Le Nebbiolo est «un cépage improbable», écrivent Oz Clarke et Margaret Rand dans le long chapitre, fort instructif, qu'ils consacrent à cette variété du Piémont, dans leur Guide des cépages (Gallimard).

«Improbable» dans le sens, manifestement, de déroutant, de particulier...«Il a à la fois beaucoup de tannins, beaucoup d'acidité et, pour les meilleurs spécimens, des arômes parmi les plus complexes et les plus exotiques imaginables dans du vin rouge», poursuivent-ils.

Ce n'est pas tout. Le Nebbiolo, qui est le seul cépage autorisé dans les appellations Barolo et Barbaresco, a en effet beaucoup d'autres caractéristiques très particulières.

D'abord, et comme c'est le cas pour le Pinot noir, les vins élaborés avec ce cépage sont d'ordinaire assez peu colorés et comportent presque toujours une nuance acajou-orangé.

Autre particularité plus importante: le Nebbiolo donne quasi immanquablement des vins aux tannins rugueux, à «la nature abrasive» selon le mot d'Oz Clarke et de Margaret Rand. (Il y a des exceptions, celle notamment de Roberto Voerzio, dont les Barolos, par on ne sait quel tour de prestidigitation - à cause de son travail acharné à la vigne, soutient-on -, sont à la fois très typés et nettement plus aimables que la plupart.)

À cause de toute évidence de cette nature «abrasive» du Nebbiolo, les vins faits avec cette variété, principalement le Barolo et le Barbaresco, ne s'assouplissent d'ordinaire qu'après plusieurs années de vieillissement - et même de nombreuses années, 15, 20 ans, quand ce n'est pas 25 ou 30!

Autrement dit, ce sont - du moins les meilleurs -, des vins de longue garde.

On peut boire à peu près tous les vins rouges actuels (y compris les plus grands) dans leur toute première jeunesse, et s'en délecter...

Car, comme on sait, il existe des méthodes de culture et des techniques permettant d'obtenir des vins aimables, veloutés, dès leur prime jeunesse: des vendanges plus tardives qu'autrefois de façon à cueillir des fruits bien mûrs et aux tannins tout aussi mûrs; l'élevage en fûts grâce auquel le vin absorbe, par porosité du bois, un peu d'oxygène qui contribue à l'assouplissement des tannins; ou encore, le micro-bullage ou la micro-oxygénation, qui consiste à diffuser, de façon mesurée, de l'oxygène dans le vin. (Quoique certains viticulteurs affirment que cette technique n'a pas d'effet sur les tannins, et ne fait que stabiliser la couleur.)

Les Barolos, eux, de même que les Barbarescos, restent pour la plupart des vins aux tannins rudes, râpeux, du moins dans leur jeunesse. Bref, ils comptent parmi les très rares vins rouges qui, en règle générale, gagnent nettement à être oubliés pendant de nombreuses années.

Surgit alors, après tout ce temps, «quelque chose de très vieux et de magnifique», écrivent les auteurs du Guide des cépages.

Enfin, inutile de dire que la dégustation de plusieurs jeunes Barolos à la queue leu leu risque d'être un exercice très difficile, et même éprouvant pour les papilles, à cause de leur masse tannique, que renforce leur acidité... Tout comme lorsqu'on boit du thé noir trop longuement infusé, la langue a tendance à vous rester collée au palais!

Dans le cadre d'une dégustation de 24 vins mis en vente à l'occasion de la parution du plus récent numéro de Cellier, la SAQ a fait ainsi goûter entre autres, récemment, à la presse spécialisée, neuf de ces vins.

J'ai dégusté tous ces vins à l'aveugle et (aussi bien le répéter une fois encore...) j'ai noté bas, en retenant seulement les cinq vins que j'ai notés au moins 16,5 sur 20. Autrement dit, on peut aisément ajouter au moins un demi-point (0,5/20) aux notes que je leur ai attribuées.

Finalement, le Barolo, que les Italiens appellent «le roi» (et le Barbaresco «la reine»), coûte passablement cher, vu sa notoriété. Qu'y peut-on?

On peut ajouter que les Italiens considèrent le Barolo comme un vino d'arrivo, autrement dit comme un vin qu'on n'aime pas d'emblée, mais qu'on apprend à découvrir et à apprécier avec le temps. En d'autres termes: on ne se lance pas dans des achats massifs de Barolos si on ne connaît pas ces vins si spéciaux et qui peuvent paraître, au premier abord, fort rebutants.

Voici donc des descriptions succinctes des cinq vins en question, tous de 2004, qui fut un très bon millésime pour le Piémont.

Barolo 2004 Brunate Michele Chiarlo

Premier vin goûté de la série de Barolos, d'une couleur grenat-acajou caractéristique, son bouquet est riche de toutes les nuances qu'on attend des jeunes vins de cette appellation (fruits cuits, fruits rouges, fruits secs, notamment). Relativement corsé - car il y a des Barolos plus corsés -, tannique, ferme, son goût persiste un bon moment. «Très Barolo», ai-je noté (143 caisses).

S, 11 039 314, 63,50$, ***, 16,8/20, $$$$1/2, 2016-2017?

Barolo 2004 Cerequio Michele Chiarlo

Troisième Barolo dégusté ce jour-là, j'ignorais, naturellement, qu'il était du même producteur que le premier. «Du corps, long, tannique. Sérieux. Fruits séchés, fruits rouges. Très bon. Du niveau du premier, et même un peu mieux», ai-je noté dans ce cas. Bref, un très beau Barolo, et dont le potentiel de garde est sans doute bien supérieur à ce que j'ai indiqué (68 caisses).

S, 10 221 579, 74,50$, ***1/2, 17/20, $$$$$, 2017-2019.

Barolo 2004 Serralunga d'Alba Paolo Manzone

Moins complexe que d'autres, mais quand même typé, il a des saveurs très mûres, comme un peu sucrées. Du corps, tannique quand même (89 caisses).

S, 11039306, 58$, ***, 16,5/20, $$$$1/2, 2015-2016.

Barolo 2004 Aurelio Settimo

Peu coloré, son bouquet est expressif, passablement nuancé. Tannique, et même dur, très Barolo traditionnel, m'a-t-il semblé. L'un des deux moins chers du lot (237 caisses).

S, 11039269, 40,75$, ***, 16,5/20, $$$$, 2016-2018.

Barolo 2004 Monvigliero Mauro

Sebaste. Bien typé au nez, ample en bouche, passablement boisé, il m'a semblé plus aimable, moins tannique, que la plupart (276 caisses).

S, 11039251, 40,75$, ***1/2, 17/20, $$$$, 2015-2016?

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Quel millésime que 2007 pour le sud de la vallée du Rhône! Richement coloré, le Côtes du Rhône Villages 2007 Les Becs Fins Tardieu-Laurent en donne une preuve additionnelle, et éloquente. Fait à parts égales de Grenache et de Syrah, puis élevé en cuves d'acier inoxydable, son bouquet de fruits noirs, sans être très complexe, séduit par la qualité et la netteté de son fruit. Suit une bouche tout à fait savoureuse, d'un éclat certain, aux saveurs de petits fruits noirs et aux tannins enrobés, aimables. D'un négociant, Tardieu-Laurent, très réputé (243 caisses).

S, 10204533, *** 1/2, 20,75$, 17,2/20, $$1/2, 2012-2013.

Photo: La Presse