Angelica Aiello s'excuse. Avant l'entrevue, elle doit aller actionner le four crématoire. À l'intérieur, un labrador noir est inerte, les pattes raidies. Son propriétaire recevra les cendres demain dans une urne qu'il a choisie. «Il m'a appelé en état de panique. Je suis allé chercher son chien en vitesse, j'ai tenté de le consoler. C'était bouleversant.»

Le centre funéraire pour animaux Amicus, qui a ouvert ses portes en mai, reçoit de plus en plus de demandes du genre. Entre la course à la garderie, la popote et les devoirs, Angelica Aiello porte tous les chapeaux dans sa jeune entreprise. Elle est conseillère, opératrice de crématorium, webmestre, livreuse et responsable du service d'urgence 24 heures sur 24. «Je dors avec le téléphone sous l'oreiller, blague-t-elle. L'autre nuit, une dame a téléphoné. Elle voulait qu'on aille chercher le chien de la famille avant que les enfants se réveillent.»

 

Dans le parc industriel d'Anjou, Amicus attire les regards. «Un centre funéraire pour animaux? On aura tout vu», s'est exclamé notre chauffeur de taxi. «Ça a été long comme démarche. On ne pouvait s'installer n'importe où, en raison des normes pour les rejets», explique la directrice.

Si l'extérieur ne paie pas de mine, l'endroit est chaleureux, décoré avec goût. Dans la salle de montre, on expose des cercueils miniatures, des urnes, des plaques, des bijoux. On vend même un reliquaire en ourson de peluche pour les enfants. Faits à la main, les cercueils se vendent 400$ et plus. «On offre aussi la location.» Pour la crémation, on doit prévoir au moins 250$.

Le salon réservé aux visiteurs est tout au fond. Une table, où peut être déposée la dépouille, trône au milieu de la pièce. Une fenêtre donne sur le four crématoire. «Certains clients tiennent à assister au processus pour s'assurer que l'incinération est privée et non commune», souligne Mme Aiello, qui mise beaucoup sur ce service unique.

Lorsqu'il y a demande d'exposition, elle prépare les animaux. «Je fais un peu de travail au niveau des yeux, de la bouche, du poil. Quand ils sont démembrés, ce n'est pas joli, mais je n'ai aucun malaise. Quand j'arrive à bien les arranger, j'en retire une fierté.» Les demandes sont variées. «Une dame a demandé d'exposer son chien sur le divan. Une autre d'emballer son doberman nain dans une couverture comme un bébé. Je l'ai déposé dans un panier.»

Pousse-t-on trop loin? «Ce n'est pas pour tout le monde, convient la directrice, propriétaire d'un petit Yorkshire. Mais la demande est grandissante. Quand on partage son quotidien avec un animal pendant des années, il devient un membre de la famille. On chouchoute nos animaux plus que jamais. Ils ont des spas, des hôtels, mais il n'existait pas d'endroit où on pouvait leur rendre un dernier hommage à Montréal.»

Ce métier original lui attire toutes sortes de commentaires. « On me dit parfois que je suis morbide. Pas du tout. J'imagine que mon niveau de confort envers la mort est beaucoup plus élevé que n'importe qui. J'ai grandi entourée de ça», dit la Lavalloise. Depuis 1927, sa famille possède une entreprise de monuments funéraires. «J'ai ça dans le sang.