Les agents sont cinglés, c'est une chose bien connue dans le milieu québécois du vin, mais que le grand public (heureux public!) ignore totalement.

Par agents, j'entends bien sûr les représentants québécois des fournisseurs étrangers.

Représentants qui, contre espèces sonnantes et trébuchantes un pourcentage du prix de gros, soit environ 10 à 12% montent au front pour défendre leurs intérêts auprès de la SAQ, des employés de succursales, des restaurateurs, etc.

Cinglés en quoi, me direz-vous?

Cinglés en ce sens qu'ils nous font travailler, nous, les journalistes, comme des forçats.

Jugez-en par vous-mêmes, prenez ce qui est arrivé le mardi 29 mars.

Dégustation dès 10h30 du matin, au saut du lit, dans un des meilleurs restaurants de Montréal, de 21 vins.

À commencer, pour se faire la bouche, par un merveilleux champagne, qu'il fallut bien recracher comme tout le reste! (Je serai honnête: au repas qui a suivi, j'ai craché à l'envers, que voulez-vous, le Gevrey-Chambertin 1er cru Bel Air 2006 Domaine La Vougeraie était irrésistible.)

Ce n'était pas fini, la journée ne faisait que débuter.

Petit repos dans l'après-midi, et puis, à 18h, ça repartait, aux bureaux même d'une agence, un joyeux salmigondis encore une fois. Trente vins non-stop.

Vins du Languedoc, blancs allemands, blancs et rouges californiens, et, entre autres, toute une série de superbes rouges de Toscane, d'appellation Bolgheri, avec, pour finir, le superbe Solaia 2007 - cela cracha abondamment. Total de la journée, 51 vins.

Résultat, au moment du buffet qui suivit, tout le monde se précipita sauvagement sur la bière!

«Il faut beaucoup de bière pour faire du bon vin», disent les vinificateurs australiens.

On pourrait dire, en les paraphrasant, qu'«il faut beaucoup de bière pour faire passer beaucoup de vin». C'est la vie.

Bordeaux 2009 Croix Saint-Martin, 13,10$ (292 904), **1/2, $1/2, 2011-2012.

Bordeaux modeste, d'un millésime réputé, il compte parmi les premiers 2009 à nous parvenir. Le bouquet, tout en fruits rouges, non boisé, est dominé par le Merlot (80%, contre 20% de Cabernet Sauvignon), la bouche tout au plus de corps moyen, facile, avec de l'éclat et un fruité avenant. Fort correct, et pour tous les jours. 13% (3634 caisses).

Vin de Pays Charentais 2008 Domaine du Grollet, 16,70$ (913 038), **1/2, $$, 2011-2013.

Une curiosité, puisqu'il s'agit d'un vin rouge, fait à parts égales de Cabernet Sauvignon et de Merlot, de la région de Cognac. Un peu plus que moyennement corsé, non boisé, tout en fruit, peu tannique, on dirait presque, à en juger par le bouquet, un vin rouge de la Loire de Cabernet franc. Peu complexe, et quand même savoureux. 12,5% (115 caisses).

Eden Valley 2010 Riesling Rolf Binder, 23,40$ (11 155 753), ***, $$1/2, 2011-2017

Ce vin blanc de Riesling est un très bon exemple de ce que fait l'Australie avec ce cépage, lequel lui réussit fort bien. La robe est un peu verdâtre, le bouquet typé... Riesling australien, avec une note qui rappelle l'odeur du jute. Le vin, qui renferme un peu de sucre résiduel (sans qu'on le perçoive vraiment), a un certain corps, avec l'acidité voulue, et puis du tonus, du caractère et des saveurs franches. Très bon. 12,5% (90 caisses).

Saint-Joseph 2007 François de Tournon Delas, 28,40$ (11 154 806), ***1/2, $$$1/2, 2011-2015.

Bien coloré sans qu'il soit opaque, ce vin de Syrah illustre fort bien ce que fut ce millésime pour la vallée du Rhône. Dense, charnu, plutôt carré, il se signale davantage par sa générosité que par sa finesse, son bouquet, marqué par des nuances d'olives noires, étant très caractéristique, très Syrah. 13% (42 caisses).

Gevrey-Chambertin 1er cru Bel Air La Vougeraie, 70,25$ (11 310 805), ****, $$$$$, 2011-2014.

Le bouquet, un peu bizarre (réduction?) à l'ouverture de la bouteille, se révèle d'une rare distinction avec l'aération, et évoque davantage, à mon sens, des appellations telles que Chambolle-Musigny et Vosne-Romanée que Gevrey-Chambertin. Même élégance en bouche, sur des tannins tendres, soyeux. Excellent. À Signature seulement. 13% (18 caisses).

Morellino Di Scansano 2007 Bronzone Belguardo Mazzei, 30,25$ (10 542 090), ***1/2, $$$1/2, 2011-2013.

Très beau vin rouge de Toscane, qui pourra sembler cher, mais la qualité est au rendez-vous. D'une bonne concentration, sans lourdeur aucune, relativement corsé, son bouquet, nuancé, expressif, ne peut que séduire. Avec la bouche qui suit, équilibrée, ferme, quoique sans dureté aucune, et dépourvue de cette astringence fréquente dans les vins de Sangiovese. 100% Sangiovese et élevage en fûts de chêne français, dont 70% de neufs. Un régal. 13,5% (85 caisses).

Plus d'étoiles que de symboles du dollar: le vin vaut largement son prix

Autant d'étoiles que de symboles du dollar: le vin vaut son prix

Moins d'étoiles que de symboles du dollar: le vin est cher, même très cher