Depuis la crise de la listériose de l'automne 2008, des inspecteurs provinciaux font le tour du Québec et visitent les petites fromageries. Ils ont prélevé et analysé plus de 800 échantillons. Les premiers résultats sont formels: il n'y a pas de Listeria dans les fromages québécois provenant de petites entreprises. Le taux de conformité est de 100%.  

Un rapport déposé discrètement sur le site du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) annonce l'excellente nouvelle et dresse un portrait assez positif de la situation des petits fromagers du Québec. Seulement cinq fromageries ont cessé d'utiliser le lait cru depuis la crise, selon les données du MAPAQ. On y apprend aussi que plus de la moitié des petits fromagers du Québec ont retrouvé le même niveau de vente que l'année dernière ou, même, ont augmenté leurs ventes.

En pleine crise économique, avec la hausse du prix des aliments, cette statistique est très surprenante, d'autant plus que sur le terrain, les distributeurs et marchands affirment vendre jusqu'à 20% moins de fromages fins ce printemps. Plusieurs petites fromageries observent aussi une diminution de leurs ventes.

Il y a énormément de mécontentement chez les petits producteurs. «Le gouvernement ne nous prend pas au sérieux», dit Suzanne Dufresne, de la fromagerie Au gré des champs. Plusieurs de ses collègues sont plus caustiques lorsqu'il est question de la gestion du MAPAQ et prennent plutôt mal ce rapport leur apprenant que leurs affaires vont bien, en général. Certains sont très rancuniers, voire furieux.

Malgré les analyses ayant donné un taux de conformité de 100% pour la Listeria, le MAPAQ compte poursuivre ses inspections dans les petites fromageries jusqu'en octobre prochain, tel que le prévoit le plan pour la croissance du secteur. Les fromageries devront ensuite prendre la relève.

Outre deux lots contenants un niveau hors norme pour la bactérie E. coli, seule la présence de bactéries staphylocoques a été décelée, six fois. Bien que toutes les données de l'étude soient confidentielles, on sait que ces bactéries ont été notamment trouvées à la Fromagerie Lehmann puisque Jacob Lehmann a déjà avoué avoir dû détruire des lots de fromages qu'il jugeait parfaitement sains, pour cette raison.

La fromagerie Lehmann est l'une des entreprises qui ont cessé de travailler avec le lait cru depuis la crise. La fromagerie Médard en est une autre. «C'était rendu trop compliqué, les règles sont trop difficiles à suivre», indique Normand Côté, propriétaire de la fromagerie du Lac-Saint-Jean.

Selon Suzanne Dufresne, de la fromagerie Au gré des champs, il y a eu énormément de confusion autour du fromage au lait cru durant, et après, l'automne 2008. Les deux fromages d'Au gré des champs sont toujours faits de lait cru, certifié biologique. Si elle est heureuse de voir ces résultats encourageants, la fromagère croit que le ministère de l'Agriculture dresse un portrait un peu trop positif de la situation. Elle déplore aussi que le rapport du MAPAQ s'intéresse aux chiffres de vente de décembre et février et taise les baisses considérables du début de l'automne 2008, au plus fort de la tempête. «Il y a eu une hémorragie et on n'en parle pas, dit-elle. On fait comme si ça n'avait pas existé.»

Fromages importés

Les inspecteurs du MAPAQ se sont aussi particulièrement intéressés aux fromages importés, ce qui est de la juridiction de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Leur intérêt a certainement été ravivé par une enquête de l'émission La semaine verte, de Radio-Canada, qui avait fait faire des tests maison sur des fromages importés, en vente au Québec. Cinq des huit fromages testés ne répondaient pas aux normes canadiennes. Les résultats du MAPAQ sont tout autres. Aucun des 60 échantillons testés n'avait de Listeria, de salmonelle et de staphylocoque. Un lot contenait trop de bactérie E. coli.