Nous sommes nombreux à lire les listes d'ingrédients sur les produits alimentaires et à faire nos achats en conséquence. Or, rien n'oblige les producteurs à divulguer tous les ingrédients qui se trouvent dans leurs vins.

Les lois concernant l'étiquetage sont de plus en plus strictes... sauf pour le vin, semble-t-il. Ce n'est que du jus de raisin fermenté, direz-vous ? Détrompez-vous : le vin, comme bien des aliments, peut s'avérer être un produit industriel ayant subi de nombreuses transformations. Il existe autant de différences entre certains vins qu'entre un fromage artisanal au lait cru et des tranches de fromage Kraft.

La seule exigence de mention d'ingrédients concerne les sulfites et autres produits allergènes. Mais un simple « contient des sulfites » suffit, alors que les quantités varient énormément : d'environ 10 mg/L au plus bas, jusqu'à 200 mg/L, limite maximale pour les vins secs. Une différence énorme ! Et un détail important pour ceux qui y sont intolérants.

Mais il y a beaucoup plus que les sulfites : plusieurs dizaines d'additifs sont permis dans le vin. Le nombre et la liste changent d'un pays à l'autre. Certains sont très naturels, comme les blancs d'oeufs utilisés pour le collage (une opération qui consiste à clarifier et stabiliser le vin). D'autres sont plus inquiétants, comme le Velcorin (dicarbonate de diméthyle), un antimicrobien qui tue à peu près tout ce qui est vivant dans le vin.

Tous ces produits sont autorisés, donc considérés comme non nocifs pour la santé (aux doses prescrites, bien sûr). Mais alors que les consommateurs se préoccupent de ce qu'ils mangent et boivent, ne seraient-ils pas en droit de savoir ce que contient le vin ?

Le concept romantique du vin comme un produit naturel, issu uniquement de la fermentation du raisin, est un puissant outil de marketing très utilisé par les producteurs industriels. Ils sont assurément les moins enclins à divulguer la longue liste de produits chimiques qu'ils embouteillent aussi. Que ce soit pour augmenter ou réduire l'acidité, les tanins, la couleur, modifier les arômes ou la texture, il existe une batterie d'additifs à la disposition des oenologues. Mais même une liste détaillée des ingrédients utilisés dans l'élaboration d'un vin ne révélerait pas tout.

Au-delà des additifs, il y a une dizaine de procédés mécaniques autorisés, parfois très brutaux, qui servent à améliorer ou à corriger le vin et qui peuvent complètement le dénaturer. En bref, on peut tout à fait démarrer avec un vin de piètre qualité, ou même un vin défectueux, et en faire un produit propre à la consommation. Et le prix de la bouteille n'a pas grand-chose à voir non plus avec la quantité de produits chimiques ou le nombre de procédés qui ont servi à son élaboration. Certains vins très chers, voire des vins « cultes », sont aussi des vins très manipulés.

Bien sûr, on aimerait savoir qui fait quoi. Mais imposer la divulgation des ingrédients pourrait se révéler très coûteux pour de nombreux petits producteurs : envoi d'échantillons au laboratoire, analyse, production de l'étiquette, etc. Comme le disait un vigneron qui travaille en bio : « Pourquoi est-ce que je devrais payer pour mentionner sur mon étiquette que je travaille bien, avec le moins d'additifs possible ? Ce serait plutôt à ceux qui utilisent plein de produits chimiques d'en faire la liste sur leurs étiquettes ! »

Un débat qui n'est pas aussi simple qu'on le souhaiterait. Pour le moment, notre seul recours est de se renseigner sur le producteur et ses méthodes de travail. Ce qui en soi n'est pas une mauvaise chose et qui peut en outre contribuer à notre plus grande appréciation du vin.