Une émission d'Enquête diffusée en décembre dernier a fait réagir de nombreux lecteurs. Intitulé « Vin français : la gueule de bois », le reportage, adaptation d'une émission française, portait sur les traitements chimiques dans les vignobles français, sur les techniques amélioratives et sur les additifs permis en vinification. Le reportage avait en effet de quoi alarmer. Plusieurs vins français contiendraient des traces de résidus de pesticide, jusqu'à 300 fois plus que la limite autorisée pour l'eau potable, y compris des produits interdits, reconnus comme cancérigènes.

De tels reportages ont été diffusés régulièrement au cours des 15 dernières années. C'est bien connu, la France est le plus gros utilisateur de pesticides en Europe, et le troisième au monde après les États-Unis et le Japon (on peut toutefois se demander si les données pour tous les pays sont justes - en matière de divulgation de pratiques contestées, disons que l'honnêteté et la transparence ne règnent pas toujours). Mais ce n'est pas un problème propre à la viticulture : toute l'agriculture est touchée. C'est notre panier d'épicerie au complet qui en souffre.

Mais en France, la viticulture est le premier coupable : 20 % des pesticides utilisés le sont dans les vignobles.

L'émission raconte que le terroir est l'argument de vente numéro un des vins français, mais qu'à force de traitements, il n'y a plus vraiment de terroir. Les vignerons ne sont pas les artisans que l'on croit, mais plutôt de véritables chimistes.

À force de traitements chimiques dans les vignobles, on tue le sol, sa vie bactérienne et tout ce qui contribue à en faire un terroir.

D'ailleurs, dans une des scènes, on voit un vigneron qui défend l'usage de pesticides en montrant deux rangs de vignes, côte à côte, dont l'un est traité et l'autre pas. L'argument : la vigne traitée porte des grappes entières de raisins, et celle non traitée compte à peine un ou deux raisins par grappe, le reste est pourri. Mais si on regarde de près, les raisins sur la vigne prétendument saine sont en effet plus nombreux, mais pas très beaux. Et surtout, le sol entre les vignes est complètement mort : la végétation est brûlée, aucun signe de vie.

Le vigneron voulait montrer ses belles grappes entières, je ne voyais que des raisins pas très appétissants et surtout un sol dénué de toute vie.

Le problème avec ce reportage, c'est qu'il fait beaucoup trop d'amalgames. On met pesticides dangereux, sulfites, levures commerciales et copeaux de bois dans le même sac. Les pesticides devraient en effet être bannis. Ils sont dangereux pour la santé - les cas d'ouvriers viticoles atteints de maladies graves, voire mortelles, sont nombreux - et peuvent se retrouver dans les vins. Les vins n'ont d'ailleurs pas de limite maximale légale de résidus, comme c'est le cas pour l'eau ou les aliments. Par contre, les copeaux de bois ne tueront jamais personne ! La majorité des additifs (il y en a une soixantaine d'autorisés) et des techniques amélioratives utilisées (thermovinification, osmose inverse, micro-oxygénation, etc.) n'ont pas d'effets néfastes sur la santé. Mais ils rendent les vins plus homogènes et gomment toute notion de terroir.

On peut, de façon très générale, diviser le vin en deux grandes familles : les vins de terroir et les vins industriels. Les vins de terroir sont ceux issus d'une viticulture et d'une vinification saine et propre, qui cherchent à mettre de l'avant les particularités d'un lieu donné. Les vins industriels sont plutôt issus d'une recette : ils recherchent avant tout la productivité et la constance. Pour des rendements élevés, on ne lésine pas sur les « ides » - pesticides, herbicides, fongicides -, qui tuent les sols et, du coup, toute notion de terroir. Ces vins pourraient être élaborés n'importe où, leur origine étant masquée par de nombreuses manipulations.

Les vignerons qui utilisent des pesticides diront qu'ils sont obligés de traiter la vigne pour qu'elle produise. Pourtant, de nombreux vignerons en bio réussissent très bien.

Bien sûr, si un vignoble a été traité aux produits chimiques pendant des décennies, les premières années ne seront pas faciles. Beaucoup de temps, de main-d'oeuvre, de soins et d'attention seront nécessaires pour remettre le vignoble en bon état. Mais à long terme, ces coûts diminueront et seront compensés par des raisins de meilleure qualité, une productivité accrue et une meilleure immunité aux maladies de la vigne et aux intempéries. Sans compter une meilleure santé pour tous, du vigneron au consommateur !

Au lieu de faire du sensationnalisme, comme dans le reportage, et de traiter tous les vignerons de chimistes, soyons plutôt critiques et constructifs. De nombreux vignerons, petits et grands, sont de véritables artisans et travaillent d'arrache-pied pour produire des vins de terroir. La viticulture bio augmente partout dans le monde. Elle ne représente toujours que 8 % du vignoble français, mais elle a triplé au cours des 5 dernières années. Continuons à en parler, à demander des comptes aux vignerons, à faire passer le message que nous désirons du vin « propre ».

J'aimerais bien voir une limite maximale de résidus pour les vins, et une obligation de déclaration de tous les produits utilisés. Vous seriez surpris de voir tout ce qu'il y aurait en plus du raisin, et une longue liste d'ingrédients incompréhensibles ferait sûrement son effet.

Comment s'y retrouver en attendant ? Le vin a une image romantique et le mot terroir est très galvaudé. Évidemment, pas un vigneron ne s'affichera comme producteur industriel ! Comme pour tout produit, méfiez-vous de la publicité. Renseignez-vous sur les producteurs. Privilégiez les vins bios. L'expression boire moins, mais boire mieux prend tout son sens.

Château La Lieue Coteaux Varois en Provence 2014

Fort probablement le meilleur et le plus constant des vins rouges bios en produit régulier à la SAQ. Assemblage provençal de grenache, syrah, carignan, cabernet sauvignon et mourvèdre, il offre des saveurs de fruits rouges et noirs, ainsi que des notes de garrigue. Pas très complexe, mais d'un joli fruité, avec un caractère souple et charmeur, et juste ce qu'il faut de tanins pour lui donner de la tenue. Simple et franc, un vin sans chichi parfait pour les soirs de semaine.

14,95 $ (605287) 14 %

PHOTO FOURNIE PAR LA SAQ

Château La Lieue Coteaux Varois en Provence.

Château Puy-Landry Bordeaux Côtes de Castillon 2014

Un très bon « petit Bordeaux » issu de merlot, cabernet franc et cabernet sauvignon, d'un domaine cultivé en bio depuis 2005. Archisec, du fruit rouge, mais aussi des notes de cèdre, de tabac. Très Bordeaux dans sa facture et ses saveurs, sans boisé apparent, et surtout sans aucune verdeur. Franc et goûteux, un vin fait pour la table, parfait pour un steak-frites.

16,60 $ (852129) 12,5 %

PHOTO FOURNIE PAR LA SAQ

Château Puy-Landry Bordeaux Côtes de Castillon 2014.

Tetramythos Kalavryta IGP Péloponnèse 2014

Situé dans les montagnes au-dessus de Patras (il y a là-bas moins de 10 km entre la mer et des sommets de près de 3000 m !), le domaine Tetramythos travaille de façon exemplaire. Tout le domaine est cultivé en bio, pas seulement les vignes. Les seuls engrais utilisés sont locaux : fumier de chèvre, algues. Le mavro kalavryta (noir de kalavryta), un vieux cépage local sauvé de l'extinction par le domaine, donne ici un vin gourmand, au fruité croquant avec des notes de griotte, de framboise et de gadelle. Beaucoup de fraîcheur, juste ce qu'il faut d'aspérités taniques et une légère amertume herbacée lui apporte beaucoup de caractère. À essayer sans faute si vous êtes amateur de pinot noir et de gamay.

16,85 $ (11885457) 13 %

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Tetramythos Kalavryta IGP Péloponnèse 2014.

Autre domaine du groupe Pesquera, cultivé en bio, mais non certifié, le Condado de Haza est issu à 100 % du cépage tempranillo. Mais rien à voir avec ces Ribera modernes, suaves et boisés. On a affaire ici à une expression beaucoup plus traditionnelle du tempranillo. Un vin bourré de caractère, un peu rustique, mais très rassasiant, aux arômes de fruits noirs, de cuir, d'épices, avec un petit quelque chose de sauvage. Doté d'une structure solide avec des tanins fermes, il gagnera à être passé en carafe une ou deux heures avant d'être servi et continuera d'évoluer dans le verre. À servir à table pendant une froide soirée d'hiver, avec du gibier, de l'agneau ou des braisés.

25,90 $ (978866) 14 %

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Condado de Haza Ribera del Duero 2011.