Quand même! C'est assez épatant ces nouvelles adresses dans le Mile End, un quartier qui, il n'y a pas si longtemps, se consacrait principalement à la cuisine grecque et aux brochetteries de quartier.

Ces nouveaux commerces sur l'avenue du Parc, et maintenant tout autour, essaient également de réinventer le genre «café», en misant sur la qualité des préparations plutôt que sur l'ambiance. C'est ce qu'espère accomplir un endroit comme le Tredici, qui s'est installé juste devant le Collège français, à deux pas d'Outremont.

L'intérieur et l'extérieur sont séduisants: on a installé à même le trottoir quelques tables et chaises au design italien, qui permettent de participer à la vie de quartier tout en maintenant une certaine distance. Dedans, beaucoup de matières naturelles et naturellement usées, des tables en granit, d'autres en bois dont une longue table de réfectoire qui permet à ceux qui ne voudraient pas manger seuls de parler à leurs voisins, une idée encore rare ici, mais de plus en plus commune aux États-Unis et dans d'autres villes comme Toronto ou Vancouver.

Les murs sont couverts d'étalages comme dans les anciennes épiceries avec cette différence qu'ici, on vend surtout des produits de luxe: excellentes pastas italiennes, huiles d'olive de Toscane ou de Grèce, toutes d'appellation d'origine contrôlée.Des vinaigres et des confitures de qualité comme décor, on peut difficilement faire plus inspirant non? Cette qualité évoquée se retrouve heureusement dans l'assiette. Derrière le bar, la maison propose ses spécialités: des panini, des salades variées, fraîchement préparées du matin. Elle annonce aussi ses couleurs «café»: on ne sert que du Illy, les nombreuses affiches l'attestent. Et ma foi! Ça paraît aussi dans la tasse d'un café impeccable, à la crema riche et tonique.

Au menu: la Méditerranée en version simple et claire. On propose des plats du jour, des pâtes, de la friture de calmars par exemple, un braisé ou deux et même un risotto si la température le permet. Nous avons choisi un plat de penne simplement nappé de sauce tomate et de basilic, la base quoi. Une maison qui réussit ce plat dépouillé, plat-phare de la cuisine italienne, peut déjà espérer être pris au sérieux.

Rien n'en révèle plus que ce genre de plat: les pâtes sont cuites parfaitement, elles ont du goût car elles ont été cuites à l'eau salée, la sauce est d'une nudité absolue, faites de deux ingrédients, et d'un peu d'huile. Nous ne laissons même pas de miettes. Le panino aux légumes grillés se mange sans effort; la ciabatta est croustillante, les légumes convenablement dressés, et la petite salade d'accompagnement est faite de haricots et de feuilles, ou une petite verdure nappée de quelque chose de vaguement citronné. Délicieux du reste. Un panino à la saucisse, avalé un autre jour avec un risotto, ne montre aucune faiblesse; beaux produits, goûts francs et travaillés, présentation moderne. Du beau travail en général.

En finale, un brownies qui n'en était pas un, un peu sec et vaguement désobligeant pour le classique. Le gâteau aux carottes, moui. Si on veut. Du déjà vu. Le cake à l'ananas, moite, aux fruits pratiquement confits dans le sucre et dont on dit que c'est celui de la maman de la patronne, passe mieux le test ultime.

Tredici bouge, surprend un peu, ne déçoit pas vraiment. Voilà un lieu où sans se tromper, on peut quand même se réfugier pour échapper à la médiocrité.

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Café Tredici 275, rue Fairmount Ouest

514-509-1341

On y retourne? On s'y installe à (quasi) demeure tant c'est sympa et (bien) branché.

Prix: comme c'est un café, les prix sont relativement décents, tant de jour que de soir. Comptez une trentaine de dollars au lunch, un peu plus le soir, surtout si vous faites un repas complet.

Faune: de jeunes gens bien fringants, un peu bohèmes même, des Outremontais décontractés, des artistes et des étudiants, anglos et francos confondus, dans un beau tintamarre bien montréalais. Tout ce monde semble chez lui, parlant avec gaieté et effusion.

Décor: spacieux, moderne et vaguement évocateur des cafés étudiants avec une ambiance de coude à coude franchement sympathique.

Service: gentil, courtois, efficace.

Vin: quelques vins au verre, bien choisis.

+Le réseau sans fil gratuit. Pour faire son boulot ou lire le journal sur le portable, c'est bien pratique. Bref, il y a un risque sérieux que cet endroit devienne ma cantine.

-Des haricots en boîte et une carte des desserts un peu étriquée. Il manque, je ne sais pas moi, un coup de timbale pour la finale!