Fondé en 1440, le collège anglais d'Eton est devenu une véritable usine à premiers ministres et à monarques. Outre les princes Harry et William, 18 premiers ministres britanniques ont été formés dans ce sélect pensionnat. Visite guidée du controversé collège.

Chemise et faux col blanc amidonné, queue-de-pie et pantalon noirs à fines rayures: l'uniforme d'Eton est sans doute le plus chic de tous les collèges anglais.

Se tenant toujours droits comme des i, leurs livres sous le bras, les 1300 garçons du collège donnent des airs un brin surréalistes à la ville de Windsor. On se croirait dans une perpétuelle soirée de gala.

«La légende veut que l'uniforme soit inspiré des vêtements de deuil portés à la mort de George III», explique William Tite, jeune etonien de 18 ans. Dans les faits, le célèbre uniforme a plutôt été adopté au XIXe siècle, 200 ans après la mort du monarque britannique. Depuis, des générations et des générations de jeunes de bonnes familles ont enfilé la fameuse queue-de-pie.

Dans le lot, il y a notamment eu les princes Harry et William, une flopée de premiers ministres britanniques, le roi Birendra, du Népal, le nouveau maire de Londres, Boris Johnson, l'économiste John Maynard Keynes, George Orwell et l'auteur des James Bond, Ian Fleming.

Comment expliquer une telle concentration de talents et de personnalités dans un même établissement?

«Le succès scolaire attire le succès scolaire», assure Richard Coward, professeur de français et responsable de la maison Penn, où logent 53 pensionnaires âgés de 13 à 18 ans. Naturellement, le fait que les droits de scolarité s'élèvent à plus de 55 000$ par année tend aussi à écrémer les candidatures.

Et puis, il y a les très exigeants examens d'entrée. «Chaque année, le collège reçoit plus de 700 candidatures, 250 sont retenues», explique le sympathique barbu vêtu d'un costume formel. Une fois admis, les élèves sont encouragés à suivre des cours de latin, de grec ancien et, signe des temps, de mandarin.

Réputé pour la qualité de son enseignement et de son encadrement (chaque élève a un tuteur attitré), le collège se targue aussi d'offrir un vaste choix d'activités parascolaires: escrime, aviron, polo, théâtre, cricket, chorale, «wall game» (un sport unique à l'institution), etc.

Qui plus est, d'Andrew Lloyd Weber à J.K.Rowling, l'école peut se vanter de recevoir des invités de marque pendant toute l'année. En mai dernier, «un groupe d'élèves a même obtenu une audience spéciale avec le dalaï-lama», souligne, impressionné, William Tite.

S'il est difficile d'obtenir une place au sélect pensionnat, les efforts sont généralement récompensés. Les garçons qui passent par le collège sont pratiquement assurés d'obtenir une place dans l'une des meilleures universités au monde.

«Ceux qui ne vont pas à l'université, c'est un choix qu'ils font», dit M.Coward. Chaque année, environ 30% des finissants d'Eton sont acceptés à Oxford ou à Cambridge, les deux universités les plus difficiles d'accès au pays.

Évidemment, un tel succès attire également les critiques. Au Royaume-Uni, le collège est synonyme d'élitisme et de privilèges. Aujourd'hui, les politiciens qui ont étudié à Eton, comme le leader conservateur David Cameron, tendent à prendre leurs distances de l'institution.

«Étudier à Eton peut aider comme cela peut nuire», admet William Tite. Fils d'un couple d'avocats londoniens, l'élève, qui souhaite devenir producteur de théâtre, reconnaît qu'il lui arrive de taire où il étudie lorsqu'il tente de décrocher un stage dans une compagnie théâtrale.

De moins en moins snob

Ancien journaliste au Times et auteur de plusieurs livres sur la Deuxième Guerre mondiale, Guy Walters, convient que les préjugés à l'égard des etoniens ne sont pas tous infondés.

«Il existe un type d'etonien qui correspond à l'idée que s'en fait le grand public. À savoir quelqu'un de snob, élitiste, déconnecté et aristocratique. Mais je pense que l'école est probablement de moins en moins comme ça. Beaucoup de garçons ne viennent pas d'un milieu incroyablement riche», précise-t-il.

À l'heure actuelle, le collège s'enorgueillit d'ailleurs du fait que 18% des pensionnaires reçoivent un soutien financier. «C'est facile de perpétuer la caricature d'Eton, mais les gens devraient regarder un peu sous l'uniforme», plaide M. Coward.

Montrant une photo des 53 élèves logeant dans l'immeuble qu'il dirige, le professeur souligne que si plusieurs d'entre eux sont les héritiers de richissimes familles, deux ne paient pas de droits de scolarité.

Fier d'avoir étudié à Eton au cours des années 80, Guy Walters ne tarit pas d'éloges envers l'institution.

«Eton m'a permis de développer ma confiance personnelle, assure-t-il. L'école encourage les jeunes à faire des choses différentes. Cela donne aux élèves, la confiance de faire des choses différentes quand ils grandissent.»