Pourriez-vous décrire en détail le goût de ce que vous avez mangé hier soir? Et la semaine dernière? Et la sauce bolognaise de votre mère, si on en changeait la recette, vous en apercevriez-vous? C'est le genre de questions qui travaille la jeune chercheuse Léri Morin.

Pour son étude sur la mémoire des aliments, Léri Morin a convoqué des participants à son laboratoire de Lyon sous un faux prétexte, celui de participer à un projet sur la faim. Les chercheurs évitaient ainsi que leurs mangeurs volontaires ne fassent un effort délibéré pour se rappeler tous les détails des aliments qu'ils consommaient. La semaine suivante, ils étaient convoqués à nouveau au labo, toujours sous un faux prétexte. Sur place, on leur présentait une myriade d'échantillons de ce qui semblait être le même aliment. Mais la crème dessert, par exemple, était plus ou moins sucrée ou plus ou moins épaisse. Dans le lot, il y avait évidemment exactement le même dessert.

Une des conclusions du groupe est que, en alimentation, on reconnaît beaucoup plus facilement les différences. Si votre grand-mère vous cuisinait un plat lorsque vous étiez enfant et que quelqu'un d'autre fait la recette plus tard, un peu modifiée pour la rendre plus moderne, vous goûterez tout de suite que quelque chose ne va pas. Peut-être que la différence vous déplaira. «Ça revient un peu à l'instinct de survie, explique Léri Morin, jointe en Suisse. Quand on mange quelque chose de nouveau, de différent, on le reconnaît parce que l'instinct nous dit que c'est potentiellement dangereux.»