À 22 ans et alors qu'il venait de terminer ses études au Centre de formation professionnelle agricole de Beaune, Pascal Marchand, de Laval, se vit confier le soin de... vinifier le Pommard 1er cru Clos des Epeneaux Domaine du Comte Armand.

C'était en 1984. Or, dès son premier millésime (1985), ce Pommard bien concentré, solide, plein d'éclat, jusque-là peu réputé, se détacha d'un coup du lot.

Le tout jeune homme venait de gagner son pari!

«La Bourgogne est capable du meilleur comme du pire», disait à la mi-mars Pascal Marchand, aujourd'hui âgé de 45 ans, et qui vit là-bas depuis cette époque.

C'était chez lui, dans sa très jolie maison de la rue du Dessous, dans le village de Monthélie, où j'ai goûté en sa compagnie près d'une vingtaine de ses vins.

Beaucoup - beaucoup - de choses ont changé pour Pascal Marchand depuis ses débuts.

En bref: après avoir vinifié 14 millésimes des vins du Domaine du Comte Armand (1985 à 1998), puis huit millésimes du Domaine de la Vougeraie (1999 à 2006), il travaille désormais, simultanément, en Bourgogne, en Australie, au Chili et en Californie.

Autrement dit, il est devenu ce qu'on appelle, au sud de la frontière, un «flying winemaker».

En Bourgogne, il vinifie les vins du Domaine Jean Féry&Fils et ceux du Domaine Thomas-Moillard, tout en supervisant les vinifications chez Veranda (1200 hectares de vignes), du Chili.

«2006 est mon premier millésime chez Jean Féry, dit-il. Je fais vraiment les vins et je supervise le boulot à la vigne.»

En ce qui concerne Veranda, du Chili, qui fut d'abord une coentreprise franco-chilienne, il a mis la main à la pâte dès sa fondation, en 2002, cependant qu'il était au Domaine de la Vougeraie, de la famille Boisset.

Depuis, précise-t-il, les Boisset ont vendu leurs parts à leurs associés chiliens.

Autre facette de son activité, il est consultant auprès de trois maisons d'Australie (Carlei, Prancing Horse et Turner's Crossing).

Pour ce qui est de la Californie, son principal travail est de conseiller la maison Joseph Phelps sur «les assemblages finaux» de ses vins de Chardonnay et de Pinot noir produits avec ses 40 hectares de vignes dans la vallée de la Sonoma.

Enfin, il a aussi créé Marchand&Burch avec des associés d'Australie occidentale (l'entreprise produit trois vins). Et, peut-être plus étonnant encore, il vient de fonder son propre négoce bourguignon.

Bref, comme la chose est fréquente dans le monde du vin, il n'arrête pas!

La signature Marchand

Goûtés alors qu'ils étaient encore soit en fûts, soit en cuve (peu avant la mise en bouteilles, donc), trois des rouges 2006 du Domaine Jean Féry (Savigny-les-Beaune Ez Connardises, Savigny-les-Beaune 1er cru Les Vergelesses et Vosne-Romanée 1er cru Aux Réas), m'ont semblé tous trois bien concentrés, quoique sans rien de massif, et même un peu carrés, plutôt austères, du moins pour l'instant.

Il se peut que je sois dans l'erreur, mais toujours est-il qu'il y a, à mon sens, une signature (comme on dit) dans les vins de Pascal Marchand.

Vinificateur de talent, et comme il le faisait par exemple pour les nombreux vins du Domaine de la Vougeraie, il réussit en effet à laisser parler les terroirs et les appellations, tout en y laissant sa marque, caractérisée entre autres par une concentration notable sans que ce soit excessif.

Il en va bien différemment pour ses vins de négoce.

Car, pour ceux-ci, il y a plusieurs cas de figure. Soit qu'il achète des vins faits, soit qu'il vinifie lui-même de concert avec un ami, soit qu'il achète des vins faits qui seront élevés dans des fûts qui lui appartiennent, comme c'est le cas pour son très beau Morey Saint-Denis 1er cru Clos des Ormes 2006.

«J'achète le vin, et ils le mettent dans mes fûts», dit-il au sujet de son Morey Saint-Denis, bien serré et aux tannins de qualité, dont il commercialisera 900 bouteilles.

Dans le cas du Gevrey-Chambertin 2006 (1200 bouteilles), il l'a vinifié avec un ami, chez cet ami, et même chose pour son Nuits Saint-Georges 1er cru Les Damodes (600 bouteilles), dense, compact, typé.

Il aura beaucoup plus de bouteilles de son Bourgogne 2006 (environ 700 caisses, soit 8400 bouteilles), plus que moyennement corsé, tannique quoique sans dureté, et étonnamment bon pour un simple bourgogne.

Pour ce vin, explique-t-il, il achète des vins faits de plusieurs appellations, qu'il assemble. «Des Monthélies, des Saint-Romains, des Côtes de Nuits Villages, des Chassagnes 1er cru et des Moreys Villages», dit-il.

On peut ajouter que Pascal Marchand a été pour beaucoup dans le succès de ces très beaux vins de Pinot noir de l'Ontario que produit le Clos Jordanne (une coentreprise de Boisset et de Vincor, de l'Ontario). Car c'est lui, à partir de 1999, qui détermina où il fallait planter les vignes et qui fut responsable du choix des clones de Chardonnay et de Pinot noir, mais également des porte-greffes.

Aucun des vins dont il vient d'être question n'est pour l'instant commercialisé au Québec.

Le plus beau de l'histoire: malgré ses succès, Pascal Marchand, comme tous les vinificateurs talentueux, a la sagesse de rester simple, sans prétention.

Et, bien qu'il vive en France depuis quelque 25 ans, il a conservé l'essentiel de l'accent d'ici.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Vin rouge de la vallée du Rhône, le Côtes du Ventoux 2006 La Vieille Ferme - un classique du répertoire général - pourra faire, à prix doux, un vin fort correct pour tous les jours. Élaboré avec quatre variétés différentes (Grenache, Syrah, Mourvèdre et Cinsault), d'une couleur pourpre-grenat assez soutenue, son bouquet, dominé par des arômes de fruits rouges, comporte certaines nuances, et n'est donc pas unidimensionnel. La bouche suit, un peu plus que moyennement corsée, avec des saveurs marquées par des arômes tout aussi fruits rouges, et aux tannins sans agressivité. Rien de très complexe, mais on en a pour ses sous. À servir assez frais, aux environs de 13-14 degrés (plus de 4000 caisses disponibles).

C, 263640, 13,85 $, ** 1/2, $ 1/2, 2008-2009.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Givry 1er cru Les Bois Chevaux Didier Erker. Bourgogne rouge de couleur rouge clair, au bouquet d'une franchise exemplaire, et très framboise après un temps d'aération. De corps moyen, charnu sans qu'il soit très concentré, tannique et assez ferme, on goûte le grand millésime, bien que ce ne soit pas le plus distingué des bourgognes. Savoureux (209 caisses). C, 880492, 24,60 $, *** 1/2, $$$, 2008-2011.

Geelong 2005 Pinot Noir Scotchmans Hill. Vin de Pinot noir d'Australie, se présentant sous une robe rouge clair-acajou, au bouquet séduisant et nuancé, de fruits rouges et cuits, avec des notes un peu vanillées, m'a-t-il semblé. Souple et velouté, son après-goût persiste un bon moment. Impeccable (467 caisses). S, 576553, 32 $, *** 1/2, $$$ 1/2, 2008-2010.

Dundee Hills 2005 Pinot Noir Erath Estate Selection. Autre vin de Pinot noir, de l'Oregon celui-là, au bouquet de bonne ampleur et bien typé. Charnu, d'une bonne concentration, ses tannins sont gras, aimables. Très bon, quoique sans la richesse de nuances du précédent. 12,5 % d'alcool seulement (75 caisses). S, 10928371, 38 $, ***, $$$$, 2008-2010.