Un jour, il y a cinq ans, Sylvie Chamberland a mis les ciseaux dans sa carte de crédit. Après avoir passé plusieurs semaines sans verser le paiement minimum, elle a constaté qu'elle n'arrivait pas à gérer cette dette et qu'il valait mieux qu'elle se passer de carte. Du moins, pendant quelques années.

«Il y a des gens qui ne comprennent pas le fait que je ne sois pas capable de gérer ça, dit-elle. Quand tu as des sous, la volonté, c'est plus facile. Mais je suis mère de famille monoparentale et je sais que, si j'ai une carte de crédit, la tentation est trop grande d'acheter pour moi ou pour mes enfants de petits luxes que je ne paierais pas autrement.»

 

Elle n'est pas la seule dans son cas. Si la majorité des Nord-Américains ont recours massivement au crédit, d'autres ont pour principe de ne jamais emprunter. C'était le cas de nos grands-parents, qui, souvent, n'achetaient rien sans avoir d'abord économisé l'argent nécessaire pour payer comptant.

En 1977, il y avait 8,2 millions de cartes de crédit en circulation au Canada. Aujourd'hui, il y en a 64 millions. Le crédit est partout. Est-il réaliste, et même souhaitable, de vouloir s'en passer?

Pas nécessairement, croit Jacques Roy, auteur du livre Le budget réinventé. «Il faut un équilibre dans tout, dit-il. Couper ses cartes constitue un sevrage rapide, mais c'est trop radical. Il faut plutôt apprendre à se maîtriser, car le problème, ce n'est pas le crédit, mais la façon dont on l'utilise.»

On doit aussi distinguer les bonnes et les mauvaises dettes, croit Paul Ouellet, coordonnateur général de la Caisse d'économie solidaire Desjardins. «Une bonne dette est celle qui permet de construire un actif, dit-il. Si je fais le choix de ne pas avoir d'hypothèque sous prétexte que c'est une dette, cela veut dire que je renonce à me constituer un patrimoine.»

Et aujourd'hui, se priver d'une automobile pendant des années parce qu'on économise pour la payer comptant n'est pas vraiment pertinent puisque les taux d'intérêt sont très bas, croit Jacques Roy.

Le crédit le plus dangereux demeure le crédit à la consommation, ajoute Paul Ouellet. «Si on emprunte pour acheter des biens qui ont une durée de vie plus courte que le temps qu'on mettra à les payer, on vit dangereusement.»

Par ailleurs, il faut tenir compte des conséquences néfastes qu'a sur un dossier de crédit le fait de ne jamais emprunter. Aujourd'hui, ce dossier risque d'être consulté pour des raisons qui n'ont rien à voir avec votre capacité d'emprunter. Par exemple, par votre futur employeur, ou par le propriétaire de l'appartement que vous désirez louer.

Pour des raisons pratiques, mieux vaut également garder au moins une carte, si on a la discipline d'en payer le solde entier chaque mois. Pour les acheteurs impulsifs qui craignent de s'endetter, garder la carte à un endroit difficile d'accès, comme un bloc de glace au fond du congélateur, permet de résister à la tentation.

Ou encore, soyez sage comme Jacques Audet, préposé aux communications et à l'accueil de l'Association coopérative d'économie familiale de l'Est de Montréal. «La philosophie des ACEF, c'est d'avoir une carte, mais seulement en cas d'urgence, dit-il. Par exemple, si la voiture brise.»

M. Audet pratique ce qu'il prêche. Il possède une carte mais ne l'utilise que très rarement. «Quand on n'a pas les moyens de payer quelque chose, on ne l'achète pas, dit-il. On n'utilise pas le crédit pour combler des besoins qui n'en sont pas vraiment.»

Idéalement, votre endettement ne devrait jamais dépasser 30% de votre revenu net, dit Jacques Roy. Mais beaucoup de gens sont incapables d'avoir cette discipline, admet-il.

«Il faut se reconnaître en tant qu'acheteur impulsif. Si on a toujours quelque chose à acheter et qu'on ne paie que le minimum dû, on va payer des intérêts toute sa vie.»

Les cartes prépayées: une solution, sauf que...

C'est décidé: vous voulez vivre sans carte de crédit! Mais que faire lorsqu'il vous en faut absolument une pour louer une voiture ou acheter des billets pour le prochain spectacle de Céline Dion?

Vous pouvez bien sûr emprunter la carte d'un ami et lui remettre la somme utilisée. Mais certains se sentiront mal à l'aise d'agir ainsi. Les cartes prépayées émises par Visa ou MasterCard peuvent représenter une solution, à condition de les utiliser de manière à limiter les frais.

Elles procurent le côté pratique d'une carte de crédit tout en permettant de limiter ses dépenses. C'est le principe contraire du crédit: payez tout de suite, achetez plus tard!

Les cartes prépayées ne sont pas des cartes de crédit, mais simplement des cartes dans lesquelles vous versez une certaine somme d'argent à l'avance. L'avantage est qu'on peut les utiliser pour payer des achats ou des services partout où sont acceptées les cartes de crédit de même marque, sans s'endetter ou sans avoir à transporter d'argent comptant. Visa offre même des cartes de voyage prépayées, dans lesquelles on peut déposer jusqu'à 9000$.

Peu connues, elles sont une option à envisager pour ceux qui refusent d'avoir recours au crédit, ou qui n'y ont pas accès. Aucune enquête de solvabilité n'est nécessaire pour les obtenir, et leur utilisation n'a pas d'impact sur votre dossier de crédit puisque vous dépensez votre argent, et non de l'argent emprunté. Mais attention! Elles ne conviennent pas à tout le monde. Car si vous ne payez pas d'intérêts, par contre, vous payez des frais. Beaucoup de frais!

«Les cartes prépayées ne sont pas une solution magique, car elles peuvent entraîner des frais d'utilisation élevés, dit Marie-France Lettre, agente de communication pour l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Il faut prendre le temps d'examiner ces frais en détail et déterminer votre profil d'utilisateur afin de savoir si elles sont pour vous.»

Comme il existe plusieurs types de cartes prépayées, les frais varient énormément de l'une à l'autre. Il est donc très important de les comparer pour choisir la bonne. Certaines sont rechargeables, d'autres non. Et les frais s'accumulent vite: frais d'activation, frais de gestion mensuels, frais de recharge et frais de transaction, entre autres.

Par exemple, certaines ont des frais de 3,95$ par transaction chez un détaillant. Il n'est donc pas recommandé de les utiliser pour de petits achats. Elles sont avantageuses surtout si on les réserve aux transactions importantes, par exemple l'achat d'un billet d'avion.

De plus, la politique de responsabilité zéro s'applique à ces cartes. Si elles vous sont volées, vous ne devriez pas être tenu responsable des achats frauduleux.

Pour en savoir plus et comparer les frais d'utilisation de toutes les cartes prépayées au Canada, on peut télécharger gratuitement un document très détaillé sur le site de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada: www.fcac-acfc.gc.ca/fra/publications/Prepayees/PDFs/Prepaid-f.pdf

Le vrai coût du paiement minimum

Prendre conscience du coût réel des achats par carte de crédit lorsqu'on n'a pas les moyens de régler le solde en entier aide à rester discipliné.

Thérèse vient de faire une séance de magasinage compulsif. Elle a acheté des choses dont elle n'avait pas vraiment besoin avec sa carte de crédit: un chandail, trois disques compacts et des produits de beauté de luxe. Combien ces objets lui coûteront-ils si elle ne paie toujours que le minimum sur sa carte? Le taux d'intérêt est de 18%.

RÉPONSE: 401,55$. Il faudra 41 mois à Thérèse pour régler le solde en entier.

Pour calculer le coût réel du minimum, on peut utiliser des calculatrices sur internet. Vous en trouverez une à cette adresse: www.bankrate.com/kip/calc/MinPayment.asp?nav=cc&page=calc_home

 

Psychologie du plastique

L'utilisation du crédit à la consommation est avant tout une question de psychologie. Des études ont démontré que le fait de payer un achat avec une carte de crédit incite l'acheteur à dépenser davantage. Pour certaines personnes, le crédit disponible est tout simplement une invitation à consommer au-dessus de leurs moyens. Le secret est donc de bien se connaître. Voici quelques indices qui devraient vous alarmer. Si ces situations vous semblent familières, c'est signe qu'il faut agir!

1- Votre carte est toujours remplie ou dépasse la limite

2- Il vous arrive régulièrement de ne payer que le minimum sur votre carte

3- Vos dettes sont une source de stress élevé

4- Vous ne connaissez pas le taux d'intérêt de votre carte ou de votre marge

5- Vous utilisez une carte de crédit pour en payer une autre

6- Vous possédez plusieurs cartes à des fins de consommation personnelle (plus de trois)