Hoda Al-Sakh tient un petit commerce au coeur du désert du Néguev, où de plus en plus de femmes bédouines se mettent à travailler, s'éloignant ainsi du modèle patriarcal traditionnel.

Il y a encore deux ans, cette mère de six enfants n'aurait jamais pensé qu'elle aurait le capital et la reconnaissance sociale pour ouvrir son propre commerce.

Hoda a ouvert sa petite échoppe à Seguev Shalom, une ville désertique du sud d'Israël grâce à un prêt, qui lui permet de lutter contre la pauvreté et de faire évoluer le modèle traditionnel de la société bédouine.

La tête couverte d'un foulard, elle se tient debout derrière son comptoir, remplissant des pains de falafel, des beignets aux pois chiches, plat populaire du Moyen-Orient. Plus étonnant encore, son mari, Imad, travaille à ses côtés et juge l'évolution positive.

«Nous allons de l'avant. L'époque de la femme servante est révolue. Elles ne peuvent plus rester enfermées à la maison. Elles ont besoin (...) de travailler comme les hommes», explique-t-il.

Bien que l'échoppe soit à elle, Hoda est encore réticente à s'adresser aux journalistes et préfère laisser la parole à son époux.

Hoda a bénéficié du programme Sawa --Ensemble, en arabe-- basé sur la micro-finance et le prêt collectif.

«Nous choisissons les femmes bédouines les plus pauvres de la communauté», précise Nozha Al-Houzayel, directrice du projet lancé en 2006 et qui concerne déjà quelque 600 femmes.

Un travailleur social forme et soutient de petits groupes de cinq femmes qui décident de la nature du commerce qu'elle veulent développer grâce à un prêt de 5000 shekels (1400 dollars). La plupart des femmes ouvrent des épiceries ou vendent des produits artisanaux.

Chaque membre du groupe est garant du remboursement du prêt en plusieurs mensualités s'étalant généralement sur un an. Plus de 80% des investissements sont d'ores et déjà rentables, remarque la responsable de Sawa.

Il y a deux ans, Farawna Nasra a décidé de développer une tradition artisanale bédouine en se lançant dans la fabrication d'oreillers et de matelas cousus main, à Rahat, la plus grande ville bédouine du Néguev.

La cinquantaine, touchant une aide sociale pour élever ses douze enfants, Farawna souligne qu'elle n'avait d'autre choix que de travailler.

Aujourd'hui, la couturière compte des clients venant de tout le pays, bédouins et juifs. «J'ai toujours cousu des oreillers chez moi quand j'étais petite», raconte-t-elle, tenant une longue aiguille dans ses mains burinées par des heures de travail manuel.

«J'ai acheté les matières premières à Beersheva (capitale du Néguev) grâce au prêt accordé par Sawa», explique Farawna. «Aujourd'hui, j'emploie d'autres femmes qui cousent chez elles».

La communauté bédouine en Israël, une des plus pauvres du pays, compte 160 000 personnes largement concentrées dans le Néguev.

Ces bédouins ont connu d'importants changements dans leurs conditions de vie en abandonnant peu à peu leurs habitudes nomades, une évolution parfois imposée par un processus de sédentarisation souhaitée par les autorités israéliennes.

Seguev Shalom est une des villes construites pour les accueillir.

Ces changements ont bouleversé l'équilibre patriarcal de la société, obligeant hommes et femmes à s'y adapter.

Mais certaines femmes ne parviennent pas à développer leur propre commerce en raison de la pression sociale. Quant aux représentants de Sawa, ils ne sont pas toujours les bienvenus dans les villages bédouins dont ils sont parfois expulsés.

Cependant, la directrice de Sawa souligne que le projet est plutôt bien accepté.

«Nous craignions que le projet suscite de vives critiques car les gens pouvaient penser que nous tentions d'éloigner les femmes des valeurs traditionnelles. Mais, en fait, beaucoup d'hommes sont satisfaits car ce programme est un moyen d'améliorer les revenus du foyer. Ils sont de plus en plus nombreux à nous soutenir», précise Mme Al-Houzayel.