Alors que sévit toujours la bataille des brevets, un juriste de McGill participe à l'énième tentative pour que soient acheminés plus de médicaments contre le VIH et le sida dans le tiers-monde. L'idée? Amener des pharmaceutiques à créer de nouvelles combinaisons de pilules de type «deux dans une», sur lesquelles chaque pharmaceutique pourrait jeter du lest sur sa chasse gardée.

Selon les Nations unies, 33 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde; seulement 3 millions d'entre elles sont traitées. Et la loi canadienne adoptée il y a quatre ans pour favoriser l'exportation de médicaments génériques «n'a que valeur de symbole» tellement le processus mis en place pour la mettre en pratique est bureaucratique, note Richard Gold, professeur à la faculté de droit à l'Université McGill et membre du conseil d'administration d'UNITAID (organisme international qui travaille à améliorer l'acheminement de médicaments vers les pays pauvres).

On peut bien continuer de pester contre les pharmaceutiques, «mais il est peu réaliste de penser qu'elles lèveront leurs brevets», dit Me Gold.

Produits combinés

Plutôt que d'emprunter cette voie plutôt stérile jusqu'ici -les pharmaceutiques tenant à protéger leurs marchés et à contrôler la qualité de leurs propres médicaments-, Me Gold a été mandaté par UNITAID pour étudier et préparer la faisabilité juridique de tous nouveaux brevets de produits combinés.

Comme l'explique Me Gold, la plupart des personnes atteintes prennent actuellement un cocktail de différentes pilules. L'idée serait de développer à l'intention des pays pauvres des pilules qui combinent différentes actions en un même cachet -dans l'esprit du tout nouveau traitement Atripla (fruit d'une alliance sans précédent entre deux pharmaceutiques, Bristol-Myers Squibb et Gilead Sciences).

Une agence indépendante chargée de voir à tout ça sera mise sur pied avec l'objectif «de mettre en place une communauté de brevets d'ici un an», dit Me Gold.

À l'heure actuelle, les médicaments contre le sida qui sont acheminés vers les pays pauvres ne le sont pas par cession de brevets, mais essentiellement par le financement de médicaments par des gouvernements et des organismes non gouvernementaux.

Contactée pour connaître son ouverture à l'idée d'une agence qui gérerait des communautés de brevets, la Rx&D (organisme représentant les pharmaceutiques canadiennes qui produisent des produits d'origine) a fait savoir qu'elle n'avait pas été mise au courant.

Me Gold a indiqué que c'est davantage à l'international que ces choses se décideraient, dans les sièges sociaux plutôt que chez les filiales.

Au Canada, depuis quatre ans, seule l'entreprise ontarienne de médicaments génériques Apotex est arrivée au bout du processus lui permettant d'envoyer en Afrique des médicaments contre le sida. Il s'agit de l'Apo Triavir qui pourrait être envoyé sous peu au Rwanda.

En mai, quand la nouvelle a été annoncée, le PDG d'Apotex, Jack Kay, n'a pas manqué de signaler à quel point le processus avait été lourd. «Si nous voulons que d'autres médicaments d'une importance vitale se rendent en Afrique dans des délais raisonnables, il faut que le gouvernement fédéral modifie la législation du Régime canadien d'accès aux médicaments. Ce régime est en effet inapplicable dans sa forme actuelle.»

Le Régime canadien d'accès aux médicaments n'a pas offert de commentaire.