Dès cet été, les fabricants de margarine pourront rajouter du colorant dans leurs pots destinés au Québec. Une opération qu'ils ne faisaient plus depuis 21 ans.

L'annonce doit être faite dans les prochains jours dans la Gazette officielle du Québec. Deux semaines plus tard, les industriels de l'alimentation pourront la mettre en application.

Ni le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, ni les producteurs laitiers ne se sont vantés de cette décision. Hier encore, au bureau du ministre, on nous servait des commentaires officiels plutôt que de discuter franchement de cette volte-face. «Il y avait un différend et nous voulons le régler», indique le porte-parole du ministre, Frédéric Lagacé. Lire ici : il fallait mettre fin à cette chicane avant de passer à table avec les autres ministres de l'Agriculture qui tapaient du pied de plus en plus fort. Cela étant réglé, le jeu de la négociation peut donc commencer aujourd'hui sur de nouvelles bases. Une concession si lourde de symbolisme en vaudrait bien quelques autres?

De leur côté, les producteurs laitiers ont apparemment jeté l'éponge. Ils considèrent maintenant, du moins officiellement, que le dossier de la margarine jaune était, somme toute, un petit dossier. «C'est le cadet de nos soucis», dit Jean Vigneault, directeur des communications de la Fédération des producteurs de lait du Québec qui croit peut-être que les consommateurs ont oublié leur lutte acharnée pour préserver la margarine blanche.

Pour les fabricants de margarine, il était grand temps que cette guerre se termine. «Je pense qu'aujourd'hui, les consommateurs savent bien faire la différence entre la margarine et le beurre», explique Michel Lafortune, de Mirage, qui fait de la margarine pour tout le Canada et qui affirme que son colorant est fin prêt pour ce nouveau marché. «Les gens qui achètent la margarine aiment la margarine et ceux qui achètent du beurre aiment mieux le beurre, dit-il. Chacun a ses raisons et chacun des produits a ses avantages.»

Selon lui, les ventes de margarine ne devraient pas exploser au Québec dans les prochains mois, mais ce changement de réglementation facilitera ses activités d'inventaire.

Les producteurs de lait craignent toutefois que sur le plan institutionnel ou commercial, on en profite pour privilégier le produit le moins cher. «Ce n'est pas vrai que dans une cafétéria, on va mettre une petite pancarte pour dire que ce produit (jaune) est de la margarine plutôt que du beurre», explique Jean Vigneault. En fait, Québec ne fait que mettre en application aujourd'hui une décision de 2005. Devant cette chicane qui s'éternisait, les provinces avaient alors demandé à un comité d'experts de trancher, comme c'est prévu dans le Conseil de la Fédération. Dans ce cas, les sages avaient conclu que la couleur de la margarine était plus un obstacle au commerce entre les provinces qu'une protection pour les consommateurs du Québec.