Icône de la pop culture, la Converse célèbre ses 100 ans. Toujours cool, mais plus tout à fait rebelle.

Bien avant Nike et Adidas, il y avait la Converse. Créée en 1908, la célèbre marque de «chouclaques» fête cette année son 100e anniversaire. Pour marquer le coup, le fabricant a lancé depuis février une flopée de nouveaux modèles en «édition spéciale» destinés à un marché de plus en plus «tendance» et fragmenté.

Pas de doute: on est loin de la bonne vieille Chuck Taylor All Star en toile noire, modèle mythique lancé en 1917. Adaptée au marché sans cesse croissant de la chaussure sport de fantaisie, la «Chuck» se décline aujourd'hui dans tous les tissus, incluant le velours côtelé. Elle arbore des motifs extravagants à pois roses, des oursons ou des fermetures éclair à la Michael Jackson. Et se porte désormais au bureau, à l'église, dans les cours d'école primaire et même au berceau (collection spéciale pour nouveau-nés)!

Comment la plus rock'n'roll des chaussures sport a-t-elle pu en arriver là? Question de survie et de gros sous, mettons. Depuis que Nike a relancé l'entreprise moribonde en 2003, Converse joue plus que jamais la carte du marketing grand public.

«Ils ont changé leur image, admet Anita Khieu, gérante du magasin Rio, rue Saint-Denis. Avant, les amateurs de Converse étaient des jeunes avec peu d'argent. Maintenant, c'est un peu n'importe qui. Il y a plus de modèles, plus de couleurs, plus de styles. Ça permet à tout le monde d'exprimer son individualité.»

La «Chuck» avait pourtant bien résisté. Popularisé dans les années 20 par le joueur de basketball Chuck Taylor (d'où le nom), le modèle est longtemps resté un exemple de sobriété: il a en effet fallu attendre les années 60 pour voir apparaître des modèles de couleur (vert, rouge, bleu) et une version basse (dite Oxford) de la traditionnelle «high top».

Ces changements mineurs se feront au gré des révolutions musicales. Adoptée dans les années 50 par James Dean, Elvis et les amateurs de rock'n'roll naissant, la All Star devient la chaussure sport rebelle par excellence. Ce mariage naturel sera confirmé par le groupe punk The Ramones dans les années 70 et Kurt Cobain de Nirvana dans les années 90. Peu coûteuse, simple, authentique, la Converse va de soi pour les rejetons du rock.

Mais toute bonne chose a une fin. Après avoir dominé le marché de la chaussure sport pendant huit décennies, Converse se fait doubler par d'autres acteurs importants comme Adidas, Reebok et Nike. Incapable de se renouveler, loupant superbement le bateau du skate-board et détrônée par Nike comme chaussure officielle de la NBA, l'entreprise fait faillite en 2001.

Récup' all Stars

Depuis son rachat par Nike à la fin de 2003, Converse n'a cessé de remonter la pente, produisant en moyenne 300 nouveaux modèles par an. Mais cette ascension a suscité sa part de critiques. Militants et rockeurs gauchistes ont accusé l'entreprise d'avoir vendu son âme au diable. L'organisme altermondialiste Adbusters a même créé le modèle «blackspot», afin de donner une solution de rechange aux fans de All Star désillusionnés.

Plus vraiment rock, la «Chuck»? C'est selon. Pour Anita Khieu il ne fait aucun doute que la Converse a conservé son esprit marginal, malgré ses récents élans de frivolité. «Ça reste leur philosophie, dit-elle. Et c'est encore un manifeste pour celui qui les porte.»

Gérant de la boutique Goodfoot, boulevard Saint-Laurent, Nicolas Racicot dirait plutôt le contraire. Selon lui, la All Star n'a plus de punk que sa réputation. Même si quelques groupes comme The Strokes ou The Killers lui sont restés fidèles, la marque a définitivement perdu son aura de marginalité. «C'est comme les tatouages, les mohawks et les cheveux teints en rouge, dit-il. Elle a été récupérée par le main- stream... Aujourd'hui, n'importe qui peut être antisocial.»

On ne saurait mieux dire. Question d'entretenir ce qui lui reste de rock'n'roll, la marque des «rebelles optimistes» (c'est Converse qui le dit!) a lancé cette année un modèle «Kurt Cobain» à la semelle jaunie, volontairement sale et défraîchi.

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