Massé a réussi à percer le marché de la grande distribution avec son ail bio le Petit Mas. Son entreprise est en pleine expansion, la demande pour des bulbes de qualité étant vraiment forte. Or, ne cherchez pas de l'ail du Petit Mas à l'épicerie par les temps qui courent, il n'y en a plus. Il faut attendre la prochaine récolte, à la fin de l'été.

Alors que reste-t-il comme option pour les consommateurs qui boycottent l'ail chinois? D'abord la fleur d'ail. Délicieuse, elle se vend fraîche au début de l'été, quoique ces grandes tiges rigides ne sont pas si faciles à dompter en cuisine. Heureusement, nos sympathiques producteurs font tout le travail pour nous. La fleur est hachée et conservée dans l'huile.

Reste une autre option, pour attendre patiemment la saison prochaine de l'ail frais: l'ail séché. Plus rare cependant, car il faut que l'agriculteur ait eu: 1- un surplus en fin de saison: 2- l'idée géniale de sécher ce surplus. Mais cela existe. Aux dernières nouvelles, il en restait de la dernière récolte des jardins Viridis, de Maria, en Gaspésie. La boutique Fous de la Gaspésie en a peut-être encore en stock, à Montréal.

N.B.: Amoureux de l'ail frais, n'oubliez surtout pas de faire vos récoltes à la fin de cet été. Des producteurs de toutes les régions du Québec font de l'ail. Achetez-en pour plusieurs mois, car bien entreposés, les bulbes se conservent très bien.

> www.lepetitmas.ca

3- Du cidre

Les pomiculteurs ont-ils la bosse de la mise en marché? La cidrerie Michel Jodoin, de Montérégie, et les vergers Pedneault, de l'Isle-aux-Coudres, offrent tous les deux de jolies petites bouteilles de cidre pétillant. Pour les réceptions chic, c'est fabuleux. Les organisateurs de cocktails mondains devraient aussi tous se mettre à l'alimentation locale! Et pour les plus jeunes? Il fallait y penser! Et c'est ce qu'ont fait les propriétaires des Vergers de la Colline, de Sainte-Cécile-de-Milton, en créant leur petite Coccinelle. Un produit coup de coeur. Une petite bouteille de moût de pomme pétillant, donc sans alcool, mais belle comme une bouteille destinée aux grands. Pour une fête d'enfants qui ne sont plus vraiment des petits - car il pétille, le jus! Belle innovation.

> www.lesvergersdelacolline.com

 

4- De la choucroute

Si vous avez en tête une choucroute mollasse et trop parfumée au vin blanc, c'est que vous ne connaissez pas la choucroute gaspésienne. Oui, c'est vrai, la Gaspésie est bien loin de l'Alsace ou de la Bavière. Mais le chou y pousse abondamment. Et c'est d'ailleurs pour utiliser une trop grande production de chou qu'un producteur a eu l'idée de le faire fermenter, naturellement, et de commercialiser une choucroute toute québécoise. Succès. Il faut dire que la choucroute de Sylvain Tapp, le producteur en question, est vraiment différente. Elle est croustillante et fraîche. Tellement qu'on ne la réserve pas pour les saucisses et les hot-dogs à l'européenne. Elle fait très bien dans les sandwichs. Il suffit de l'égoutter un peu et elle passe parfaitement le test de la boîte à lunch. Les enfants? De la choucroute? Mais oui, puisqu'elle n'a pas baigné dans le vin! Le goût et la texture tiennent plutôt de la marinade.

> www.produitstapp.com

5- Du canard

Selon le dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas, de tous les oiseaux, le canard est le plus facile à digérer! C'est bien sûr sans vanter ces qualités gustatives, certainement le volatile le plus intéressant pour la famille, après la volaille traditionnelle, bien sûr... Porté par un désir populaire de diversifier la viande dans l'assiette, le canard est maintenant disponible partout. Celui des grandes fermes se retrouve maintenant dans les supermarchés, alors que le canard des plus petites maisons se laisse trouver avec un peu plus d'efforts. Souvent dans les petites boutiques d'alimentation fine de la ville et de la banlieue.

À essayer, celui du Canard du Village, toute petite production de Saint-Pie qui fait des pièces fabuleuses. Il reste aussi l'option de commander directement du producteur. La ferme basque de Saint-Urbain le permet. À mettre dans le panier: leur formidable cassoulet traditionnel, si rassurant par une soirée de petit froid. Et pour les autres, il faut jeter un coup d'oeil sur les marchés publics et foires agricoles ou, mieux encore, se payer une petite visite à la campagne!

> www.canardduvillage.com

> www.lafermebasque.ca

6- Du vinaigre de pomme

Il faut prévoir la multiplication des vinaigres de cidre du Québec dans les prochaines années, simplement parce que c'est un marché à prendre. Il y a ici de superbes vergers dont plusieurs qui font de non moins superbes cidres. Alors où sont les vinaigres? Ceux qui en produisent n'en fabriquent pas de grandes quantités, ce qui fait qu'on peine à les trouver à l'extérieur de leurs vergers. Dans cette ère où l'alimentation de proximité fait vibrer les cordes sensibles des cuisiniers du dimanche, le vinaigre d'ici ne demande qu'à se tailler une place sur les tablettes des supermarchés. On en trouve déjà quelques-uns, dont le merveilleux vinaigre de cidre artisanal du domaine Levasseur. Il est fait tout naturellement, sans accélérateur ou poudre de perlimpinpin pour ajouter de l'acidité. Cela peut donc prendre plus d'un an avant d'avoir le produit final. Il est non pasteurisé et non filtré, ce qui se voit très bien à son aspect un peu brouillé...

> Disponible dans les épiceries Rachel-Béry.

Photo: La Presse

7- Des petits fruits indigènes

Il y a, actuellement au Québec, un engouement pour les petits fruits rares. On veut les ramener et cette effervescence n'est pas sans lien avec la vague «nutraceutique». Les études confirment que les baies sont des petites bombes d'antioxydants. L'explosion de la popularité de la canneberge et du bleuet? Directement liée à cet engouement pour les super aliments. Les Asiatiques en sont friands. C'est d'ailleurs en partie pour ce marché qu'un groupe de producteurs du Lac-Saint-Jean travaille à la réhabilitation de l'amélanchier, qui fait d'ailleurs un surprenant retour dans les produits du terroir. On n'a jamais tant vu de confiture à l'amélanchier. Sur la Côte-Nord, on veut mettre de l'avant le marché de la chicoutai et on nous présente des études sur les bienfaits de ce fruit indigène avant même de nous parler de son goût. À l'île d'Orléans, on cultive de plus en plus de cassis et on en fait des nectars savoureux. Et il y a le sureau, petite bille nordique à laquelle l'on prête des propriétés médicinales. Le Verger du Sureau, de Montérégie, le propose en gelée, aromatisée ou non, selon l'utilisation que vous voulez en faire. Et biologique, en plus! C'est étonnamment polyvalent et résolument différent.

> www.suro.ca

8- De la mayonnaise

Vous croyez qu'Hellmann's a le monopole de la mayonnaise au Québec? Eh non! Une toute petite entreprise de Saint-Jean-de-Matha, Cuisine Poirier, en a fait sa spécialité. Ça aussi, c'était un pari drôlement risqué. Aller jouer directement dans la cour des grands en offrant un produit qui périt plus vite et qui coûte plus cher! Apparemment, ils ont fait vibrer une corde sensible. La mayo Poirier est ce qui ressemble le plus, en épicerie, à une mayonnaise maison. Elle a effectivement le petit goût qui reste en bouche et qui vient probablement du trait de citron. Aucune ne contient d'agent d'épaississement ou de conservation et elles sont toutes faites d'ingrédients naturels. De plus, Cuisine Poirier a aussi ajouté une mayo bio à sa gamme.

> www.cuisinepoirier.ca

9- Des champignons

Il devient de plus en plus facile de choisir des champignons du Québec. Dans les comptoirs des supermarchés, les champignons d'ici côtoient souvent ceux qui viennent d'ailleurs.

Une jeune entreprise de Magog, Aux Champs mignons, fait la culture de champignons frais. Le couple de producteurs cultive les pleurotes et les vend entiers, mais il a aussi eu la brillante idée de les transformer en champinade, une petite tartinade - végé, il va sans dire - qui se mange bien entre deux morceaux de pain, avec des légumes frais. Pour ceux qui aiment bien la viande, sachez que la maison suggère d'étendre une petite couche de champinade sur le burger. Le produit est très polyvalent et permet aussi de mettre des champignons dans le quotidien, facilement.

Au rayon champignons sauvages, les tablettes sont aussi plus garnies que jamais. Pour des champignons d'ici, Gaspésie Sauvage, de la vallée de la Matapédia, propose toute une variété de champignons séchés à longueur d'année. Chanterelles, bolets, morilles, cèpes, matsutake... La plupart de ses champignons viennent du Québec, mais le groupe achète aussi des cueilleurs d'ailleurs en Amérique du Nord, la quête du champignon sauvage étant bien imprévisible.

> www.auxchamps-mignons.com

> www.gaspesiesauvage.com

10- Du miso

Rien de moins québécois que le miso, n'est-ce pas? C'était avant que les Aliments Massawippi ne s'en mêlent. D'abord, il faut rappeler que le miso est une pâte de soya fermenté qui est très populaire au Japon. C'est l'ingrédient principal (et parfois unique) de la fameuse soupe miso que l'on sert avant le sushi au restaurant japonais. Dans les cuisines japonaises, on se sert toutefois du miso dans bien d'autres plats. Ici aussi, de plus en plus, le miso est utilisé dans les cuisines des restaurants et souvent pour des plats qui n'ont rien d'asiatique. On peut, par exemple, en mettre un peu dans la mayonnaise pour lui donner du caractère. Mais ce n'est pas un goût inné. Il faut s'habituer à ce petit choc qu'il donne sur la langue au premier contact.

Revenons à Massawippi. Pourquoi le miso? Parce qu'au-delà de ses propriétés gustatives, le miso, étant un aliment fermenté, est riche en microorganismes bénéfiques pour la santé. Les habitués des boutiques d'aliments naturels connaissent déjà le produit depuis un bon bout de temps. La bonne nouvelle, c'est que les Aliments Massawippi utilisent des céréales de leur terroir pour faire leur pâte et qu'ils en font plusieurs variétés, pour les vrais amateurs. Pour les autres, ceux qui ne connaissent le miso ni des lèvres ni des dents, les soupes asiatiques restent un bon prélude. Bouillon, un peu de miso, légumes, poulet, nouilles. On y prend très vite goût.

> www.alimentsmassawippi.com

Photo: La Presse