Billy Vasquez marche dans les allées du magasin 99¢ Only sur le boulevard Washington, à Los Angeles, quand quelque chose dans le rayon des fruits et légumes capte son attention.

Il déplace un panier, tend le bras et saisit une barquette de mûres BerryLovers catégorie #1 «Produit du Mexique». Son sourire indique qu'il vient de faire une trouvaille.

«Tu vois? C'est de ça que je parle. Des mûres à 99 cents! De l'autre côté de la rue, ils doivent vendre ça 3$ ou 4$. Incroyable, non?»

Au premier coup d'oeil, Billy Vasquez ressemble à n'importe quel fanatique de cuisine. Sur son blogue, il explique comment préparer des côtelettes de porc, un sauté d'épinards à l'ail et au vin blanc, des filets de morue, des crêpes aux asperges.

Or, les ingrédients qu'il emploie viennent d'un seul magasin: le 99¢ Only, une chaîne de boutiques à tout pour un dollar. Ses soupers pour deux coûtent 5$US, souvent moins. Il perfectionne son art depuis 10 ans.

«Je suis vraiment pingre, dit-il en riant. Je n'aime pas dépenser pour rien. Ma femme pense que je suis fou. Je ne sais pas... Pour moi, c'est le gros bon sens.»

Breakdance au 99¢ Only Store

L'an dernier, durant la grève des scénaristes qui a paralysé Hollywood, M. Vasquez, qui travaille comme directeur photo, a décidé de tourner un clip pour le diffuser sur son blogue.

Il s'est rendu dans un 99¢ Only vêtu d'un tablier, et s'est mis à filmer les produits et faire des «moves» de breakdance du 99 Cent Chef, un surnom que des amis lui ont donné au fil des ans. Son personnage était né.

«Le gérant du magasin n'a pas aimé ça. Il m'a mis dehors. Depuis, je me suis fait mettre à la porte de tous les 99¢ Only de la ville. Mais quand j'y vais sans caméra, et que je ne danse pas, ça va. Personne ne me reconnaît.»

Marcher avec M. Vasquez dans les allées d'un 99¢ Only, c'est comme mettre les pieds dans une boutique de gastronomie insoupçonnée. Pour le chef, un pot de coeurs d'artichauts marinés devient la base d'un pesto. Un banal mélange à crêpes se change en dessert intéressant quand on lui ajoute des fruits frais. Une pizza congelée a plus de saveur avec des tomates séchées et des olives tranchées, deux ingrédients que l'on trouve sur place.

Son aventure est rendue possible à cause de la variété grandissante de produits offerts dans les boutiques à tout pour un dollar. Il y a 10 ans, dit-il, on n'y trouvait bien souvent que quelques boîtes de conserve, et des pâtes en quantité industrielle.

«Un soir, j'ai fait un plat de spaghetti aux palourdes à ma femme. Elle a adoré. Tu aurais dû voir le regard qu'elle m'a lancé quand j'ai dit que tous les ingrédients venaient du 99¢ Only. Elle n'a pas trouvé ça drôle. Mais elle avait aimé ma recette.»

D'année en année, les magasins se sont améliorés côté bouffe. Des frigos ont été installés, et des légumes frais, des oeufs, et des produits surgelés ont fait leur apparition dans certaines succursales. Aujourd'hui, il y trouve 90% de ce dont il a besoin pour cuisiner. Seule la viande est encore assez rare.

«La seule chose qu'il ne faut pas acheter, c'est du vin. Quand j'en trouve, il est généralement mauvais. Mais pour cuisiner, ça passe.»

Son projet, dit-il, sert surtout à montrer qu'il n'est pas nécessaire de dépenser sa paie pour bien cuisiner.

«Dans les émissions de cuisine, les animateurs vous conseillent toujours d'acheter la meilleure viande, les plus beaux légumes, etc. Je suis désolé, mais ce n'est pas comme ça que les gens vivent. Ils travaillent fort, n'ont pas le temps et l'argent pour ça. Moi, je veux injecter une dose de réalité dans la cuisine. Et j'essaie de créer un humour à la Charlie Chaplin dans tout ça.»

Sa démarche commence à attirer l'attention. Cette semaine, M. Vasquez a reçu un coup de fil d'un éditeur intéressé à le rencontrer. Une équipe du réseau NBC a passé un après-midi à magasiner avec lui.

Les lecteurs de son blogue, eux, lui écrivent régulièrement. Avec toujours à peu près le même message: ils rêvent de voir une boutique 99¢ Only aussi bien garnie que celles de Los Angeles s'implanter dans leur région.

«Je ne suis pas économiste, dit-il. Mais quand les gens se plaignent du manque de boutiques à 99 cents dans leur ville, ça vous dit quelque chose sur les préoccupations actuelles des Américains.»

>>> The99centchef.blogspot.com

Salade radicale

En cette année électorale, Billy Vasquez a créé une «salade radicale» directement du «champ gauche» qu'il a appelée salade Cesar Chavez, en l'honneur du défenseur des droits des travailleurs agricoles californiens. Les ingrédients? De la laitue romaine de la vallée de Salinas, des avocats et une vinaigrette César pimentée de jalapeño, pour appuyer les propos piquants du syndicaliste... «Les amateurs de bouffe des États démocrates vont adorer ça; les autres n'auront qu'à enlever l'avocat et le jalapeño pour faire une salade César traditionnelle et conservatrice. Le chef invite tous les partis à sa table!» écrit Billy Vasquez sur son blogue.

Du vin?

La seule chose qu'il faudrait éviter d'acheter, selon Billy Vasquez, c'est le vin. Mais le blogueur a quand même trouvé une bouteille de cabernet sauvignon La Belle Terrasse 2004 à 99¢. À titre de comparaison, le vin blanc de Pays d'Oc La Belle terrasse 2006 est vendu 11,70$ à la SAQ dans la catégorie «vin tranquille»...

Ce qu'on trouve pour 99 cents... à L.A.

> Artichauds marinés

Conseil du chef : passer au robot culinaire avec de l'huile d'olive, de l'ail, des noix de pin et du parmesan, et on a un pesto d'artichauts. Si on en a trop, il suffit de le congeler.

> Mélange à crêpes

Conseil du chef : mélanger des fruits frais, et les crêpes seront beaucoup plus savoureuses.

> Pommes de terre

Conseil du chef: couper ses pommes de terre grossièrement et les faire cuire quelques minutes dans l'huile végétale. Égoutter ensuite, et laisser refroidir. Cuire dans l'huile à nouveau jusqu'à ce que les pommes de terre soient dorées. Cuire les frites en deux temps les rend plus croustillantes, et l'intérieur reste moelleux.