La plus célèbre dégustation de l'histoire du vin fut sans doute celle que l'on connaît, encore maintenant, sous le nom de «jugement de Paris».

Elle eut lieu, comme son nom l'indique, à Paris, le 24 mai 1976, et mettait aux prises 10 vins rouges de Cabernet Sauvignon, français et californiens, plus 10 vins blancs de Chardonnay, également français et californiens.

 

Les 11 juges, qui goûtèrent à l'aveugle, étaient tous français, avec dans le lot de grands noms du monde du vin: Odette Khan, alors rédactrice en chef du magazine La Revue du vin de France, Pierre Tari, propriétaire du Margaux Château Giscours, Aubert de Villaine, copropriétaire du Domaine de la Romanée-Conti, etc.

Or, coup de tonnerre, ce furent deux vins californiens, un blanc et un rouge, qui se hissèrent en première place!

Soit, en blanc, le Napa Valley 1973 Chardonnay Château Montelena (14,4/20 comme note moyenne), suivi du Meursault 1er cru Charmes 1973 Domaine Roulot (14,05/20).

Puis, du côté des rouges, ce fut le Napa Valley 1973 Cabernet Sauvignon Stag's Leap Wine Cellars qui triompha (14,14/20), avec au deuxième rang le Pauillac 1970 Château Mouton-Rothschild (14,09/20).

Ces résultats eurent un retentissement considérable, et ébranlèrent la forteresse que constituait jusque-là la viticulture française...

Pourtant, et comme le souligne avec raison le magazine Cellier dans son plus récent numéro, sous la signature de son rédacteur en chef Marc Chapleau, pour ce qui est du score global (en additionnant les notes obtenues par tous les vins), «les Bleus l'avaient en fait emporté», à la fois en blanc et en rouge.

Vers la fin du mois de janvier, Cellier a tenu à son tour une dégustation similaire, mais cette fois de 30 vins (15 rouges et 15 blancs, dont quelques vins pirates), qu'eurent à goûter à l'aveugle un groupe de 10 dégustateurs, dont j'étais.

Le résultat - à lire sans faute! - y est présenté sous le nom de «jugement de Montréal».

Bien qu'on puisse s'attendre à ce qu'il n'ait pas le retentissement du «jugement de Paris», il constitue une douce revanche, surtout dans le cas des rouges, pour les vins de l'Hexagone.

Trois bordeaux rouges, en effet, occupent les positions de tête, soit le Pauillac 2004 Château Mouton-Rothschild (91,8/100), suivi du Pauillac 2004 Château Pichon Lalande (91,1/100) et du Saint-Estèphe 2004 Château Montrose (90,6/100).

Il n'y a aucun doute, et comme le montrent de nouveau ces résultats, les dégustateurs du Québec goûtent à l'européenne...

Surprise, toutefois, c'est un vin pirate, de l'Ontario, le Niagara Peninsula 2005 Chardonnay Claystone Clos Jordane (88,8/100), qui décroche la première place du côté des blancs, auquel emboîtent le pas le Saint-Aubin 1er cru Clos du Meix Hubert Lamy (88,5/100), de Bourgogne, et le Hunter Valley 1999 Roxburgh Rosemount Estate (88,5/100 également), autre pirate, d'Australie celui-là.

Autre enseignement à tirer de cet exercice on ne peut plus fascinant: contrairement à ce qu'on pense encore parfois, la Californie produit certains vins, blancs et rouges, capables de rivaliser, sur le plan de l'élégance, avec tout ce que la France fait de plus grand.

Enfin, et aussi bien le dire, j'ai personnellement accordé mes meilleures notes à deux vins de Californie, mais... que j'ai pris pour des vins français! (En 1976, Odette Khan fit la même «erreur», soit dit en passant.)

En rouge, j'ai ainsi préféré, entre tous ces vins, le Napa Valley 2000 Cabernet Sauvignon «Volcanic Hill» Diamond Creek, noté 89,4/100 par le groupe comparativement à 93/100 dans mon cas. Bref, je pensais goûter un premier grand cru classé de Bordeaux! «Mouton Rothschild?» me suis-je demandé.

Chose qui en dit long: six dégustateurs sur dix ont pensé qu'il s'agissait d'un vin français, son taux d'alcool très raisonnable (12%) y étant sans doute pour quelque chose.

Du côté des blancs, ma note la plus élevée est allée au Sonoma 2002 Cutrer «Les Pierres», soit 92/100 contre 87,1/100 pour ce qui est du groupe.

Dans ce cas, inversement, six dégustateurs ont pensé qu'il s'agissait d'un vin de Californie, alors que les quatre autres l'ont cru français. C'est à lire!

Enfin, pour tout savoir sur le «jugement de Paris» et les dégustations du même genre qui ont suivi, taper «Wikipédia " jugement de Paris», et le moteur de recherche vous mènera au dossier sur le sujet.

Un Bandol

Appellation provençale qui reste encore peu connue, Bandol, près de la Méditerranée, peut donner de très beaux vins, aux accents sudistes, si l'on peut dire, tel le Bandol 2006 La Bastide Blanche.

Fait surtout de Mourvèdre (70%) comme l'exige l'appellation, à quoi s'ajoutent 25% de Grenache et un peu de Cinsault et de Carignan, puis élevé en foudres et en demi-muids (600 litres), il s'agit d'un vin richement coloré, pourpre-prune, au très beau bouquet de fruits noirs, profond, net. Charnu, dense, ne manquant pas de corps, ses tannins sont solides quoique sans rugosité, et il est tout aussi convaincant en bouche. À découvrir, à un prix qui reste raisonnable. 14,5% d'alcool sans que ce soit vraiment dérangeant (184 caisses).

S, 10887451, 25,55$, ***1/2, ou 17,7/20, $$$, 2009-1014.

D'un millésime antérieur, le Coteaux du Languedoc 2005 Château de Flaugergues, dans lequel domine le Grenache (50%) avec aussi 30% de Syrah et 20% de Mourvèdre, et qui est élevé partiellement en foudres et partiellement en fûts, donne tout autant de plaisir que le précédent.

D'une couleur pourpre-prune très foncée, quasi opaque, son bouquet est ample, expressif, et offre un mélange d'arômes de petits fruits noirs (genre bleuets) et rouges, avec aussi des notes épicées rappelant l'odeur du thym. Suit une bouche charnue, d'une bonne concentration, aux saveurs très... Languedoc, éclatantes, sur des tannins fermes, quoique peut-être un peu asséchants, m'a-t-il semblé. Très bon quand même. 13,5% d'alcool (112 caisses).

S, 10897819, 19$, ***1/2, 17,2/20, $$1/2, 2009-2013.

Pourquoi s'en priver? Vin d'un grand millésime pour le sud de la vallée du Rhône, le Côtes du Rhône 2007 Réserve Perrin, vendu dans de multiples succursales, fait pour ainsi dire... honneur à 2007!

Bien coloré, son bouquet de fruits rouges, quoique peu complexe, a cette maturité qu'on associe aux grands millésimes, avec même quelque chose comme une note florale. Corpulent, corsé, ses tannins sont solides, et il se distingue avant tout par sa générosité. Du sérieux, à prix sage... 60% de Grenache, 20% de Syrah et un peu de Cinsault et de Mourvèdre, avec élevage en cuves et en foudres. 14% d'alcool (1952 caisses).

C, 363457, 15,70$, ***, 16,8/20, $1/2, 2009-2013.

Une vente aux enchères

La SAQ s'apprête à mettre en vente, aux enchères, par le biais du site www.iegor.net/SAQ, une première tranche de 3900 bouteilles, réparties en 406 lots, du cellier (27 000 bouteilles en tout) qu'a constitué en quatre décennies le restaurateur Michel Gillet, des Chenets. La vente, qui sera faite en collaboration avec Michel Gillet et l'Hôtel des encans, se tiendra du 2 au 8 juin. Consulter le site www.iegor.net/SAQ pour s'enregistrer et prendre connaissance des 406 lots qui seront mis en vente.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Saint-Émilion Grand cru 2003 Château Cormeil-Figeac. Très beau bordeaux rouge, de Merlot (70%) et de Cabernet franc (30%), qui évolue harmonieusement, au bouquet nuancé, associant des arômes à la fois torréfiés (le bois, car il est élevé en fûts dont un tiers de fûts neufs) et de fruits séchés. Des saveurs de fruits bien mûrs, avec aussi les mêmes arômes de fruits séchés, de l'éclat, des tannins aimables - c'est un régal. 12,5% d'alcool seulement (151 caisses).

S, 480046, 37,25$, ***1/2, 17,5/20, $$$$, 2009-2011.

California 2004 Le Cigare Volant. Goûté à l'aveugle, ce vin de Californie, bien coloré, au bouquet large, expressif, et ne manquant pas de nuances, me donna l'impression d'être un vin de Zinfandel, alors qu'un collègue crut à un vin de Pinot noir! D'une bonne concentration, relativement corsé, ses saveurs sont très mûres, pleines d'éclat. Une véritable salade de fruits: 38% Grenache, 35% Syrah, 12% Mourvèdre, plus du Cinsault et du Carignan, et élevage en fûts de chêne français. Savoureux. 13,5% d'alcool (228 caisses).

S, 10253386, 40,25$, ***1/2, 17,5/20, $$$$, 2009-2013.

Pouilly-Fuissé 2006 «Terres de Fuissé» Bret Brothers. Bourgogne blanc de haut niveau, au bouquet finement boisé, mais sans rien de trop appuyé, et relevé par une nuance minérale. Plus que moyennement corsé, distingué, son boisé est tout aussi sage sur le plan gustatif. Le parfait équilibre... 14% d'alcool. Superbe (28 caisses).

S, 10788882, 42,75$, ***1/2, 17,8/20, $$$$, 2009-2015?

Bourgogne 2006 Joseph Faiveley. Bourgogne blanc de corps moyen, au boisé très discret (une partie de la cuvée est élevée en fûts), équilibré et dont le bouquet est marqué par une très légère note de fruits exotiques. 13% d'alcool. Très bien fait (136 caisses).

S, 966 697, 21,45$, ***, 16/20, $$1/2, 2009-2010.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Millésime très moyen pour le Bordelais et la Bourgogne, 2007 est au contraire très réussi en ce qui concerne non seulement la partie sud de la vallée du Rhône mais aussi le Languedoc. À preuve, ce classique du répertoire général qu'est le Minervois 2007 Château de Gourgazaud, d'une couleur très soutenue dans ce millésime, et dont le bouquet, quoique d'un bloc, de petits fruits noirs, fait montre d'une rare générosité. Vin corsé, compact, tannique et même assez rude, se signalant davantage par sa concentration que par sa finesse, il accompagnera avec bonheur les viandes rouges, particulièrement le boeuf grillé sur le barbecue. 92% Syrah et 8% Mourvèdre, et élevage en cuves. 13% d'alcool. À prix doux (3317 caisses).

C, 22384, 13,95$, **1/2, 15,8/20,$ 1/2, 2009-2014?

 

LA NOTATION

* Vin correct

** Bon

*** Très bon

**** Excellent

***** Exceptionnel

1/2 Égale une 1/2 étoile

LA RÈGLE

> Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix.

> Autant d'étoiles que de $, il vaut son prix.

> Moins d'étoiles que de $, il est cher ou même très cher.

> C indique qu'il s'agit d'un vin courant, vendu dans la plupart des succursales.

> S désigne les vins de spécialité, en vente uniquement dans un nombre limité de succursales.

> Le nombre d'années figurant après la note indique le potentiel de garde approximatif à partir de maintenant.