Au fil des cinq dernières années, je vous ai présenté quelques chroniques où il était question du service du vin, de la bière ou du saké avec les sushis. Le recul tout comme la pratique aidant, j'en suis revenu à la conclusion - ce que les Japonais avaient compris depuis longtemps... - que les vins dotés d'un faible taux d'alcool et de quelques grammes de sucre résiduel sont ceux qui offrent les plus grandes possibilités d'union juste avec le kaléidoscope de saveurs que représente un repas de sushis.

Il faut savoir que les multiples ingrédients utilisés dans un seul repas de sushis occidentalisés requièrent un vin drôlement complexe pour parvenir à circuler dans ces chemins sinueux sans être désarçonné au premier carrefour de saveurs inattendues. Mise à part la très grande variété de poissons et de crustacés qui entrent dans la composition d'un seul repas, il faut compter sur les saveurs iodées et marines des algues, dont certaines, comme le wakamé, sont aussi sucrées.

Puis il y a la saveur vinaigrée et poivrée du gingembre mariné, tout comme des saveurs qui tirent dans toutes les directions avec l'ajout de légumes divers, de fruits exotiques, de sauces épicées, de mayonnaise épicée et de wasabi. Sans compter sur l'incontournable condiment qu'est la sauce soya, avec sa présence salée sucrée imposante. Il faut aussi noter que la sauce soya rehausse la perception de l'alcool chez les vins - d'où le choix judicieux d'un vin à faible taux d'alcool afin qu'aucune chaleur ne vienne anesthésier momentanément les papilles.

Enfin, comme les sushis et la sauce soya sont riches en acides aminés, dont le glutamate naturel, qui s'exprime par l'umami (la saveur du glutamate naturel contenu dans le riz, le poisson cru et la sauce soya, ce qui se traduit par une impression de volume et de texture expansive en bouche), il faut impérativement soit du sucre, soit du volume et de la texture pour réussir l'union. La fraîcheur vinaigrée et poivrée du gingembre mariné, qui, selon votre quantité de consommation, prend une place plus ou moins importante sur les papilles, requiert aussi un vin vif, plein et saisissant, idéalement un brin sucré.

Riesling, LA solution!

Ce qui nous conduit tout de go vers un jeune riesling germanique, un brin sucré, dense, vif et minéral au possible. J'ai justement revécu une grande émotion récemment avec un riesling de ma cave personnelle, le vibrant et remarquable Riesling Maximin Grünhäuser Herrenberg Spätlese 2001 Mosel-Saar-Ruwer, Allemagne, à seulement 7,5% d'alcool et contenant quelques grammes de sucre résiduel - il reste quelques flacons du plus jeune mais tout aussi inspirant 2005 (31$; 10 225 300).

L'union était parfaite, où tant le soya que le gingembre et les algues relançaient le fruit et la fraîcheur du vin. Les acides aminés du riz et de la sauce soya lui permettaient même de déployer un imposant volume de bouche qu'il ne semblait pas avoir sans leur présence.

L'accord était tout aussi vibrant avec le subtilement aromatique, aérien, très frais et texturé Riesling Filzener Herrenberg Spätlese 2005 Mosel-Saar-Ruwer, Weingut Edmund Reverchon, Allemagne (28,35$; 10 225 481), à seulement 8,5% d'alcool, possédant la dose juste et appropriée de sucre résiduel pour devenir la chaîne moléculaire qui unira la large palette de saveurs dénichées dans la variété de sushis, même s'ils sont accompagnés à profusion de gingembre mariné et de wasabi, qui composent ce repas, devenu l'emblème occidental de la cuisine nipponne.

Pour une union plus subtile, c'est-à-dire en usant de gingembre et de soya avec parcimonie, il vous faudra un riesling certes un brin sucré, mais tellement minéral qu'il se montre pratiquement sec en fin de bouche. C'est le cas du parfumé à souhait Riesling Wehlener Sonnenuhr Spätlese 2005 Mosel-Saar-Ruwer, Weingut Markus Molitor, Allemagne (28,85$; 10 688 558), aux élégants effluves de houblon, de tilleul, de pomme et de lime, à la bouche aérienne (7,5% d'alcool seulement), à l'acidité fraîche mais discrète, au corps longiligne, à la sucrosité pratiquement absente et aux saveurs persistantes, laissant des traces de saveurs terpéniques (agrumes et conifères).

Même jeu harmonique, tout en retenue - si la discrétion peut être du monde extraverti des sushis -, avec l'épuré Riesling Eroica 2006 Columbia Valley, Château Ste Michelle&Dr. Loosen, États-Unis (27,20$; 10 749 681). Les amateurs de rieslings germaniques ne seront pas en reste avec cet Eroica, presque sec, même s'il contient quelques grammes de sucre résiduel, au nez expressif et très caractéristique des blancs germaniques, à la bouche à la fois ample et élancée, vive et texturée.

Enfin, du côté des rieslings d'autres horizons, au profil proche des grands rhénans, j'ai aussi vécu d'excellents moments avec le percutant Riesling Cave Spring «CSV Estate Bottled» 2005 Niagara Pensinsula VQA, Cave Spring Cellars, Canada (30,50$; 10 270 194), à seulement 11,5% d'alcool, à la fois très terpénique, nerveux et presque dense, à l'attaque subtilement sucrée, mais qui devient en fin de bouche un vin sec, droit et élancé grâce à l'acidité électrique et à la minéralité tectonique.

Alors, n'oubliez pas, quand les sushis sont à votre menu, le riesling de type germanique doit y être aussi. Si vous désirez en savoir plus sur mon approche harmonique, je vous attends au Salon des vins et spiritueux de Montréal, où je donnerai une conférence gratuite sur mes recherches harmoniques et mon aventure récente à Barcelone et à Bordeaux, le jeudi 27 mars, à 16 h, à la scène centrale La Presse.