La gastronomie moléculaire est devenue le sujet in de l'heure. Détrompez-vous, il ne s'agit pas de manger en minuscules quantités. Cette façon de faire consiste plutôt à déconstruire les aliments pour les reconstruire autrement en leur donnant d'autres saveurs, textures, températures et formes.

Pour y arriver, elle utilise comme attirail de l'azote liquide, du CO2, des gélifiants comme l'agar-agar (un extrait d'algues) et des seringues remplies de potions magiques. Bien que plusieurs chefs prédisent que cette mode s'éteindra d'elle-même, Jean Soulard, lui, a plutôt décidé d'aller voir à la source de quoi se chauffe cette approche révolutionnaire.Il a invité dans sa cuisine du Château Frontenac le chef enseignant Gaëtan Tessier, du Centre Relais de la Lièvre, en Outaouais, à partager sa science de la gastronomie moléculaire avec les médias. Une science qu'il a développée dès 2004 pour son cours de cuisine évolutive destiné aux étudiants diplômés en cuisine qui désirent pousser plus loin leur formation.

M. Tessier puise notamment dans les livres de cuisine de Ferran Adrià. Car, depuis 10 ans, la gastronomie moléculaire fait parler d'elle à cause de la célébrité de ce chef catalan. Son restaurant El Bulli a fait de cette forme de recherche culinaire sa signature en s'inspirant des travaux du chimiste français Hervé This et du physicien Nicholas Kurti, qui l'ont inventée en 1988. La cuisine de Ferran Adrià est tellement à la mode dans le monde à l'heure actuelle qu'elle se paie à prix d'or et qu'il faut compter en moyenne quatre ans avant de pouvoir obtenir une table au El Bulli.

Pour l'atelier du Château, M.Tessier a concocté un menu tout à fait déconcertant pour les 10 journalistes installés au beau milieu des cuisines, pour observer, médusés, les prouesses de sept cuisiniers devenus apprentis chimistes.

Il en est résulté une tournée gastronomique de 18 services qui ne manquait pas de piquant ni d'humour. Jugez-en plutôt : entre la sucette glacée à l'asperge et truffe noire, la fraise et air glacé au parmesan et la galette aux algues nori, nous avons aussi dégusté un velouté mi-chaud mi-froid de pois verts à la menthe, des croquettes liquides de volaille, un sniff de cèpes gélifiés dans l'huile d'olive, une sublime «sphérique» au thé ou une roche effervescente à l'orange... Bienvenue dans l'univers de la très ludique (et complexe) gastronomie moléculaire !