Le ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, est venu jeter un pavé dans la mare, hier, lors de l'assemblée annuelle de l'Association médicale canadienne (AMC). Devant les quelque 500 médecins réunis, M. Clement a dénoncé l'inefficacité des lieux d'injection supervisés, comme l'InSite de Vancouver, et a affirmé que les médecins qui appuient de tels projets devraient «questionner leur éthique professionnelle».

Les piqueries supervisées sèment la controverse depuis quelques mois au pays. En mai dernier, la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a jugé que de tels établissements sont protégés par la Charte des droits et libertés. Le gouvernement Harper a cependant l'intention d'interjeter appel. Cet automne, Québec annoncera son intention de construire une piquerie supervisée à Montréal.

Dans son allocution devant l'assemblée de l'AMC hier, le ministre Clement a attaqué de front les centres d'injections supervisés. «Ces sites suggèrent qu'il y a des façons sécuritaires de consommer de la drogue. Ça nous entraîne sur une pente glissante. Le gouvernement devra-t-il bientôt fournir de l'héroïne de façon sécuritaire?» a-t-il demandé.

Selon M. Clement, aucune étude ne prouve que les sites d'injection aident réellement à réduire la transmission de maladies infectieuses et à empêcher des surdoses de drogues. «Un site comme Insite coûte 3 millions par année. J'estime que ce n'est pas assez efficace», a dit M. Clement. Le ministre a conclu son discours en lançant: «Est-ce éthique pour des professionnels de la santé d'injecter des drogues à des patients?»

Cette question a choqué les dirigeants de l'AMC. «Plus de 80% de nos membres appuient les mesures de réduction des méfaits, comme les sites d'injection supervisés. Ces sites permettent de réduire la transmission de maladies. Ce n'est pas rien!» a lancé le président de l'AMC, le Dr Bryan Day.

«Les médecins du Canada et M. Clement ne s'entendent vraiment pas», a ajouté le président désigné de l'AMC, le Dr Robert Ouellet. Selon lui, les sites d'injection sont des portes d'entrée vers le système de santé pour des gens autrement inatteignables. Questionné sur l'aspect «éthique» des tels sites, M. Ouellet a été catégorique: «On ne va pas du tout à l'encontre de l'éthique médicale. On prend soin de patients malades: les toxicomanes.»

Pour la porte-parole libérale en matière de santé publique, Carolyn Bennett, «ce n'est pas à M. Clement de dire aux médecins ce qui est éthique ou non». «Des sites comme Insite sauvent des vies. Il devrait y en avoir partout au pays», a-t-elle martelé.

Députée fédérale de Vancouver-Centre, Hedy Fry a soutenu que le ministre Clement adopte «une position extrêmement dangereuse». «Plus de 22 études ont démontré que le site Insite est bénéfique pour la communauté», a-t-elle dit.