«Un avortement, est-ce que ça fait mal?» Les adolescentes qui appellent Grossesse-Secours y vont souvent par moyens détournés. Poursuivre leur grossesse ou l'interrompre? Elles ne savent pas comment aborder le sujet. Même si leur décision est déjà prise...

«Un avortement, est-ce que ça fait mal?» Les adolescentes qui appellent Grossesse-Secours y vont souvent par moyens détournés. Poursuivre leur grossesse ou l'interrompre? Elles ne savent pas comment aborder le sujet. Même si leur décision est déjà prise...

«Les adolescentes n'ont pas une ambivalence qui dure très longtemps», dit Julie Savard, coordonnatrice à Grossesse-Secours, un centre montréalais qui offre un service d'aide téléphonique pour femmes enceintes et en difficulté. Elles vont souvent chercher de l'aide après avoir pris leur décision. Et il est très délicat de faire changer une adolescente d'idée.

La coordonnatrice de Grossesse-Secours observe deux types de réactions chez les jeunes filles enceintes. Il y a celles pour qui la grossesse est un événement comme un autre, auquel elles se sont résignées à passer au travers, et il y a celles qui sont bouleversées.

Lorsque France Paquin, infirmière au CLSC Haute-Ville à Québec, annonce à une ado venue consulter qu'elle est enceinte, c'est d'abord le choc. Elle lui laisse le temps de l'absorber. S'ensuit rapidement la culpabilité. «On essaie de supprimer le sentiment de culpabilité pour laisser place à la réflexion», indique Mme Paquin.

De 30 à 35 % de la clientèle de la ligne téléphonique Grossesse-Secours sont des jeunes filles de 14 à 17 ans. Mais ces ados enceintes partagent souvent les mêmes difficultés que les femmes de 20 à 24 ans, car elles ont accès aux mêmes revenus et programmes, constate Mme Savard.

Grossesses non désirées

Mme Paquin n'a pas observé d'augmentation du nombre de grossesses chez les ados qui ont consulté au CLSC Haute-Ville au cours des dernières années. Elle croit que la plus grande accessibilité de la pilule du lendemain, gratuite dans les CLSC, a pu atténuer le nombre de cas.

En effet, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, de 1992 à 1998, le taux de grossesse chez les jeunes filles âgées de 14 à 17 ans est resté stable au Québec, soit entre 19 et 20 pour mille adolescentes, avant de diminuer pendant les cinq années suivantes pour s'établir à 16,6 pour mille, en 2003.

Quelle option choisissent ces jeunes filles? Les stéréotypes sont un peu vrais, se désole Mme Savard : «C'est plate à dire, mais si on tranche ça, ce sont celles qui proviennent d'un milieu favorisé qui vont interrompre leur grossesse.»

«Il ne faut pas se compter des histoires. Les jeunes qui poursuivent leurs grossesses n'ont pas leur secondaire, à 90 %. C'est flagrant, le bébé arrive au bon moment pour donner un sens à leur vie», continue Julie Savard. Tout un mandat pour ce petit être! Et huit jeunes filles enceintes sur dix rencontrées par Grossesse-Secours ont déjà eu une expérience en Centre jeunesse. «Il y a un manque au niveau relationnel», indique la coordonnatrice.

Le choix entre l'avortement et la poursuite de la grossesse semble aussi plus déchirant lorsque la jeune fille a autour de 20 ans, note Mme Paquin. Dr Louise Charbonneau, médecin à la Clinique des jeunes Saint-Denis de Montréal, soulève d'ailleurs, qu'en bas de 18 ans, plus de 80 % des jeunes filles vont opter pour l'avortement, au Québec.

Question de culture

Dans la ville multiculturelle de Montréal, certaines communautés, notamment sud-américaines et antillaises, valorisent grandement la fécondité. «Si la jeune fille est féconde, elle va devenir enceinte, ce qui montre à tout le monde qu'elle n'est pas stérile, qu'elle peut avoir des enfants. Elles (ces communautés culturelles) ont beaucoup de difficultés avec la contraception», explique le Dr Charbonneau.

D'autres jeunes filles enceintes viennent aussi à se trouvent «belles et cools», indique Mme Savard, surtout quand d'autres amies sont dans la même situation. Mais les jeunes mamans voudraient aussi rester comme des ados normales, magasiner, se «poupouner »... avec un bébé. De leur côté, les pères ont habituellement une bonne réaction lorsqu'ils apprennent la grossesse, au dire de Mme Savard, mais ne restent pas dans le décor bien longtemps.

Malgré la mise en garde quant à tous les changements que la grossesse va engendrer, les ados ont une vision à court terme. Ce qui fait que lorsque bébé arrive, elles ne sont pas organisées.

Les ados ne sont pas assez informés, tranche Mme Savard qui accuse la quasi-disparition des cours de formation personnelle dans les écoles. L'éducation sexuelle à la maison laisse gravement à désirer, d'après elle, et «les vidéoclips, ce n'est pas vraiment une bonne école»!

Une ressource pour l'ado

Le petit guide Grossesse non désirée, que faire?, conçu par le professeur de psychologie Robert Darlington, a été pensé afin d'aider les femmes dans le doute à faire un choix qu'elles pourront assumer quant à l'issue de leur grossesse. Garder le bébé ou subir un avortement? Le petit ouvrage a émergé des rencontres du professeur avec ses étudiantes du Collège Saint-Jérôme qui, tombées enceintes, sont venues se confier à lui. Il se sentait alors aussi démuni que les jeunes concernées. Constitué de courts tests, le guide aborde les différents aspects de la situation (affectif, économique, médical, moral social) afin d'aider les femmes de tous âges dans leur réflexion. Un ouvrage pour lequel M. Darlington a reçu de nombreux remerciements d'utilisatrices.