L'industrie viticole française, l'a-t-on assez répété depuis quelques années, traverse une très sombre période.

Concurrence du «Nouveau Monde», arrachage intensif dans certains vignobles pour diminuer la production, dilution de la qualité dans certaines appellations, force de l'euro nocive aux exportations, résistance des vieilles familles au modernisme... La liste des malheurs qui se sont abattus sur les vignerons de l'Hexagone est longue.La France souffre d'un autre mal, plus philosophique celui-là : l'abus de confiance ou la certitude d'être parfait. Une confiance qui se traduit souvent par un immobilisme suicidaire.

De plus en plus de producteurs français réalisent toutefois que sans un grand coup de barre, leur industrie continuera de décliner inexorablement.

Généralement, dans les régions les plus durement touchées par la crise, les producteurs sérieux ont décidé que la relance passera par la qualité et l'authenticité des vins, basées sur les forces et l'originalité du terroir.

On le constate surtout dans le sud de la France, où de nombreux producteurs reviennent aux cépages indigènes et produisent moins, mais mieux.

Pour d'autres, le respect du terroir ne suffira pas ; il faut aussi repenser le modèle d'affaires. Au risque de bousculer les traditions et l'image romantique du vigneron solitaire qui produit en vase clos.

Antoine Leccia, président du directoire d'Advini, est de l'école de la «restructuration» de l'industrie. La seule existence de l'entreprise qu'il dirige en est la preuve.

Advini, c'est la fusion, il y a quelques mois, de deux noms connus du vin français : le groupe Jeanjean, du Languedoc-Roussillon, et Laroche, de Chablis (quoique Laroche a depuis longtemps déployé ses tentacules partout sur la planète).

Le nouveau groupe coté en Bourse (une rareté dans le milieu) a un chiffre d'affaires de 190 millions d'euros et exploite 1450 hectares de vignobles.

En plus des marques Jeanjean et Laroche, tous deux familières aux amateurs québécois, Advini possède aussi Ogier (Châteauneuf-du-Pape), Rigal (Cahors), Gassier (Provence), Cazes (Roussillon) et Antoine Moueix (Saint-Émilion).

Le regroupement permet aux deux maisons de fusionner leurs services de ventes, de ressources humaines, de marketing, de distribution, de gestion, bref tous les aspects qui ne touchent pas directement la culture de la vigne et l'élevage des vins, a expliqué M. Leccia lors d'un récent passage à Montréal.

Le défi est précisément là : devenir gros, comme entreprise, sans pour autant perdre son âme dans les différents vignobles. Rationalisation des opérations, mais surtout pas uniformisation des vins, a insisté M. Leccia.

«On se regroupe pour réduire les frais, pour être capable d'affronter la concurrence mondiale, mais il faut garder la philosophie de chaque maison, de chaque terroir de nos maisons et miser sur l'authenticité», a expliqué Antoine Leccia, lui-même petit propriétaire et producteur dans sa Corse natale.

Les différentes maisons du groupe Advini gardent donc leurs propres équipes de production, qui travaillent avec ces cépages types de leur région. M. Leccia mentionne notamment avec fierté le Cahors de Rigal produit avec du Malbec «original».

Selon M. Leccia, les vignerons français n'ont plus le choix : ils s'adaptent ou ils risquent la disparition.

Il estime aussi que la culture bio, bien plus qu'une mode passagère ou un effet de marketing, est devenue une nécessité pour l'industrie viticole française.