De taille modeste, le vignoble de l'État de Washington ne compte à l'heure actuelle que 12 550 hectares de vignes, ce qui représente seulement... 6 % du vignoble de la Californie.

Situé au sud de la Colombie Britannique, Washington est néanmoins, malgré sa superficie réduite, le deuxième plus important producteur des États-Unis.

Mais bien peu de gens connaissent ses vins hors de ses frontières, puisque ce vignoble n'en exporte qu'une très petite proportion, soit entre 5 et 6 %.

La plus grande surprise qu'il offre?

En fait, et tout comme entre autres l'Argentine et le Chili, Washington n'a jamais été touché par cette terrible maladie de la vigne qu'est le phylloxéra. Maladie qui a obligé toute l'Europe viticole, au 19e siècle, à greffer les pieds de vigne sur des souches d'espèces sauvages américaines auxquelles la maladie ne peut s'attaquer.

Bref, les vignes y sont, comme on dit, franches de pied, et n'ont donc pas besoin de porte-greffes.

«Le fait que les vignes n'ont pas à être greffées nous permet d'obtenir dans nos vins les saveurs caractéristiques de chaque cépage», expliquait sur place, tout récemment, Norm McKibben, de la maison Pepper Bridge Winery, laquelle compte parmi les meilleures de l'État.

Cependant, une bonne partie du vignoble de Washington (j'en reviens) est très aride, et même désertique, de sorte qu'on doit obligatoirement irriguer.

Autre particularité : les étés y sont très chauds, puisque la température peut grimper durant cette saison jusqu'à plus de 40º C le jour (105º F), pour ensuite glisser à 10 degrés la nuit (50º F)...

Or, comme on sait, des températures basses, la nuit, pendant la période de maturation, contribuent à préserver la fraîcheur et la qualité des arômes.

Pour ce qui est des variétés qu'on y cultive, elles sont toutes de l'espèce Vitis vinifera, seule apte à donner de grands vins : Cabernet-Sauvignon, Merlot, Syrah, Chardonnay, Riesling, etc.

Enfin, et malgré le discrédit qu'a pu jeter sur le Merlot Sideways (le film), on juge à Washington que le Merlot, aux fruits souvent plus concentrés que ceux de Cabernet Sauvignon, est susceptible de donner des vins plus amples que le Cabernet Sauvignon.

«Ici, à Washington, le Cabernet arrondit le Merlot», dit-on là-bas.

Partout ailleurs, on juge que c'est le Merlot qui donne du gras aux vins, plus sévères, de Cabernet Sauvignon.

Un vignoble très jeune

Peu étendu, Washington est également un vignoble très jeune, puisqu'on y produit des vins avec des cépages de l'espèce Vitis vinifera depuis 1967 seulement.

Onze ans plus tard, soit en 1978, le nombre de producteurs s'élevait... à 18, lesquels exploitaient alors12 000 hectares de vignes, soit le dixième de la superficie actuelle, indique Jeff Gordon, qui a lui-même créé son propre domaine - Gordon Brothers - en 1978.

Aujourd'hui, c'est en quelque sorte l'explosion puisqu'on y compte plus de 400 domaines viticoles!

Autre signe patent de la jeunesse de sa viticulture : sur les neuf appellations de Washington (ou AVA, pour American Viticultural Areas), pas moins de quatre ont été créées depuis 2004, à savoir Columbia George (2004), Horse Heaven Hills (2005), puis, en 2006, Wahluke Slope et Rattlesnake Hills.

Le mode de production est le même qu'en Californie.

En ce sens qu'un même domaine peut élaborer ses vins de trois façons : soit avec uniquement des fruits de ses propres vignes, soit au contraire avec des fruits achetés à différents vignerons, soit enfin avec un mélange des deux.

Exemple, Pepper Bridge Winery, dans l'appellation Walla Walla, dont les vins sont vinifiés par l'oenologue suisse Jean-François Pellet.

«Quand les raisins arrivent à la cuverie, le vin est fait à 80 %», disait ce dernier au domaine même.

Façon de souligner que tout commence à la vigne, que le vin, comme on dit, n'est jamais meilleur que les raisins avec lequel il est élaboré.

Oenologue de toute évidence de grand talent, Jean-François Pellet a ainsi vinifié son Columbia Valley 2004 Cabernet Sauvignon Pepper Bridge - très réussi, bien serré - avec 100 % de raisins d'achat, car Walla Walla eut à subir de très grands froids - chose rare là-bas - en 2004. (Soit dit en passant, six autres AVA sont enclavées dans la très grande AVA qu'est Columbia Valley, de sorte que les producteurs peuvent assembler des vins de ces différentes appellations et les commercialiser sous celle de Columbia Valley.)

Vendu pour sa part depuis peu sur notre marché, le Walla Walla 2002 Cabernet Sauvignon Pepper Bridge a été au contraire élaboré avec seulement des fruits de ce domaine.

Pourpre foncé, il s'agit d'un magnifique vin, au bouquet de fruits rouges bien mûrs, éclatant, très dense en bouche, corsé, mais sans lourdeur aucune, le tout bâti sur des tannins fermes, quoique sans rugosité. Grand vin.

Choses qui ne sont pas étrangères à la qualité des vins de ce domaine : son producteur n'utilise pour l'élevage que des fûts de chêne français et tout y est fait par gravité, l'utilisation de pompes risquant d'affecter, par un phénomène d'oxydation, le niveau qualitatif des vins.

Mais, ce que j'ignorais en le goûtant, Norm McKibben vend le vin en question très cher... Hélas!

S, 10708395, 80 $, ****, $ $ $ $ $, 2007-2012.

Un cas spécial

Plusieurs autres domaines parmi ceux que j'ai eu l'occasion de visiter font de même, malheureusement. Comme si Washington - même si son vignoble est encore dans l'ombre, du moins au plan mondial -, à l'exemple de Bordeaux et de la Californie, jugeait indispensable de commercialiser ses vins à des prix élevés.

Un cas sans doute spécial : celui de Leonetti Cellar, très réputé, dont la production est réduite 60 000 caisses par an) et qui demande encore plus cher pour ses cuvées les plus prestigieuses!

Exemple, son Walla Walla 2004 Reserve Cabernet Merlot Leonetti, très coloré sans qu'il soit opaque, au bouquet large, passablement épicé (car il est élevé en partie en fûts de chêne américain), charnu et corsé, superbe lui aussi, quoique le Pepper Bridge ait davantage de distinction. Néanmoins, le Leonetti a droit également, selon moi, au titre de grand vin.

Non vendu au Québec celui-là, il coûte pas moins de 110 $ US aux États-Unis...

Les frais de ce voyage ont été payés par la Washington Wine Commission.

* Vin correct

** Bon

*** Très bon

**** Excellent

***** Exceptionnel

1/2 Égale une 1/2 étoile

LA RÈGLE

> Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix.

> Autant d'étoiles que de $, il vaut son prix.

> Moins d'étoiles que de $, il est cher ou même très cher.

> C indique qu'il s'agit d'un vin courant, vendu dans la plupart des succursales.

> S désigne les vins de spécialité, en vente uniquement dans un nombre limité

de succursales.

> Le nombre d'années figurant après la note indique le potentiel de garde approximatif à partir de maintenant.

Dégustés pour vousCôtes de Saint-Mont 2005 Labriole. Vin blanc du Sud-Ouest de la France, élaboré avec quatre variétés locales, dont le Petit et le Gros Mansengs. Non boisé, très goûteux, il laisse dans l'après-goût quelque chose comme des arômes de pommes et ne manque pas de caractère, tout en rappelant un peu les vins de Sauvignon blanc très mûrs. C, 516773, 13,20 $, ** et même ** 1/2, $ 1/2, 2007-2008.

Côtes de Bourg 2003 Château Grand Launay. Très beau bordeaux rouge, au bouquet expressif, nuancé, au notes boisées-épicées bien présentes sans que ce soit exagéré, avec aussi des notes comme de cuir. Relativement corsé, tannique sans agressivité, ses saveurs sont bien affirmées. Très bon. S, 851386, 23,25 $, *** 1/2, $ $ 1/2, 2007-2009.

Vin de Pays des Collines Rhodaniennes 2005 Syrah La Dernière Vigne. Vin rouge de la vallée du Rhône bien coloré, au bouquet de bonne ampleur, de petits fruits noirs, plutôt d'un bloc, et relevé par une note florale. Bien en chair, tannique, ferme, il n'a toutefois rien de rugueux. Peu complexe, mais très bien quand même. S, 10678325, 23,40 $, ***, $ $ 1/2, 2007-2009.

Washington 2004 Pacific Rim Riesling Bonny Doon. Beaucoup de vins de Riesling de Washington sont un peu sucrés. Plutôt léger, mais renfermant passablement de gaz carbonique, celui-ci est au contraire un vin sec, aux saveurs franches. Assez typé Riesling, il est cependant moins ample, et moins réussi que le 2003 qui l'a précédé. Question, manifestement, de millésime, 2004 ayant été un millésime difficile pour ce vignoble. Fort correct. S, 10354419, 19,70 $, **, $ $, 2007-2008.

La recommandation de la semaineVendu à prix très doux, le nouveau millésime (2006) du Mendoza Malbec Finca Flichman, d'Argentine, nettement plus réussi que le 2005, fera le bonheur de tous ceux qui cherchent, à prix correct, un vin de plus pour tous les jours. D'un pourpre prune passablement soutenu, son bouquet de fruits rouges, plutôt simple, mais net, est fort invitant. De corps moyen, peu tannique et velouté, ses saveurs, qui ont de l'éclat, et son bon goût de fruit, sont tout aussi satisfaisants que l'annonce le bouquet. Le servir à environ 14 º C, ce qui en rehaussera les saveurs. Quant au prix... Mais, attention : le vin à acheter est le 2006, plutôt que le 2005.

C, 10669832, 8,85 $, ** 1/2, $, 2007-2008.