Wow. Je vous prie d'excuser ma familiarité, mais j'ai été tellement touchée par tous vos messages de félicitations, toutes vos suggestions.

Pour commencer, permettez-moi un peu de mettre la table. Vous êtes nombreux à avoir fait référence au documentaire Au pif, qui portait sur mon parcours dans les concours internationaux de sommellerie, et à avoir dit apprécier la simplicité avec laquelle j'aborde le vin. C'est vrai, j'aime beaucoup rendre le vin plus accessible. Après tout, ce n'est que du jus de raisin fermenté. Et pourtant, le vin est aussi immensément complexe, par son élaboration, son immense diversité, sa riche histoire et les traditions qui l'entourent. C'est ce qui le rend si fascinant.

J'aimerais tant que les consommateurs soient plus confiants, qu'ils n'aient pas peur de s'exprimer sur le vin, de sortir des sentiers battus et d'en essayer des nouveaux. C'est à force de goûter qu'on finit par comprendre ce qu'on aime. Et il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde où l'offre de vins est aussi variée qu'ici. Lors de vos prochains voyages en Italie ou en France, je vous mets au défi de trouver des vins du Chili, de Nouvelle-Zélande ou même du Portugal!

Le vin n'est pas pour moi un produit de consommation ordinaire. Il est chargé d'histoire, de culture, de tradition, mais plus que tout, c'est un produit en constante évolution. C'est pourquoi je ne note pas les vins. Pas de chiffre ni d'étoiles, que des mots. Je suis la première à reconnaître qu'un vin que je note 85/100 aujourd'hui pourrait mériter 88/100 demain. Le vin change, et nous aussi! Je crois qu'une grande partie de notre appréciation d'un vin dépend de qui on est: où on a grandi, sous quel climat, avec quelle alimentation. Notre appréciation fluctue aussi au gré de notre humeur, de ce que nous avons mangé la veille, du temps qu'il fait. En d'autres mots, le goût est quelque chose de profondément individuel.

Qui suis-je pour vous dire ce que vous devriez aimer?

Mettre une note sur un vin est pour moi aussi aléatoire que de mettre une note sur une oeuvre d'art.

Je considère que notre rôle, les chroniqueurs vins, n'est pas de vous dire ce que vous devez aimer, mais plutôt d'expliquer, de vous donner envie d'explorer et de découvrir.

À la base, l'appréciation d'un vin est simple: j'aime ou je n'aime pas. Et pour beaucoup de gens, ça s'arrête là et c'est très bien ainsi. Personnellement, je trouve que le plaisir croît avec la connaissance. Plus on en sait sur un vin, sur les gens qui l'ont produit et sur la région qui l'a vu naître, plus on a de plaisir à le déguster. Et finalement, c'est ce que le vin devrait être avant tout: du plaisir.

Avec le vin, en plus de toujours apprendre, sur la géographie, l'histoire, les traditions d'une région, je ne cesse de m'amuser. Je lis une liste de nouveaux arrivages comme un enfant qui épluche un catalogue de jouets.

Tous les vins dont je vous parlerai sont des vins que j'apprécie. J'espère tout simplement vous donner envie d'y goûter. S'ils sont dignes de mention, c'est aussi qu'ils valent leur prix. Je pourrai bien sûr parfois ajouter un commentaire du style «un peu cher» ou «excellent rapport qualité-prix». Et de temps en temps, avoir un grand coup de coeur ou un grand coup de gueule.

À découvrir

Domaine Sigalas Santorini 2013 24,80$ (11034302)

Il ne serait pas fou de croire qu'un vin issu d'une île en plein coeur de la mer Égée soit chaleureux, joufflu, avec un fruit très mûr. Mais pas à Santorin. Dans cette île née d'une éruption volcanique, ou presque rien ne pousse tellement la terre est pauvre et les vents, violents, on produit un vin blanc sec et vif, très peu fruité mais dense, d'une droiture et d'une minéralité qui laissent croire à une origine beaucoup plus septentrionale. Rien d'explosif, mais beaucoup de finesse et de profondeur. Il n'a pas son pareil pour accompagner les produits de la mer, préparés en toute simplicité (huile d'olive et citron). Renversant avec de la pieuvre grillée. Bonus : un excellent potentiel de vieillissement (au moins 8 à 10 ans, voire beaucoup plus).

Château de Brézé Saumur 2013 20,35$ (11906051)

Ah le chenin! Quand on aime, c'est de façon inconditionnelle. Pas tous, bien sûr. Pas un pays, pas une région, pas un cépage n'a le monopole de la qualité. Mais les bons chenins sont assurément parmi les vins avec la plus grande buvabilité*. Un nez complexe, très pomme, avec des notes de cidre, de fleurs blanches, d'amande. Une texture grasse, qui tapisse la bouche, mais portée par une grande fraîcheur. Riche et fruité, mais tonique à la fois, et avec une légère sensation tannique qui contribue à son caractère très sec. Savoureux!

Bonarda Colonia Las Liebres Altos Los Hormigas 2013 14,85$ (10893421)

Eh non! L'Argentine ne produit pas que du malbec! La bonarda, vieux cépage alpin qui n'a rien à voir avec la bonarda italienne, est devenue une spécialité argentine. Avec toute la chaleur et le fruit qu'on associe aux vins du pays, mais sans aucun bois, plus éclatant et plus frais. Ici, beaucoup de cerise, de mûre et d'anis, avec une pointe florale qui apporte de la fraîcheur. Corsé, mais sans lourdeur, complètement sec et à peine tannique. Pas très complexe, mais gouleyant. Parfait pour une cuisine simple et haute en saveurs: hamburgers maison, pizza toute garnie, chili con carne.

Di Majo Norante Contado Riserva Aglianico Del Molise 2011 18,15$ (11294817)

Une bonne introduction à l'aglianico, cépage du sud de l'Italie, qui peut donner des vins tanniques et austères. Beaucoup d'étoffe ici, avec des arômes de fruits noirs, d'herbes séchées et de terre, ainsi que des tannins bien présents et fermes. Très sec, un brin rustique, mais quel caractère! Un vin authentique, qui gagnera à être passé en carafe une heure ou deux, et qui vieillira aussi très bien 4 à 6 ans. Fait pour la table, il accompagnera des viandes goûteuses (agneau, gibier, etc.), en ragoût, braisées ou grillées.

* Voici un terme que j'utiliserai souvent. C'est pour moi l'une des plus grandes qualités d'un vin: celle qui fait en sorte qu'on en veut un deuxième verre, pour son côté digeste et gourmand.

Les vins suisses en vedette

Le volet gastronomique du festival Montréal en lumière met en vedette cette année les vins suisses. Un lecteur, qui se désole du peu de vins suisses en vente ici, demande si l'événement fera en sorte que l'offre de ces vins sera bonifiée à la SAQ et chez les importateurs privés.

Il est vrai que les vins suisses sont très peu connus sur notre marché. Ce sera une occasion de les découvrir, mais pour en acheter, la seule option demeure les réseaux habituels de la SAQ et de l'importation privée, où ils sont en effet très peu nombreux.

On produit pourtant d'excellents vins en Suisse: des blancs à base de petite arvine, des syrahs et pinots noirs en rouge, pour ne nommer que ceux-là. Mais la production est petite, et les Suisses, bien nantis, sont aussi de grands amateurs. Résultat: peu des meilleurs vins sont vendus sur les marchés étrangers, et ceux qu'on y retrouve sont malheureusement rarement d'un bon rapport qualité-prix.