Si les différents thés gagnent en popularité en Occident depuis plus d'une décennie, le thé chinois, en revanche, est un monde très ancien et fort bien codifié. Cette planète complexe mérite qu'on l'arpente avec respect, en voyageur curieux.

Mettons tout de suite les choses au clair : malgré ce que l'on affirme dans certains cercles d'amateurs, c'est la Chine qui est le berceau du thé, pas le Japon ni l'Inde. Si ces pays ont su au fil des siècles adopter la culture de cette précieuse plante et développer de nouvelles variétés à partir des plants venus de Chine, l'empire du Milieu a bel et bien découvert le Camellia sinensis. D'ailleurs, sinensis signifie «de Chine».

Merci empereur Shen Nong!

La légende veut que vers 2337 avant J.-C., l'empereur Shen Nong, grand botaniste devant l'Éternel et père de la médecine chinoise traditionnelle, aurait découvert cette précieuse boisson. Lui qui ne buvait que de l'eau bouillie pour raisons d'hygiène s'était assis sous un plant de théier, avec une tasse d'eau chaude. Quelques feuilles de l'arbre tombées dans sa tasse conférèrent une saveur exquise à l'eau qu'il dégustait ce jour-là.

On ignore si ce mythe repose sur des faits avérés, mais, chose certaine, le thé jouit d'un prestige inégalé en Chine depuis 4000 ans, autant pour ses qualités gustatives que pour ses vertus santé. Il constitue depuis toujours un ingrédient essentiel de la pharmacopée chinoise, réputé pour guérir maux d'estomac, migraines ou fièvre tout en apportant vitalité et longévité.

Règles strictes et culture

C'est sous la dynastie Tang (de 600 à 900 de notre ère), considérée comme l'âge d'or du thé, que l'on s'est mis à codifier de façon très stricte les usages pour la culture du théier, le séchage des feuilles et leur transformation en thé dans L'art du thé, qui demeure un ouvrage de référence incontournable encore de nos jours.

Pendant très longtemps, les Chinois ont d'ailleurs fait l'impossible pour tenir secrets leurs procédés de fabrication, car le commerce du thé avec l'Occident, entrepris au xive siècle, était très lucratif. C'est autour de l'an 1000 que l'on créa les thés aromatisés au jasmin, au lotus ou au chrysanthème, encore populaires aujourd'hui.

Les thés de la catégorie sinensis poussent en général dans des régions montagneuses qui jouissent de journées longues et ensoleillées et de nuits fraîches et humides, conditions qui favorisent le développement des propriétés aromatiques des feuilles. Et à l'instar du vin, le thé se définit par le terroir d'où il est issu : les conditions climatiques, le type de sol, son drainage et le mode de culture choisi conféreront à chaque type de thé ses caractéristiques propres, avec des arômes, des couleurs et des saveurs très différentes d'un lieu de production à l'autre.

Le moment de la récolte influera aussi grandement sur la qualité du thé et le développement de ses arômes, tout comme les méthodes de séchage. Et, comme pour les plants de vigne qui se bonifient avec l'âge, les plus anciens plants de théier sont ceux qui fournissent les meilleures feuilles de thé. Un plant vit en moyenne 50 ans.

Les différents types de thé chinois

Le thé que l'on boit dans la capitale pékinoise et ailleurs en Chine est surtout du thé vert. En Occident, on le classe en fonction de la couleur des feuilles, tandis qu'en Chine, c'est plutôt selon la couleur des infusions qu'il produit. Les Chinois classent les thés dans les catégories suivantes : les thés verts, non oxydés, sont à consommer dans l'année. Il en existe des centaines de variétés.

Les thés blancs et jaunes, au goût délicat, sont produits en petite quantité et vendus à prix fort. Les thés bleu-vert, ou oolongs, sont semi-fermentés et plus ou moins oxydés. Les thés rouges sont ceux que l'on nomme thés noirs en Occident. Après quelques heures de séchage à l'air libre pour amorcer le processus d'oxydation, on stoppe celui-ci en faisant chauffer les feuilles. Enfin, les pu-ehr sont les thés que l'on appelle postfermentés en Occident, mais que les Chinois désignent plutôt sous le vocable de thés noirs. Ils sont surtout prisés pour leurs vertus médicinales et sont souvent produits en briques compressées et séchées. C'est aussi le seul thé chinois réputé pour bien vieillir.