Équipé d'une formidable bedaine, sans doute capable de renverser une vache d'un seul coup, il préparait, pour un magazine, un reportage sur ce qui fut l'un des plus vifs succès de la SAQ, à savoir la Cuvée des Patriotes. On était à la fin des années 70...

Acheté à gauche et à droite, principalement en Espagne, le vin était expédié au Québec en vrac, par navire-citerne, jusqu'au port de Montréal et de là, jusqu'aux installations d'embouteillage de la SAQ (elles ont été vendues depuis).

D'énormes quantités de vin traversaient ainsi l'Atlantique, car la fameuse cuvée se vendait par milliers et milliers de caisses!

Notre homme, par acquit de conscience, fit donc le voyage sur un de ces navires, à partir de l'Espagne jusqu'à Montréal.

Là, sur ce vaisseau, on eut vite fait de le surnommer «M'sieu 5 litres».

Car, tous les jours, histoire sans doute de bien s'imprégner de son sujet, le reporter demandait qu'on lui puise environ cinq litres de vin rouge dans l'une ou l'autre des citernes du cargo.

C'était sa consommation quotidienne, ce qui n'était sans doute pas étranger aux dimensions de sa bedaine.

L'histoire m'avait été racontée par je ne sais plus qui, de la SAQ, et j'oublie encore aujourd'hui le nom de ce journaliste tant assoiffé.

Puis, coup du sort, je fis sa connaissance lors d'un voyage de presse au Portugal.

La bedaine monumentale, la soif indomptable, ce ne pouvait être que lui! Car, avant toute dégustation, il demandait à se préparer le palais par un (parfois deux) double gin, après quoi il était disposé à goûter.

À table, il buvait naturellement comme quatre. Notre accompagnateur, Armando, était sidéré. Curieusement - car Armando était posté au Québec et en contact avec les autres délégations commerciales des pays étrangers -, je ne revis plus jamais ledit reporter.

Enfin, je tiens à rassurer ceux qui pourraient croire que des soifs de cette ampleur sont courantes chez les journalistes du vin. M'sieu 5 litres était une monumentale exception - je l'écris sans que ma main tremble.

Mais parlons vin...

Quelques vins

Fronsac 2005 Château de La Rivière, 35$ (11588348), ****,$$$1/2, 2012-2018.

Suis-je partial? Toujours est-il que ce bordeaux rouge, que j'affectionne, se révèle à mon sens meilleur que jamais dans ce grand millésime qu'est 2005. Bien coloré sans qu'il soit opaque, son bouquet, ample, très fruits rouges, pur, épicé sans excès (le bois), enchante, bien qu'il soit pour l'instant plutôt retenu. Charnu, ne manquant pas de corps, ses tannins sont aimables, et l'après-goût persiste un bon moment. Il y a plus fin en bordeaux rouge, ce qui n'empêche pas ce Fronsac d'être excellent. Et à prix correct. 80% Merlot, 15% Cabernet Sauvignon et 5% Cabernet franc, avec élevage en fûts, dont 35% de neufs. 13,5% (214 caisses).

Haut-Médoc 2005 Château Lamothe-Bergeron, 31,25$ (278234), ***1/2,$$$1/2, 2012-2017.

La couleur est soutenue, encore jeune, et le bouquet, généreux, encore là plutôt tout d'un bloc pour l'instant, dominé par des arômes de petits fruits noirs, avec des notes épicées (le bois) discrètes. Corsé, tannique, ferme, quoique sans rugosité, c'est un autre très bon exemple du niveau qualitatif des 2005. Très très bon. 49% Merlot, 44% Cabernet Sauvignon et 7% Cabernet franc, l'élevage étant fait en fûts, dont 25% de neufs. 13% (122 caisses).

Saint-Émilion 2009, Château Montremblant, 26$ (10809911), ***1/2,$$$, 2013-2016.

Élevé en fûts de chêne neufs, ce bordeaux rouge gagnera à être attendu un an ou deux, le temps qu'il digère un peu mieux son bois, comme le veut l'expression. Il se présente avec des notes de pain grillé au nez (le bois), alors qu'il s'agit en bouche d'un vin relativement corsé, d'une bonne concentration, au boisé appuyé, aux tannins bien enrobés. 70% Merlot, 15% Cabernet Sauvignon et 15% Cabernet franc. 13% (102 caisses).

Chianti Classico 2008 Riserva Banfi, 25,25$ (11366091), ***,$$$, 2012-2014.

Beau chianti de corps moyen, élaboré avec 90% de Sangiovese et un peu de Canaiolo et de Cabernet Sauvignon, au bouquet légèrement boisé, et dont les tannins, assez fermes, n'ont cependant rien de dur, son producteur utilisant la technique du micro-bullage (injection d'oxygène dans le vin) pour les attendrir. Élevage en foudres de Slavonie. 13% (145 caisses).

Bourgogne Vézelay 2009 Domaine de la Cadette, 22,70$ (11589691), **1/2,$$1/2, 2012-2013.

Vin blanc de Chardonnay, de l'Yonne - le même département que pour Chablis -, tout en fruit, non boisé, au bouquet relevé de notes rappelant quelque chose comme... le melon de miel. Le goût est lui aussi particulier, relevé par un peu de gaz carbonique, avec un après-goût qui persiste un assez bon moment. Simple et savoureux. 12,5% (98 caisses).

Alsace 2010 Pinot Gris Domaine Ostertag, 29,20$ (866681), ***1/2,$$$1/2, 2012-2017.

Vin blanc d'Alsace, que son producteur, grand admirateur de la Bourgogne, vinifie et élève en fûts, mais sans utiliser de fûts neufs. Il se présente avec un bouquet mûr, finement aromatique, et typé Pinot gris. Et se révèle, encore une fois, impeccable, comme toujours! Sec, charnu, le bois est parfaitement marié à l'ensemble, et il tiendra tête à des poissons en sauce et à des viandes blanches. On n'est pas loin des quatre étoiles. 14% (71 caisses).