Vivre avec un athlète, ça n'est pas un conte de fées. Plutôt un travail d'équipe. C'est ainsi que Bianelle Legros, femme du sprinter olympique Bruny Surin, résume sa vie avec son mari. «Quand on travaille en équipe, des fois, il faut mettre de côté ses objectifs personnels», poursuit-elle, en entrevue au bout du fil.

Bianelle rencontre Bruny Surin il y a près de 20 ans. À cette époque, elle est à l'université, en administration. Bruni, de son côté, a déjà participé à ses premiers Jeux olympiques (au triple saut, à Séoul), et se concentre désormais sur la course.

Six mois après s'être rencontrés, les amoureux emménagent sous le même toit. Six mois plus tard, ils se fiancent. Dès le début, Bruny est très clair: il veut des enfants. Et pas un ou deux, madame. Quatre. «Mais en fait, dans mon plan de carrière à moi, je n'en voulais pas d'enfants! Alors on partait de loin!», commente la principale intéressée en riant. (Elle a finalement deux filles.)

Bianelle veut d'abord finir ses études. Mais une fois son diplôme en poche, elle décroche un boulot pour la Banque Nationale comme directrice adjointe au service à la clientèle. Un vrai job de 9 à 5, difficilement compatible avec l'horaire pour le moins atypique d'un athlète. Dur dur pour le couple.

«C'était très compliqué. Bruny voyageait énormément.» Entre la saison de compétition intérieure, le camp d'entraînement, et les compétitions extérieures, il était parti six mois par année. «Je voyais mon mari six mois sur 12. C'est ça l'athlétisme.»

Les départs sont toujours déchirants. «À chaque fois, c'était des crises de larmes, se souvient-elle. Ça a duré des années. Quand il partait, je trouvais ça tellement dur. Et puis à un moment donné, tu t'habitues.»

Il faut dire que pour sauver son couple, Bianelle met un frein à sa carrière. Exit la Banque, elle s'occupera désormais de l'agenda de son mari. «Il me l'avait demandé plusieurs fois. J'ai toujours dit non. Moi j'ai ma carrière, toi t'as ta carrière», se disait-elle. Mais la réalité a vite fait de la rattraper. «À un moment donné dans la vie, il faut faire des choix. Moi, je voulais un couple qui fonctionne, je voulais finalement des enfants. Alors j'ai mis ma carrière sur hold», explique-t-elle.

Mais elle s'est bien rattrapée. «J'ai voyagé, j'ai vécu trois Jeux olympiques, j'ai une famille équilibrée, mes filles ont vécu plein de choses.»

Parenthèse: et le partage des tâches, avec un athlète olympique, ça a l'air de quoi, madame Surin? «Disons que t'es contente que ta mère puisse t'aider», répond-elle avec humour. Son aînée est née entre deux compétitions; sa cadette, 18 mois plus tard, en pleine saison d'athlétisme. Ça n'était pas vraiment le moment de demander au père de se lever la nuit aux quatre heures.

«Mais moi je m'occupais de ses affaires tout le temps. Je n'ai jamais eu de congé! Je venais d'accoucher, et je réglais des problèmes de commandites au téléphone sur mon lit d'hôpital!» Si ça l'a épuisée? «Oui ... mais c'est ce qu'il fallait faire.»

Depuis que Bruny a pris sa retraite athlétique en 2002, le couple a dû apprendre à se connaître. Vivre au jour le jour. Apprivoiser le quotidien. Comme amants, mais aussi comme parents. De son côté, Bianelle a dû lâcher du lest «et me retirer de certains dossiers». Quant à Bruny, il a cessé d'être le papa gâteau qu'il avait toujours été. Et à ses filles, «il a dû apprendre à dire non». Une tâche olympique.