Vous êtes nombreux à demander des suggestions de vins pour accompagner certaines recettes. Ou à demander qu'on vous explique les règles des accords mets-vins.

Si vous avez suivi des cours sur le vin ou creusé le sujet par vous-même, vous avez fort probablement entendu l'expression «cépages nobles», ou encore «cépages améliorateurs».

En Alsace par exemple, à quelques rares exceptions près, seuls quatre cépages, désignés comme «nobles», ont droit à l'appellation Grand Cru. Ailleurs, on a encouragé l'arrachage de cépages considérés moins qualitatifs pour les remplacer par des cépages censément améliorateurs.

Après la crise du phylloxéra, qui a presque anéanti les vignobles européens à la fin du XIXe siècle, la pénurie de vin a conduit à de nombreuses fraudes. On plantait n'importe quoi n'importe où. On achetait du vin de pays étrangers et on les embouteillait sous des noms de régions françaises. Le besoin rapide et criant de vin a mené à cultiver des cépages très productifs dans des terres très fertiles. On a fait «pisser la vigne» avec des rendements excessifs. Et, en général, la qualité d'un vin est inversement proportionnelle au rendement de la vigne.

C'est entre autres dans le but de contrer la fraude et cette production massive de vins de piètre qualité que les appellations d'origine contrôlée ont vu le jour. Dans les cahiers des charges de chaque appellation, les cépages permis sont classés en trois catégories: les cépages principaux, qui sont recommandés, les cépages complémentaires, ou secondaires, et les cépages accessoires, dont plusieurs ont été progressivement interdits.

On a replanté massivement les cépages recommandés au détriment des cépages complémentaires et arraché les cépages accessoires, menant inévitablement à une uniformisation du vignoble. Aujourd'hui, sur un peu plus de 200 cépages autorisés en France, seulement 10 représentent plus de 70 % du vignoble.

On a voulu moderniser le vignoble, le rendre plus productif, ce qui est tout à fait compréhensible. Malheureusement, des impératifs économiques et des phénomènes de mode ont trop souvent pris le dessus sur la recherche de la qualité. Bien sûr, des cépages bien établis et bien connus du grand public sont plus populaires. Un chardonnay ou un merlot seront toujours plus faciles à vendre qu'un romorantin ou un tibouren.

Mais la biodiversité du vignoble en a pris un sérieux coup. Et pas seulement par la diminution du nombre total de cépages cultivés, mais aussi par leur mode de reproduction. Au fil des ans, on a choisi les plants les plus productifs, les plus résistants aux maladies, les plus faciles à cultiver et on les a reproduits massivement par clonage. Ce qui a fini par affaiblir le matériel végétal : de nombreuses nouvelles maladies sont apparues et les vignes dépérissent aujourd'hui plus rapidement.

Le manque de biodiversité non seulement pose un problème quant à la résistance des vignes, mais mène à une homogénéisation des saveurs et prive le consommateur d'une diversité de goûts.

Le phénomène n'est pas unique à la France. En revanche, les régions plus isolées ont été plus épargnées par les modes ou n'avaient tout simplement pas les moyens de replanter. Elles ont donc conservé un plus riche patrimoine viticole. Dans les régions où la vigne a été implantée plus récemment, comme dans beaucoup de pays du Nouveau Monde, les vignobles sont encore plus homogènes: ce sont des mers de chardonnay, de syrah, de cabernet sauvignon.

On commence à voir un peu le retour du balancier. Plusieurs vieux cépages ont été récupérés et propagés de nouveau. Mais ce n'est pas encore la norme, et plusieurs instances continuent d'encourager la culture de cépages choisis non pas pour leur capacité à révéler un terroir, mais plutôt pour leur popularité.

Quand j'ai étudié les vins d'Alsace, on m'a appris que le pinot blanc et le sylvaner étaient de «petits» cépages, incapables de produire de grands vins, à l'image des cépages nobles. Pourtant, il fut une époque où le pinot blanc donnait des vins très appréciés en Bourgogne, où il était tout autant cultivé que le chardonnay.

Quelques ardents défenseurs du sylvaner ont fait pression pour qu'il soit autorisé en Grand Cru en Alsace, dans un terroir où il était traditionnellement cultivé, mais où il a été «tassé» en faveur de cépages plus en vogue. Personne ne le connaissait, et il n'était pas très vendeur, et pourtant, cultivé au bon endroit, le sylvaner peut donner de grands vins.

Il faut encourager cette diversité en s'intéressant aux vins de cépages moins connus. Les bons exemples abondent! Le carignan, qui a longtemps été considéré médiocre, est à l'origine de certains des vins les plus fascinants du Priorat, en Espagne, et de nombreux très bons vins du Languedoc. Et je pourrais vous nommer des dizaines de cépages comme lui. Si on ne devait boire que du chardonnay et du cabernet sauvignon pour le reste de nos jours, qu'est-ce qu'on s'ennuierait! Je ne cesse de le répéter, une grande partie du charme du vin réside dans sa diversité. Il existe des centaines, voire des milliers de cépages oubliés. Bien sûr, ils ne présentent pas tous le même intérêt. Mais ils contribuent à la diversité des goûts, à la complexité du vin et à la richesse de la viticulture.

Cinq vins à découvrir

Tetramythos Malagousia Achaia 2015

Vin de malagousia, très vieux cépage grec, presque complètement disparu puis propagé de nouveau depuis une cinquantaine d'années. Celui-ci, cultivé en altitude au-dessus de Patras, dans le Péloponnèse, est incroyablement charmeur. Des arômes printaniers, de fleurs et d'agrumes, une bouche franche, délicate et juteuse, d'une très bonne tenue et avec beaucoup de fraîcheur. Parfait pour la fête des Mères, au brunch, avec des poissons et fruits de mer, une quiche aux légumes ou simplement pour mettre un peu de soleil dans votre journée! À boire.

17,95 $ (12910335) 12,5 %

Adi Badenhorst Secateurs Swartland 2014

Un autre très bon vin d'Adi Badenhorst, qui s'évertue à préserver des vieilles vignes dans la région du Swartland, en Afrique du Sud. Un assemblage de cinsault, syrah et mourvèdre principalement, issus de vignes non irriguées et cultivées en gobelet sur les sols granitiques typiques de la région, vinifié de façon très naturelle. Des arômes de mûres et d'épices, une bouche riche et juteuse, mais non dénuée de fraîcheur et juste ce qu'il faut de tanins. Un vin goûteux et passe-partout, tout indiqué pour les premières grillades! À boire ou garder 5-6 ans.

19,65 $ (12132633) 14 %

PHOTO FOURNIE PAR LA SAQ

Tetramythos Malagousia Achaia 2015, 17,95 $ (12910335) 12,5 %

Domaine Vacheron Sancerre 2015

Cher pour un Sancerre, me direz-vous? À quoi je répondrai: pas cher pour un grand vin! Pour comprendre ce qu'est un vin de terroir: ici, on n'a pas affaire à une expression variétale du cépage, mais vraiment à l'expression d'un cépage dans un lieu précis, à un moment donné (le millésime). Un fruit mûr, de l'éclat et de la tension en bouche, beaucoup de pureté, infusé de minéralité. Impeccable du début à la fin, avec des saveurs qui s'égrainent sur une longue finale. Superbe Sancerre, fin et complexe, à boire avec des poissons fins ou des fruits de mer, aux agrumes ou aux herbes. À boire ou garder 5-6 ans.

36,25 $ (10523892) 12,5 %

Gaba do Xil Mencía 2014

Voilà un bel exemple d'un cépage, le mencía, capable de donner de grands vins, mais qui était considéré comme inférieur dans la foulée de la crise du phylloxéra. Heureusement, des vignerons allumés ont redonné vie à ces vieilles vignes dans plusieurs régions du nord-ouest de l'Espagne et en tirent aujourd'hui d'excellents vins. Celui-ci, de facture un peu plus moderne, offre quand même tout le parfum du cépage, très axé sur les fruits rouges, avec une pointe florale qui lui donne de l'éclat. Mûr, avec une texture veloutée accentuée par un élevage sous bois et des tanins polis, c'est un vin qui offre beaucoup de complexité à ce prix. Il accompagnera aussi bien des côtelettes d'agneau qu'un risotto aux champignons ou des fajitas au poulet. À boire ou garder 6-7 ans.

19,55 $ (11861771) 14 %

PHOTO FOURNIE PAR LA SAQ

Domaine Vacheron Sancerre 2015, 36,25 $ (10523892) 12,5 %

Jacquesson Cuvée 739 Champagne Extra Brut

Il en reste peu, mais je ne pouvais pas omettre de mentionner ce magnifique champagne. Une excellente maison, ni grande ni toute petite, familiale et qui travaille extraordinairement bien. Cette cuvée 739 est l'une des plus délicieuses et complètes goûtées à ce jour. Riche et ample, avec un fruit bien mûr, agrémenté de notes de brioche, mais aussi d'une grande élégance, avec beaucoup d'éclat et de tonus, et une minéralité sous-jacente. Un vin complexe et savoureux, riche et fin à la fois, avec des saveurs crescendo et une longue finale. Du pur bonheur. Délicieux seul, mais sans aucun doute un grand vin de gastronomie. À boire ou garder 7-8 ans.

70,75 $ (13116643) 12 %

PHOTO FOURNIE PAR LA SAQ

Jacquesson Cuvée 739 Champagne Extra Brut, 70,75 $ (13116643) 12 %