Les fromages artisanaux pourraient bientôt coûter plus cher, conséquence de la récente éclosion de listériose. La décision du ministère de l'Agriculture d'augmenter le nombre de tests de dépistage de bactéries pathogènes dans les fromageries pourrait forcer les petits producteurs à augmenter leurs prix.

Jusqu'ici, les fromageries n'avaient pas l'obligation de tester leurs produits de façon régulière. Et le MAPAQ ne menait que des examens occasionnels. Or, mercredi dernier, le Ministère a annoncé qu'il paierait le dépistage pendant quelques mois dans les 43 fromageries qui utilisent du lait cru. Par la suite, l'industrie devra mettre en place son propre système d'inspection, une mesure qui inquiète les petits fromagers.

Propriétaire de la fromagerie La Moutonnière, à Sainte-Hélène-de-Chester, non loin de Victoriaville, et présidente de la Société québécoise des fromages, Lucille Giroux fait valoir que ceux qui utilisent du lait cru sont souvent des producteurs artisanaux. Les nouveaux tests, qui coûtent en moyenne une cinquantaine de dollars chacun, parfois plus, pourraient coûter une fortune à ces petites entreprises.

«Quand une analyse peut coûter jusqu'à 100$ et que tu as une production de 15kg, ça fait beaucoup d'argent», a-t-elle expliqué.

Sa compagnie ne produit pour l'heure qu'un fromage au lait cru. «On n'en avait pas fabriqué beaucoup cette année à cause d'un déménagement, explique Mme Giroux. Mais maintenant, on est en train de se demander si on va le refaire.»

La Chèvrerie Fruit d'une passion, à Saint-Ludger, en Estrie, se spécialise dans les fromages de chèvre au lait cru. Son copropriétaire, Alain Larochelle, craint d'être pénalisé par les nouvelles mesures.

«Par fromage vendu, les tests représentent pour nous une bonne partie du coût de production, a-t-il dit. Les tests vont nous coûter beaucoup plus cher en pourcentage qu'aux grosses entreprises.»

On ignore pour le moment à quelle fréquence les producteurs seront tenus de procéder à des tests de dépistage. Le MAPAQ a refusé d'expliquer ses nouvelles exigences. Chose certaine, des inspecteurs gouvernementaux ont déjà commencé à appeler les producteurs pour connaître leurs volumes de production de lait cru.

�«Chiche�»

Le président du Conseil de l'industrie laitière, Pierre Nadeau, estime que les producteurs ont intérêt à augmenter la fréquence de leurs examens de dépistage. Il croit la mesure nécessaire pour rétablir la confiance des consommateurs, sérieusement éprouvée ces dernières semaines avec l'éclosion de listériose. Il affirme toutefois que Québec aurait dû se montrer plus généreux à l'endroit des producteurs artisanaux éprouvés par la crise.

«J'ai trouvé le MAPAQ chiche dans cette annonce, a-t-il tranché. Lorsqu'il y a une crisette en agriculture, il est prêt à débourser des millions. Mais s'il y a un problème avec les petits fromagers, il n'a pas d'argent à mettre sur la table.»

Le Conseil consultera ses membres dans les prochaines semaines afin d'établir un plan pour financer les nouveaux tests de dépistage. Le groupe envisage de créer un fonds commun qui permettra à tous les producteurs de se conformer aux exigences de Québec.