Souvenir inoubliable, remontant au début des années 80: une bouteille du Saint-Julien 1970 Château Beychevelle, qui affichait alors une complexité, une élégance et un charme... irrésistibles.

Ce 4e cru classé du Médoc (selon le classement 1855) a été critiqué depuis cette époque, surtout pour ses vins des années 80 et 90, à cause de «millésimes un peu verts et exagérément boisés», comme l'a souvent répété le Classement des meilleurs vins de France, de La Revue du vin de France.

Le qualifiant de vin «élégant», Hubrecht Duijker et Michael Broadbent écrivent dans Les Bordeaux - un Atlas (Gründ) que «sa qualité n'est certainement pas inférieure à son classement de quatrième cru, bien que sa concentration et sa finesse soient rarement au-dessus de la moyenne».

Goûté à l'aveugle récemment, le Château Beychevelle 2004, d'un millésime qu'on est porté à négliger, mais qui a pourtant donné beaucoup de beaux bordeaux rouges, m'a pour sa part semblé très réussi. Et même irréprochable, quoique ce ne soit pas un vin très concentré.

D'un pourpre-grenat assez soutenu, mais restant bien transparent, c'est un vin au bouquet on ne peut plus Médoc, distingué, de fruits rouges surtout et relevé de notes de mine de crayon (le bois).

La bouche suit, d'ampleur et de corps moyens, avec une très belle texture, et donc des tannins serrés et fins.

C'était dans le cadre d'une dégustation mise sur pied par la SAQ, en prévision du lancement jeudi prochain 22 décembre du deuxième lot de vins qui sont commercialisés à l'occasion de la parution du plus récent numéro de Cellier (hiver 2007-2008).

En tout, 27 vins figuraient dans cette dégustation, que j'ai dégustés à l'aveugle, sans en connaître l'origine ni les prix.

L'exercice avait-il du sens, puisque la presse spécialisée avait à déguster ce jour-là toutes sortes de vins - dont des champagnes, des Châteauneufs-du-Pape, etc. - et non pas seulement des vins d'Afrique du Sud?

La réponse, à mon sens, est oui - le Château Beychevelle, par sa texture, son équilibre, son élégance, m'étant apparu, à l'évidence, comme un vin du Médoc.

Mais, comme toujours en pareil cas, j'ai noté bas. Donc...

S, 10434374, 55$, *** 1/2, $$$$ 1/2, 2007-2011?

Suivait, dans le même style, mais avec plus de tout (couleur, richesse du bouquet, concentration, etc.), cet excellent vin qu'est le Pauillac 2004 Château Pichon-Longueville Baron, à la texture de velours... noté fort bas lui aussi, mais un peu mieux (17,7 sur 20) que le Château Beychevelle (17,5).

Seul hic dans le cas de ce vin qui me sembla être manifestement un bordeaux rouge lui aussi: il est deux fois plus cher que le Château Beychevelle!

S, 10444641, 105$, *** 1/2, $$$$$, 2007-2012.

Lui succédait, dans l'ordre de la dégustation, le Pauillac 2004 Château Pichon-Lalande, encore plus cher.

Première impression: ce vin au boisé très présent, travaillé, était élaboré avec des cépages du Bordelais, mais, ai-je cru, ce n'était pas un bordeaux. Plus dense que les deux précédents, relativement corsé, tannique, avec des tannins un peu asséchants et des nuances de pâtisserie (le bois) dans l'après-goût, il m'a semblé tout aussi travaillé du point de vue gustatif.

S, 10 442 881, 125$, ** 1/2, $$$$$, 2007-2010?

À l'occasion des fêtes de fin d'année, on s'offre des bouteilles qu'on n'oserait pas se payer normalement.

Autrement dit, veut-on goûter pendant cette période de réjouissances quelques magnifiques bordeaux rouges, le Pauillac 2004 Château Pichon-Longueville Baron et, encore davantage (à cause du prix), le Saint-Julien 2004 Château Beychevelle, comptent parmi les choix possibles -plus que le Pauillac 2004 Château Pichon-Lalande.

Goûté dans d'autres circonstances, le Saint-Émilion Grand cru 2003 Château Trianon, bien coloré, au riche bouquet de fruits rouges et épicé-boisé sans excès, dense, plein d'éclat et aux tannins à la fois compacts et onctueux, est lui aussi un vin superbe. Excellent.

S, 10783969, 50$, ****, $$$$, 2007-2012?

Le même vin est aussi disponible en magnum (10501440, 94$).

Un blanc d'Australie

La dégustation à l'aveugle a ceci d'extraordinaire qu'elle permet de déguster sans préjugé aucun. Car le pays et la région d'origine, le prix, l'étiquette - tout cela ne peut qu'influencer le dégustateur.

Goûté ainsi sans en rien savoir lors de la dégustation mise sur pied par la SAQ, sinon qu'il s'agissait d'un vin blanc, le Victoria 2005 Chardonnay Scotchmans Hill, d'Australie, passablement boisé, mais un boisé bien marié au fruit, aux nuances un peu citronnées dans l'après-goût, équilibré et donc très bien fait, me sembla être, sans l'ombre d'un doute, un bourgogne blanc, et même peut-être d'une des meilleures appellations de la Côte de Beaune. «Puligny?» ai-je noté. Faites l'essai, servez-le à l'aveugle à un amateur de bourgognes blancs...

S, 10748434, 19,95$, *** 1/2, $$, 2007-2008?

Un rouge d'Afrique du Sud

L'Afrique du Sud obtient avec la Syrah (ou Shiraz) des vins rouges très proches, du point de vue aromatique, de ceux du nord de la vallée du Rhône, alors que les vins de Syrah, d'Australie, sont règle générale fort différents.

Exemple percutant: le Stellenbosch 2004 Shiraz Den Dulk & Siddle, d'Afrique du Sud, bien coloré, au bouquet pénétrant, intense, très Syrah du Rhône, aux nuances à la fois de fruits rouges et noirs. La bouche suit, avec du corps, sans lourdeur, nettement plus que moyennement corsée, bâtie sur de beaux tannins serrés. Très - très - réussi.

S, 10708803, 39$, *** 1/2, $$$$, 2007-2012?

Tous les vins qui précèdent, je le rappelle (sauf le Saint-Émilion 2003 Château Trianon déjà présent sur le marché) seront mis en vente le jeudi 22 novembre.

La recommandation de la semaine

Vin rouge d'Espagne, l'Alicante 2006 Laderas de El Sequé, du Levante, dans le sud-est de ce pays, brille par sa générosité, à défaut d'élégance. Fait de Monastrell (ou Mourvèdre), de Syrah et de Cabernet Sauvignon, il s'agit en effet d'un vin violacé, très coloré sans qu'il soit opaque, au bouquet large, de fruits rouges et noirs, aux accents (si l'on peut dire) plutôt rustiques. Corsé, solide et d'une grande richesse de saveurs, bien en chair, il m'a semblé plus réussi en bouche. Chose certaine, il tiendra tête à toutes les viandes rouges!

S, 10 359 201, 12,95$, ** 1/2, $ 1/2, 2007-2010.

>>>DÉGUSTÉS POUR VOUS

Marsannay 2005 Domaine Louis Jadot. Très bon bourgogne rouge au bouquet franc, mais encore plutôt unidimensionnel, ne manquant ni de corps, ni de chair, aux tannins fermes et avec le côté éclatant de cet excellent millésime. Savoureux.

S, 10524027, 28,45 $, ***, $$$ 1/2, 2007-2011.

Western Cape 2004 Cabernet Sauvignon Merlot Bellingham. Vin rouge d'Afrique du Sud, d'une couleur grenat un peu orangée et au bouquet aux notes de cuir, de tabac, genre petit bordeaux de quelques années. Moyennement corsé, souple, il a quelque chose dans l'après-goût rappelant les vins de Pinotage.

C, 643718, 13,85 $, ** 1/2, $ 1/2, 2007.

Sicilia 2006 IGT Regaleali. Vin blanc de Sicile, plutôt léger, non boisé, aux saveurs franches, et dont on pourrait croire qu'il s'agit d'un vin de Pinot blanc d'Alsace, bien qu'il soit élaboré avec trois cépages locaux (Inzolia, Grecanico et Catarratto). Fort correct.

S, 715086, 15,30 $, **, $ 1/2, 2007.

Central Coast 2004 Viognier Marsanne Mer Soleil Vineyard Treana. Vin blanc californien de couleur vieil or, au bouquet ample... énorme, de fruits confits, avec des notes de cire, de miel, etc. Opulent, moelleux, il plaira aux amateurs de vins blancs puissants et pourra accompagner notamment le foie gras. Particulier. S, 875096, 30,25 $, *** 1/2, $$$ 1/2, 2007-2010