Il y a un peu de magie, un peu de prestidigitation dans ce bloc dont un enfant est incapable de retirer les couteaux de cuisine. Ou, pour prendre une autre image, on y trouve un peu du roc d'où Arthur était le seul à pouvoir extraire l'épée qui le ferait roi.

En d'autres mots, on se demande quel est le truc, à l'intérieur.

Le designer industriel André Lafleur s'est posé exactement la même question.

Spécialiste en développement et design de produits domestiques, il a proposé aux Promotions Atlantiques l'idée d'un bloc à couteaux sécuritaire, dont seuls les adultes posséderaient le sésame. Proposition acceptée. Restait seulement à trouver le fonctionnement. Un détail.

 

«Une des premières choses que je fais au début d'un projet, c'est de vérifier s'il existe quelque chose de semblable sur le marché et dans les brevets», décrit le designer. Sur le marché, il n'a trouvé qu'un boîtier fermé à clé, dans lequel se range le bloc à couteaux. Peu pratique.

Pour leur part, les cinq ou six brevets pertinents décrivaient tous des systèmes de verrouillage s'engageant sur des couteaux spécialement conçus. Ils ne pouvaient recevoir de couteaux ordinaires. «C'était le défi que je m'étais lancé: faire un système universel pour n'importe quelle sorte de couteau», relate André Lafleur.

Avec son assistant, le designer Éric Bussière, il a mis au point un système à friction, avec des cames constituées de rondelles de caoutchouc dont l'axe de rotation est décentré. Plus on tire sur le couteau, plus la came, constamment mise en contact par un ressort, s'engage contre la lame et fait pression. «Il fallait trouver la bonne dureté du caoutchouc et la bonne surface de contact», explique André Lafleur.

Une première version comportait une came sur chaque côté de la lame. Les designers ont réussi à simplifier le mécanisme en n'utilisant qu'une came par couteau. Les lames, d'abord placées à l'horizontale, ont été disposées à la verticale, pour réduire les frottements contre leur fil.

Comment s'assurer qu'un adulte - et que seul un adulte - soit en mesure de retirer le couteau de son choix? Voici le truc: le boîtier comporte un bouton sur chacun de ses flancs. On doit presser simultanément sur les deux boutons pour libérer les lames. Or, seule une main d'adulte est suffisamment large pour y parvenir. «Même si un enfant utilise ses deux mains pour pousser sur les boutons, il lui manque une troisième main pour le couteau», décrit André Lafleur.

Deux enfants conjuguant leurs efforts pourraient contourner l'obstacle, mais on touche ici à une des contraintes traditionnelles de la conception de produit: le mieux est l'ennemi du bien. On ne peut jamais assurer une sécurité sans faille - le fameux idiot proof - et on ne peut y tendre qu'à un prix excessif.

Les enfants ont vieilli? Les designers ont prévu un bouton central, qui désengage en permanence le mécanisme de blocage. Sécurité oblige, on ne peut faire la manoeuvre qu'en appuyant en même temps sur les deux boutons latéraux.

Vendu avec ou sans couteaux, le bloc à couteaux Starfrit est en instance de brevets internationaux. André Lafleur a mis un an et demi de travail pour faire sortir le lapin du chapeau.