De plus en plus de marques suédoises font leur chemin jusqu'à Montréal. De nouveaux «cousins» venus du froid?

Récemment, deux nouvelles et très invitantes boutiques ont ouvert leurs portes dans la portion du boulevard Saint-Laurent située entre Laurier et Saint-Viateur. Bien que Unicorn et Les Étoffes proposent une ambiance et une expérience de magasinage très différentes l'une de l'autre, elles ont une chose en commun: les marques suédoises émergentes. Et elles ne sont pas les seules. Plusieurs boutiques et grands magasins montréalais se sont récemment entichés de design de mode suédois et garnissent leurs étalages de ces nouvelles griffes venues du froid. D'où vient cet engouement?

Dans le cas d'Amélie Thellen, une des deux propriétaires de la boutique Unicorn, la réponse vient du coeur: «Mon mari est suédois!» Lors de ses nombreux séjours à Stockholm, la jeune passionnée de mode n'a pu s'empêcher de constater que les petites boutiques poussaient comme des champignons et que le design local était en pleine effervescence. Son propre commerce est donc à l'image de son couple: une part de québécois et de canadien et une part de suédois.

 

Christopher Girard et Diana Tasa-Taborsky, le couple montréalais qui a ouvert Les Étoffes tout juste avant les Fêtes, n'avaient pour leur part pas l'intention de faire de leur boutique une vitrine pour les marques suédoises. Ils ont cependant dû se rendre à l'évidence: celles-ci leur ressemblaient. «En ouvrant la boutique, nous avions une mission en tête: offrir des vêtements de qualité, indémodables et de confection simple, explique Christopher. Nous avons regardé une cinquantaine de compagnies et toujours, c'étaient les suédoises qui ressortaient du lot. Nous avons décidé de nous concentrer sur la nouvelle génération.» Au final, sept marques ont été retenues. Elles partagent les cintres avec des designers australiens et britanniques.

Bien que la nouvelle génération de marques débarque à peine dans nos contrées, l'intérêt pour la mode suédoise n'est pas tout à fait nouveau, du moins pour la clientèle avertie. ACNE, Filippa K, J. Lindeberg et Nudie, entre autres, sont offertes au Québec depuis quelques années déjà. Des boutiques bien établies comme Reborn, U&I, Michel Brisson, Rooney et Billie, ainsi que Simons - qui a consacré tout un catalogue aux marques scandinaves l'automne dernier - et Holt Renfrew ont tous craqué pour la mode venue du froid.

Celui à qui l'on doit cette invasion on ne peut plus raffinée s'appelle Byron Peart. Il y a 10 ans, ce précurseur initiait les Québécois à la swedish touch par l'entremise de sa boutique Wantstil, aujourd'hui fermée. «Notre boutique est une sorte d'hommage à Wantstil, avoue d'ailleurs Christopher Girard. C'est lui qui m'a convaincu que ça valait la peine de payer un peu plus cher pour un vêtement de qualité.»

M. Peart est maintenant propriétaire d'une agence qui distribue trois marques suédoises - ACNE, Filippa K et Nudie - dans toute l'Amérique du Nord. Partageant son temps entre Montréal, New York et Stockholm, Byron Peart a assisté au boom de la mode suédoise. «Les Suédois étaient davantage connus pour leur design de mobilier et d'objets. Maintenant, ils appliquent la même rigueur, la même philosophie très avant-gardiste au design de mode. Il y a des nouveaux talents qui émergent d'année en année, entre autres grâce à d'excellentes écoles de design, comme le Beckmans College of design, à Stockholm. Ici, c'est prestigieux de faire des études de droit ou de médecine. Là-bas, c'est le design!» lance-t-il.

«Bien que je sois intéressé par l'évolution de ce milieu, je m'en tiens maintenant à mes trois bébés, que je laisse mûrir et grandir, poursuit-il. Les Suédois sont très humbles et persévérants. Ils entrent dans le marché discrètement, mais à long terme. Ils ont une sensibilité très particulière qui, une fois apprivoisée, s'avère intemporelle.»

Il faut donc se tourner vers Michael Cavaggioni et sa compagnie C2 Apparel pour en savoir un peu plus sur la nouvelle génération. C'est ce Torontois d'origine italienne qui a pris la relève, dans tous les sens du terme. Son agence distribue près d'une douzaine de marques suédoises toutes jeunes, dont les très intéressantes Velour, Rodebjer, Fifth Avenue Shoe Repair et Rokin.

Le représentant faisait son premier voyage à Stockholm il y a quatre ans, afin de recruter Cheap Monday, compagnie qui a voulu «redémocratiser» le denim en faisant un pied de nez aux compagnies qui vendent des jeans haut de gamme à 300$. «J'ai fait le tour des boutiques, des restaurants, des bars pour m'imprégner de l'art de vivre suédois et je suis reparti avec une liste de 10 marques qui m'intéressaient. Je leur ai envoyé des courriels et voilà! Pour avoir travaillé, à mes débuts, avec les Italiens et les Français, qui souvent nous jettent de la poudre aux yeux, je peux affirmer que les Suédois ont une éthique de travail très rigoureuse et qui nous ressemble. Ils sont fiables et organisés. Tout est cohérent dans leur démarche. Le design reflète aussi cette mentalité. C'est clean, directif, progressif et de plain-pied avec ce que le marché recherche.»

Brigitte Chartrand, propriétaire de la boutique Reborn, fait une description semblable du chic suédois. En dépit d'une certaine homogénéité, elle apprécie «les coupes simples, les looks clean et raffinés». «Les Suédois sont très forts sur le branding, a-t-elle remarqué. Ils ont une esthétique à la fois sobre et moderne.»

Il n'en demeure pas moins que pour cette éternelle défricheuse d'originalité et d'exclusivités, les designers suédois sont tellement populaires qu'ils ont perdu un peu de leur intérêt. Sa boutique a été la première à Montréal à offrir Cheap Monday, Velour, Gram (chaussures), David&Martin (bijoux) et Fifth Avenue Shoe Repair, mais pour le printemps, elle n'a retenu que Fifth Avenue Shoe Repair, Filippa K et une grande sélection de jeans ACNE. «Avec les distributeurs, c'est difficile de garder l'exclusivité.»

Cela dit, malgré sa popularité grandissante, la mode suédoise n'est pas grand public (si l'on fait exception de H&M qui, rappelons-le, a vu le jour en Suède). «Elle s'adresse à des gens appartenant au monde de la mode, du design et de la culture, à des gens qui ont déjà un style et qui ne cherchent pas des vêtements qui parlent plus fort qu'eux», résume Byron Peart.

 

Carnet d'adresses

Unicorn (WeSC, Mini-Market, Velour, Dunderdon, Swedish Hasbeens): 5135, boul. Saint-Laurent, 514- 544-2828

Les Étoffes (Rodebjer, Velour, Lamilla, Rokin, Fifth Avenue Shoe Repair, Resteröds, Happy Socks): 5253, boul. Saint-Laurent, 514- 544-5500

Reborn (Filippa K., ACNE, Fifth Avenue Shoe Repair): 231, rue Saint-Paul Ouest, 514- 499-8549

U&I (Fifth Avenue Shoe Repair, ACNE): 3650-3652, boul. Saint-Laurent, 514- 844-8788

Rooney (Fifth Avenue Shoe Repair, Velour, Filippa K, Whyszeck, Our Legacy): 395, Notre-Dame Ouest, 514- 543-6234

Michel Brisson (Filippa K, ACNE, Nudie, Tiger of Sweden): 1012, avenue Laurier Ouest, 514- 270-1012 et 384, rue Saint-Paul Ouest, 514- 285-1012

Billie (Filippa K, Tiger of Sweden): 141, avenue Laurier Ouest, 514- 270-5415

SSense, boutique en ligne (ACNE, Filippa K., Nudie, Cheap Monday): www.ssense.com et, à compter du mois de mars, 90, rue Saint-Paul Ouest, 514- 384-1906.

Duo (Filippa K., Nudie, Cheap Monday, Tiger of Sweden, J. Lindeberg): 30, rue Prince-Arthur Ouest, 514- 848-0880

Simons (Filippa K., Tiger of Sweden, J.Lindeberg, Velour, WeSC, Nudie, Cheap Monday, Fifth Avenue Shoe Repair, Blank): 977, rue Sainte-Catherine Ouest, 514- 282-1840 et www.simons.ca pour autres adresses.