À l'approche de l'été, nous republions cette semaine un amusant texte de Jacques Benoit qui avait eu un certain écho, en 2006. Les vins dont il est ensuite question ont été dégustés récemment.

Il arrive à certains dégustateurs de se mettre allègrement les pieds dans les plats. Ce danger guette avant tout les gens, tel votre serviteur, qui ont maintes occasions de goûter les vins de producteurs en présence de ceux-ci.

Car ces derniers veulent alors savoir ce qu'on pense de leurs vins.

Misère noire!

Avis aux intéressés (amateurs-voyageurs, journalistes, sommeliers, etc.), beaucoup de viticulteurs ont pour politique celle qu'avait le romancier américain Truman Capote. Lequel, à la sortie d'un nouveau roman, se refusait à prendre connaissance des mauvaises critiques.

Son agent avait donc pour mandat de lui faire parvenir uniquement les critiques élogieuses, dont Capote se délectait. De même, de nombreux viticulteurs, lorsqu'on goûte leurs vins, ne veulent entendre que des compliments.

Mais il y a un moyen, fort simple, de contourner la difficulté... Autrement dit, de dire la vérité avec des pincettes.

Voici donc, pour les situations délicates, des suggestions de remarques politiquement correctes, qui vous évitent d'ajouter un autre viticulteur à la liste de vos ennemis mortels.

Vin qui sent le vomi (une maladie, à savoir la piqûre lactique). Ne dites pas «votre vin sent le vomi», dites, en fronçant les sourcils, «le bouquet est étonnant, vous ne trouvez pas?»

Vin qui sent le vinaigre (piqûre acétique). Dites également «le bouquet est étonnant, vous ne trouvez pas?»

Ou, pour changer, «le bouquet est un peu bizarre, il me semble, non?» Car l'interrogation atténue la portée de l'affirmation.

Vin archiboisé. Ne dites pas «c'est du jus de planche, votre de vin», dites plutôt «il n'a pas encore digéré son bois». Ou, plus chic, «il est encore marqué par son élevage».

Vin rouge mort et enterré. Ne dites jamais «il est kaput, ce vin-là», dites «il est très tertiaire, non?»

Vin très acide et astringent, imbuvable. Abstenez-vous d'en faire la remarque, dites plutôt «il gagnera à être bu en mangeant».

Vin rouge aux odeurs d'iode et de cheval en sueur, contaminé par une levure nuisible. Ne pas dire «il pue, ce vin», mais plutôt «il me semble détecter une note animale».

Vin trop alcoolisé, qui brûle la langue. Dites, «c'est du costaud, il réchauffe, votre vin».

Vin blanc madérisé, bon à mettre à l'évier. Ne le dites pas, de grâce! Dites plutôt, «il a un petit quelque chose de rancio, qui rappelle certains champagnes, non?»

Vin fluide, dilué. Posez la question suivante, l'air innocent: «Est-ce qu'il est possible qu'il prenne du volume avec l'âge?»

Vin rouge aux tannins rugueux. Ne parlez en aucun cas de tannins grossiers ou vulgaires; le viticulteur pourrait vous sauter à la gorge. Dites plutôt, «c'est un solide gaillard, ce m'sieur».

Dans tous ces cas, il est bon de s'exprimer avec un léger sourire aux lèvres (évitez les sourires trop appuyés qui pourraient paraître suspects), et sur un ton calme, affable.

Mais... il arrive que l'on s'oublie et qu'on dise, sans ambages, que tel ou tel vin sent le vomi ou le vinaigre (on parle alors, comme on sait, d'acidité volatile).

Si le viticulteur affiche aussitôt une mine d'enterrement, on est cuit, du moins à ses yeux. Il ne le prend pas...

Si le vin a bel et bien le défaut qu'on lui reproche et que son producteur, au contraire, a l'honnêteté de le reconnaître, on est assuré d'une chose: on a en face de soi un grand viticulteur.

Valdeorras 2012 Mencia Gaba do Xil

18$

(11861771)

Vin rouge espagnol de Galice (nord-ouest), d'une appellation contigüe à celle de Bierzo, et élaboré avec uniquement du Mencia, un cépage autochtone. Pourpre-prune, sa couleur est bien transparente quoique assez soutenue, le bouquet, invitant, que dominent des notes de fruits rouges, étant agrémenté de notes épicées, bien qu'il ne soit pas boisé. Plus que moyennement corsé, il a de l'éclat et des tannins de qualité. Élevage en cuves inox. Enfin, curieusement, on pourrait presque croire, à l'aveugle, un bourgogne rouge.

13% (90 caisses).

Garde: 2014-2017?

NOTE: 16,8

Côtes du Rhône Villages 2012 Duréré Barrera,

19,65$ (10783088)

Côtes du Rhône Villages richement coloré, sans que ce soit un vin opaque, son bouquet ample, alléchant, de petits fruits rouges, est relevé de notes épicées-boisées. Bien en chair, ne manquant pas de corps, ses saveurs sont franches et on retrouve en bouche les arômes de fruits rouges, le tout bâti sur des tannins fermes quoique dépourvus de rugosité. Syrah, Grenache et Mourvèdre, avec élevage en cuve et en fûts de remploi de 30% de la cuvée. Savoureux.

14,5% (119 caisses).

Garde: 2014-2017.

NOTE: 17

Pouilly Fumé 2013 Petit Fumé Michel Redde et Fils

20,50$ (11365110)

Vin de Sauvignon blanc de la Loire, peu coloré et à reflets légèrement verdâtres, son bouquet, net, expressif, est bien typé Sauvignon blanc, et herbacé sans que ce soit exagéré, sans donc ce côté exacerbé des vins de ce cépage de Nouvelle-Zélande. Plutôt léger, non boisé, il renferme une certaine quantité de gaz carbonique, ce qui en rehausse les saveurs. À noter que ce vin n'a pas fait sa fermentation malolactique (ou seconde fermentation), comme c'est l'usage dans la Loire pour les vins de Sauvignon. Délicieux.

13% (107 caisses).

Garde: 2014-2016.

NOTE: 16

Ribera Del Duero 2012 Chartier Bodegas Arrocal

19,95$ (12246622)

Dernier en date de la gamme de vins de négoce François Chartier, Meilleur sommelier international en vins et spiritueux de France 1994, ce vin rouge, quasi opaque, au bouquet large, associant fruits noirs et rouges, plaira aux amateurs de vins puissants. Vin fait que de Tempranillo, concentré, compact, il se montre, m'a-t-il semblé, un brin lourdaud, tout en ayant de la persistance. Élevage en fûts de chêne français (75%) et américain (25%), avec le quart de neufs. Sérieux.

14,5% (785 caisses).

Garde: 2014-2018.

NOTE: 15,8

Vinsobres 2010 Les Cornuds Famille Perrin

20,65$ (11095981)

Savoureux vin rouge de la vallée du Rhône, classé en Côtes-du-Rhône Villages jusqu'en 2006, ce vin, fait à parts égales de Grenache et de Syrah, séduit dès le départ par la franchise de son bouquet de petits fruits rouges, qu'accompagne une note genre... sucre d'orge, laquelle disparaît en agitant le vin dans le verre. Charnu, relativement corsé, ses tannins ont de la fermeté sans être rudes, et il a de l'éclat. Élevage en cuves et en fûts pour une partie du vin de Syrah. Très bon.

14,5% (55 caisses).

Garde: 2014-2019.

NOTE: 17