Le chef-cuistot porte un casque militaire, les plats sont baptisés «magnum» ou «AK-47», et des obus de mortier assurent la décoration des lieux. Bienvenue au Buns and Guns, un fast-food à thème militaire situé dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, et dont la devise est «un sandwich peut vous tuer».

L'idée peut paraître de mauvais goût, mais les affaires marchent bien pour ce restaurant, ouvert il y a trois semaines, surfant sur la fierté qu'inspire les succès du Hezbollah aux habitants du quartier.

Décoré comme un avant-poste militaire, Buns and Guns est installé au coeur d'un quartier lourdement bombardé par Israël lors de sa guerre avec le Hezbollah à l'été 2006. Le mouvement chiite avait alors résisté à l'État hébreu, l'empêchant de remplir ses objectifs initiaux.

Des sacs de sable s'entassent devant l'établissement, rappelant l'aspect des bâtiments gouvernementaux libanais lors de la guerre civile (1975-90), l'intérieur est orné de filets de camouflage, d'obus de mortier désactivés et de munitions.

«Au début, on pensait que c'était un magasin d'armement, mais ensuite on s'est rendu compte qu'il s'agissait en fait d'un restaurant», explique Amr Nahas, un client qui a commandé un «magnum», un sandwich au poulet grillé garni de «grenades», soit des pommes de terre... «Les sandwichs sont vraiment délicieux».

L'ouverture de ce restaurant intervient à un nouveau moment de tension de l'histoire politique libanaise. Les affrontements entre les partisans du gouvernement pro-occidental et ceux de l'opposition emmenée par le Hezbollah chiite ont fait 81 morts en mai, ravivant le spectre de la guerre civile. Les violences n'ont cessé qu'après un accord politique entre les deux parties accordant une place plus importante à l'opposition au sein du gouvernement d'union nationale.

«L'idée nous est venue avant les affrontements au Liban», a assuré Ali Hamoud, co-propriétaire de l'établissement, à l'Associated Press. «Mais, au bout du compte, ça (les violences, NDLR) nous a aidés pour la promotion du restaurant».

Si beaucoup de Libanais sont saturés des violences constantes dans leur pays, ils sont également nombreux, dans ce bastion du Hezbollah, à s'enorgueillir des succès du mouvement chiite. «Ouvrir un restaurant militaire est une bonne idée, car il y a des gens qui aiment tout ce qui a un rapport avec les armes», estime un employé tenu à l'anonymat.

Les affaires marchent bien depuis l'ouverture, affirme-t-il, assurant que le Hezbollah n'a rien à voir avec l'entreprise. Buns and Guns est une entreprise commerciale qui n'a rien à voir avec la politique».

Les clients séduits par l'idée entrent dans le restaurant en passant sous une enseigne sur laquelle sont inscrits en anglais le nom et la devise de l'établissement («un sandwich peut vous tuer», référence au gigantisme des portions). Les employés, vêtus d'uniformes militaires, servent les plats au son de rafales d'armes automatiques en guise de «musique d'ambiance», et le menu, lui aussi camouflé, propose des hamburgers aux noms aussi doux que «le mortier» ou ces fameux sandwichs au poulet grillé comme le «magnum» ou le «lance-grenades».

Dans un goût de plus en plus douteux, la pizza garnie de poivrons, oignons, champignons, olives, maïs et tomates, est baptisée «Claymore» référence aux mines antipersonnel du même nom. Sans oublier l'AK-47, le célèbre fusil d'assaut Kalachnikov, arme emblématique au Liban, qui a donné son nom à un sandwich à la viande de boeuf servi dans une baguette.

Bon appétit!