La lente marche arrière des prix à la pompe amorcée au milieu du mois dernier n'a pu freiner l'avancée de l'inflation. Et tout paraît indiquer que le pouvoir d'achat des consommateurs va s'effriter d'ici la fin de l'année, même si faire le plein amincissait moins le portefeuille.

L'Indice des prix à la consommation (IPC) a grimpé de 0,3%, de juin à juillet, poussant le taux annuel d'inflation à 3,4%, un sommet depuis mars 2003, indiquait hier Statistique Canada.

Le progrès mensuel est toutefois beaucoup plus faible qu'au cours des deux mois précédents qui ont coïncidé avec la flambée du prix de l'essence.

Si on exclut l'essence, le taux d'inflation passe à 2,1%, en hausse de trois dixièmes sur juin.

Les prix des aliments avancent aussi rapidement. En février, leur gain annuel s'élevait à 0,2% seulement. Le mois dernier, la cadence était passée à 3,7%, en dépit de l'arrivée des légumes locaux.

En épicerie, la marche des prix atteint 4,3% depuis un an, malgré la concurrence des grandes chaînes aux prises avec l'arrivée de Wal-Mart. À eux seuls, les produits de boulangerie ont levé de 13,2%, celui des nouilles, davantage encore. «La preuve que les pâtes font engraisser, l'inflation du moins, c'est leurs prix qui a gonflé de 4,2% en un mois et ballonné de 39,6% depuis un an», constate Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux.

La facture de chauffage et d'électricité augmente déjà bien vite, même si c'est seulement dans quelques mois que les ménages en subiront les effets. Leur progression annuelle était contenue à 2,4% en début d'année. Elle s'est accélérée à 12,3% le mois dernier grâce surtout à un bond mensuel inusité de 8,8% du gaz naturel, une source d'énergie très prisée hors Québec.

La facture de transports en commun s'alourdit aussi. Si les compagnies aériennes refilent déjà la cherté du kérosène, c'est en janvier que la plupart des usagers des transports en commun devront débourser davantage au moment de l'ajustement annuel du prix des titres. Leur poussée annuelle atteint déjà 10,1%.

Certes, les vêtements et les chaussures coûtent encore moins cher qu'il y a un an. Malgré les soldes d'été, les prix ont déjà commencé à monter au cours des deux derniers mois.

L'arrivée des collections automnales va sans doute accélérer cette tendance. L'effet de l'appréciation du dollar ne jouera plus et les pays asiatiques fournisseurs sont déjà aux prises avec une inflation galopante.

Les prix du matériel informatique étaient encore moins chers de 12,0% que l'an dernier, mais l'agence fédérale précise qu'il s'agit de la baisse la plus faible en cinq ans.

C'est surtout le prix des voitures, qui pèse lourd dans la composition de l'IPC, même si on n'achète pas de véhicules tous les jours, qui freine la marche de l'IPC. En baisse de 8,9%, ils n'ont pas connu de pareille décrue depuis 1956. Pour un cinquième mois d'affilée, les ventes de véhicules neufs reculent toutefois. La voiture a beau être moins cher, la faire rouler la rend quand même hors de prix, d'autant que les primes d'assurance ne suivent pas.

«Si vous ne conduisez pas, n'avez pas de paiement hypothécaire et ne mangez pas frais, alors vous êtes chanceux, ironise Avery Shenfeld, économiste chez CIBC Marchés mondiaux. Mais le Canadien typique fait face à ces coûts.»

Son point de vue est en nette discordance avec ceux des autres économistes des institutions financières. Ils estiment que les pressions inflationnistes vont diminuer, avec le repli des prix du pétrole, du gaz et du ralentissement économique.

Comme pour leur apporter un démenti fracassant, l'or noir a repris sa marche à la hausse depuis deux jours. Il est dopé par les inquiétudes causées par la montée des tensions russo-américaines.

Cette fois-ci, les Canadiens encaisseront pleinement le choc puisque leur monnaie n'est plus là pour l'absorber en partie.

Les optimistes regardent surtout la progression de l'indice de référence de la Banque du Canada. Pour un quatrième mois d'affilée, il est resté stable à 1,5%. Ils en concluent que les prix de l'énergie ne font pas tache d'huile sur l'ensemble. L'inflation étant maîtrisée, ce n'est qu'une question de mois avant que l'IPC converge vers l'indice de référence. La Banque du Canada pourra donc se concentrer davantage sur les risques qui pèsent toujours plus sur la croissance.

Il se peut par contre que pour qu'il y ait convergence, l'indice de référence doive aussi beaucoup grimper au cours des prochains mois. La Banque centrale pourrait choisir d'attendre longtemps avant de modifier son taux directeur fixé à 3,0% depuis le printemps.

Variation mensuelle / Variation annuelle

Légumes frais: 3,0% / 10,6%

Riz: 0,7% / 25,7%

Pâtes alimentaires: 4,20% / 39,60%

Boulangerie et produits céréaliers: 1,3% / 13,2%

Graisses et huiles: 2,5% / 17,1%

Source: Statistique Canada