À l'occasion de la première visite au Québec de 42 viticulteurs du regroupement la Renaissance des appellations (biodynamy.com), invités par Slow Food Montréal (slowfoodquebec.com), avec sous le bras leurs vins nés sous les auspices de la biodynamie, je vous propose une visite au coeur de la biodiversité vitivinicole mondiale. L'idée est de vous mettre sur la piste des vins singuliers, marqués par la vérité de leurs lieux d'origine, donc par une signature géographique, ayant une capacité hors du commun à réaliser de vibrantes harmonies à table, par, entre autres, leur grande digestibilité. Donc, un salon de vins à ne pas manquer, à Montréal, le 11 février.

Vous vous demandez peut-être pourquoi consacrer une chronique entière aux vins bios et aux principes de la biodynamie? Tout simplement parce que ces vignerons artisans, tous des références dans leurs appellations, excluent, entre autres, l'utilisation d'engrais chimiques, de pesticides, ainsi que tous les produits finissant en «ides». Tout comme ils préfèrent les levures indigènes aux levures exogènes, la plupart du temps utilisées pour aromatiser les vins, ainsi qu'ils s'amourachent des vignes de sélection massale, ce qui accroît la biodiversité et la pluralité des goûts, plutôt que de «suivre» l'uniformisation des goûts par l'utilisation de clones.

Et je ne parle même pas de l'apport qualitatif pour les vins, disons dans le jargon commercial «la valeur ajoutée», une fois que l'on a redonné vie aux sols par l'utilisation des principes de la biodynamie. Vous êtes sceptiques? Alors pourquoi pensez-vous que certains des plus grands vins de notre planète proviennent de domaines cultivés en biodynamie, comme le sont ceux de la famille Zind Humbrecht, en Alsace, d'Anne-Claude Leflaive, en Bourgogne et de Nicolas Joly, à La Coulée de Serrant à Savennières?

Comme le dit si bien Nicolas Joly, de La Coulée de Serrant, fondateur de ce regroupement et grand orateur (c'est le Fabrice Luchini de la biodynamie!): «Pour passer de la conviction profonde qui génère les croyances, au savoir et donc à une démonstration plus rigoureuse, il n'y a finalement ici qu'un pas à franchir.» J'ajouterais celui d'absolument assister à la dégustation du 11 février. Ou encore celui de vous amuser aux plaisirs harmoniques, à la maison, avec ces quelques vins empreints d'une grande digestibilité.

Autour des épices

Ricardo Palacios, avec l'aide de son oncle Álvaro Palacios, célèbre viticulteur du Priorat, a réussi un Pétalos 2006 Bierzo, Descendientes de J. Palacios, Espagne (23,70$; 10 551 471) tout en chair, en rondeur et épicé à souhait. Le nez est enchanteur, d'une belle intensité, mais avec élégance. La bouche suit avec des courbes sensuelles, des tannins enrobés, qui ont malgré tout un très beau grain, une acidité fraîche, mais discrète, ainsi que des saveurs pulpeuses de bleuet, de framboise, de violette, de girofle et de café.

Cette cuvée est le petit frère du Corullón - dont le remarquable Corullón 2004 (63$; 10 823 140), nouvellement arrivé, commence à peine à être distribué en succursale -, l'une des grandes pointures de ce domaine phare qui a participé à la renaissance de cette appellation de Galice. Il faut savoir que les vins de Bierzo, à base de l'autochtone et noble cépage mencia, sont d'une race évidente, rappelant quelquefois le profil des grands saumur-champigny de la famille Foucault du Clos Rougeard. À cause de sa filiation avec le cabernet franc, le cépage mencia engendre des rouges d'un satiné de texture hors norme, se révélant pleinement à table, surtout lorsque cultivé en biodynamie par les Palacios.

Pour preuve, osez-lui un fumant et étonnant de simplicité chili de Cincinnati, mais rehaussé d'une bonne pincée de clou de girofle, qui recèle les mêmes principes actifs que ce bierzo. Ou étonnez-le avec un fromage à croûte fleurie que vous aurez «trafiqué» avec des clous de girofle concassés très fins, saupoudrés sur la face intérieure du fromage, après l'avoir coupé à l'horizontale, où ils auront macéré quelques jours en emballant le fromage. C'est l'apport de cette épice qui permet l'union belle avec ce fromage qui, servi seul, désarçonnerait complètement cet espagnol.

Demeurez dans l'univers des épices douces et confectionnez, comme dans le premier livre de Di Stasio, un champvallon (oignons, cubes d'agneau ou de porc et pommes de terre), que vous prendrez soin de magnifier, même si ce n'est pas kasher, des cinq épices chinoises. À moins que vous n'optiez plus simplement pour un tout aussi subtilement épicé foie de veau baigné d'une sauce à l'estragon?

Puis, servez à vos invités pour ces deux plats, à la ligne harmonique épicée, le richement aromatique (épices douces, framboise, prune, café), profond et texturé Château le Puy 2003 Bordeaux-Côtes-de-Francs, J.P. & P. Amoreau, France (23,35$; 709 469), aux tannins extrafins et aux saveurs précises qui ont de l'éclat et de la prestance. Il faut savoir que, depuis 1610 (!), les vins du Château le Puy sont issus de raisins de culture biologique, et maintenant en biodynamie. Un terroir d'exception, magnifié par la dynamique, sympathique et inspirante famille Amoreau.

À moins qu'il faille maintenant vous compter parmi les accros du braisé de boeuf à l'anis étoilé de la reine des vendredis soir de Télé-Québec? Alors là, remplissez vos verres du tout aussi pénétrant et anisé Alter 2000 Côtes-du-Roussillon-Villages, André et Bernard Cazes, France (22,30$; 10 507 366). L'Alter de la famille Cazes se montre plus fruité, plus fumé, plus épicé et plus torréfié que l'Ego 2000. La bouche abonde dans le même sens, soit plus pulpeuse, plus ronde et plus généreuse, avec des tannins soutenus, tout en étant enveloppés dans une gangue moelleuse, qui fait écho à ce plat expansif. Fruits presque confits, fumée et café donnent le ton en bouche, avec une finale un brin anisée, à cette cuvée à l'accent méditerranéen.

Dégustation Renaissance des appellations

Donc, Slow Food Montréal vous propose de déguster plus de 120 vins, au cours d'un cocktail dînatoire, en présence de 42 vignerons, dont Ricardo Palacios (Bierzo, Espagne), Jean-Michel Deiss, Olivier Humbrecht et André Ostertag (Alsace), Jean-Louis Trapet (Bourgogne), Jean-Pierre Amoreau (Château le Puy, Bordeaux), Stéphane Tissot (Jura), Bernard Cazes (Roussillon), Nicolas Joly (Coulée de Serrant, Savennières), Guy Bossard (Domaine de l'Écu, Muscadet), Laura Collobiano (Tenute di Valgiano, Toscane) et James Milton (Nouvelle-Zélande).

Le 11 février, pour le grand public de 18h30 à 21h30 (les médias et les professionnels de la restauration sont conviés de 10h à 17h). Lieu: ITHQ (3535, rue Saint-Denis à Montréal). Coût: 70$ par personne (60$ pour les membres de Slow Food), au profit de Slow Food Montréal. Réservation téléphonique: 514- 282-5162 (conciergerie de l'ITHQ).