Le prix du sirop d'érable atteint des records au moment où l'économie, elle, pointe cruellement vers le bas. Une industrie de la Beauce propose une solution à ceux qui ne veulent pas manger leurs gaufres à sec: un sirop de table, certifié biologique, à saveur d'érable. Coup de génie: il ne reste plus une conserve de sirop en stock, à l'entrepôt de Saint-Victor.

En promotion, à 3,99$ la conserve dans les supermarchés du groupe Provigo, les consommateurs en ont beaucoup acheté. Selon les rapports de vente reçus hier, il s'est vendu 1,4 conserve de ce sirop à la seconde, la fin de semaine dernière, raconte Yves Bernard, des Industries Bernard et fils.

 

Le fameux sirop contient du sirop de riz qui vient du Pakistan et du sirop de canne qui vient du Brésil. Comme il s'agit de deux ingrédients sucrés, mais au goût neutre, seulement 5% de vrai sirop d'érable suffisent à donner au sirop Bernard un goût d'érable. Tous les ingrédients sont certifiés biologiques et le tout est présenté dans la traditionnelle boîte d'aluminium.

Yves Bernard prétend que les consommateurs savent très bien ce qu'ils achètent lorsqu'ils mettent son sirop dans le panier. «C'est clairement indiqué qu'il s'agit d'un succédané de l'érable, explique-t-il. Et à 3,99$ la «canne», je pense que les consommateurs doivent se poser des questions.»

Mais justement, à ce prix-là, plusieurs clients ne se sont pas posé de question, croyant faire plutôt une très, très bonne affaire. Le prix du sirop d'érable pur oscille autour de 10$ la boîte, ces temps-ci.

Une fois rendus à la maison, après avoir lu la liste des ingrédients, certains consommateurs sont devenus très mécontents. «Nous avons reçu beaucoup de plaintes à ce sujet», confirme Anne-Marie Granger Godbout, directrice générale de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Le contenant entretient la confusion, dit-elle. D'autant qu'il y a une feuille d'érable sur la boîte, poursuit la directrice.

La Fédération ne peut rien faire pour calmer la grogne des consommateurs, puisque M. Bernard n'est pas un acériculteur, mais un transformateur de sirop. Elle a redirigé les plaintes vers le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec qui les traite sous le sceau de la confidentialité.

La Fédération a toutefois contacté les autorités fédérales à propos de la mention «Produit du Canada» sur la boîte. Selon les nouvelles règles en matière d'étiquetage, l'entreprise qui utilise des ingrédients importés devrait plutôt indiquer qu'il s'agit d'un produit «fabriqué» ici.

À Saint-Victor, Yves Bernard affirme qu'il ne veut pas s'attaquer au sirop d'érable, mais bien à l'énorme marché du sirop de poteau. Surtout aux États-Unis, où ce sirop intermédiaire est aussi en vente. Mais il admet qu'avec les pertes d'emploi, le prix du sirop risque d'inciter quelques familles à changer de gamme de produit. «C'est sûr que pour une famille de quatre enfants, le sirop d'érable à 10$ ou 12$, ça devient plus difficile», dit-il.

Saison décisive

La saison des sucres commence à peine au Québec et la Fédération n'ose pas faire de prévision si vite. Mais après quatre petites années de récolte, les producteurs de sirop prient pour que la température soit de leur côté cette année. Des petites quantités d'eau d'érable feraient encore monter les prix au détail. Anne-Marie Granger Godbout craint qu'on dépasse un seuil psychologique et que les consommateurs décident, de leur plein gré, de se tourner vers des imitations.

Dans un tel contexte, les produits à «saveur d'érable» risquent aussi de se multiplier au supermarché. Les transformateurs qui utilisent du sirop d'érable pur dans leurs recettes vont avoir tendance à le remplacer par d'autres produits sucrés et ajouter de la saveur d'érable pour maintenir l'aliment au même prix.