Serait-ce le début de la sagesse? ... Toujours est-il qu'aux dernières nouvelles, les bordeaux rouges les plus réputés ont beaucoup réduit le prix de leur 2008 vendu en primeur, c'est-à-dire pendant que le vin est encore en fûts.

«Il faut revenir au prix des 2004», a déclaré à ce sujet un des acheteurs de la SAQ, Denis Marsan, dans une interview au quotidien français Sud-Ouest, alors qu'il était de passage dans le Bordelais pour goûter les 2008.

 

Car, rappelons-le, les prix ont continué à grimper même dans le cas des bordeaux 2007, jugés de qualité bien moyenne et dont à peu près personne ne veut à l'heure actuelle!

Un exemple de ce début de sagesse: la SAQ a pu faire l'acquisition, en primeur, de bouteilles du célèbre premier grand cru classé de Pauillac 2008 Château Mouton Rothschild à 120 la bouteille, alors que le 2007 lui a coûté plus de 200! (Rappelons que ce sont les négociants bordelais, et non les domaines eux-mêmes, qui commercialisent les vins en primeur.)

Comparativement, donc, à plus de 200 pour le 2007! (Cela frisait la démence, soit dit en passant, quand on sait que le prix de détail est au moins trois fois supérieur au prix en primeur!)

Autre exemple: le Saint-Émilion Grand cru classé Château Angélus dont le prix en primeur a reculé à 59 la bouteille contre 105 dans le cas du 2007.

Autrement dit, et c'est un secret de Polichinelle, la SAQ, qui est le plus important acheteur unique de bordeaux au monde, a contribué à faire fléchir les prix. Tant mieux!

«On a dit: «Assez! C'est assez!»» indique Denis Marsan.

Le prix du bourgogne, blanc et rouge (pour en rester momentanément à la France), a également beaucoup augmenté au cours des dernières années.

Or, de tous les grands vignobles français les plus prestigieux - et dont les vins sont les étalons incontestés sur le plan mondial, à savoir le Bordelais pour les vins de Merlot et de Cabernet Sauvignon, la Bourgogne pour ceux de Pinot noir et de Chardonnay, et enfin la vallée du Rhône pour ses vins de Grenache et de Syrah -, seul ce dernier vignoble a gardé la tête sur les épaules (ou du moins à peu près) en matière de prix. Les meilleurs vins du Rhône coûtent cher, bien sûr, mais par comparaison avec le prix de multiples bordeaux et bourgognes rouges de qualité équivalente, leur prix demeure à peu près raisonnable.

On en a un très bon exemple avec le Crozes-Hermitage 2006 Le Clos Delas, fait, comme le veut l'appellation, avec uniquement de la Syrah et qui est élevé pour une période d'environ un an en fûts qui ont déjà servi précédemment (des fûts d'un à trois vins, selon ce producteur, c'est-à-dire qui ont déjà été utilisés d'une à trois fois).

Goûté une première fois avec 16 autres vins (comme je le signalais récemment dans une précédente chronique), ce vin m'avait semblé très bon, mais sans plus, comme on dit.

Goûté de nouveau récemment, dans de meilleures conditions, il a droit, je crois bien, au qualificatif «remarquable». D'une couleur pourpre-prune très foncée, mais sans qu'elle soit opaque, il s'impose d'abord par l'ampleur, la netteté mais aussi la typicité de son superbe bouquet, aux arômes insistants de fruits noirs et d'olives noires. Suit une bouche charnue, dense, très fruits noirs, aux tannins à la fois gras et substantiels, bouche qui situe ce vin, à mon sens, au niveau de certains Hermitages nécessairement beaucoup plus chers. Et, chose qu'on peut apprécier, sa teneur en alcool n'est que de 12,5% (17 caisses).

Vendu seulement aux deux boutiques Signature, ce vin est aussi commercialisé en magnums (10992621, 105,75$ 228 magnums), également à Signature.

10992630, 52,25$, ****, 18/20, $$$$ 1/2, 2009-2015.

D'autres vins du Rhône

Immense vignoble (plus de 79 000 hectares en production) et... archi-rouge, la vallée du Rhône produit en effet principalement des vins rouges, ceux-ci comptant pour pas moins de 86% de sa production totale.

Et il y en a de tous les prix, les moins chers étant ceux qu'Inter Rhône - l'organisme dont sont membres à la fois les viticulteurs, les négociants, etc. - présente dans ses documents officiels comme «les autres appellations de la vallée du Rhône» (new comers, en anglais). À savoir notamment les Côtes du Luberon, les Costières de Nîmes, les Coteaux du Tricastin, les Côtes du Ventoux et les Côtes du Vivarais.

Bien coloré, le Costières de Nîmes 2007 Château de Nages, vendu dans de multiples succursales, est ainsi un vin à la portée de toutes les bourses.

Bien coloré, son bouquet de petits fruits noirs est généreux, quoique plutôt tout d'un bloc, et il s'agit d'un vin charnu, mais moins concentré qu'on ne s'y attend vu sa couleur. Et peu tannique, m'a-t-il semblé, impression qui est sans doute due à sa forte teneur en alcool (15%, car l'alcool arrondit les tannins, comme on sait), ce qu'on ne perçoit pourtant à peu près pas. Fort bon malgré tout, et d'un grand millésime pour ce vignoble. 70% Grenache et 30% Syrah, avec élevage en cuves (1133 caisses).

C, 427617, 14,45$, ** 1/2, 15/20, $ 1/2, 2009-2010.

D'une appellation plus prestigieuse de la partie nord de la vallée du Rhône, le Saint-Joseph 2007 Les Coteaux Éric&Joël Durand, dans lequel n'entre que de la Syrah, lui aussi d'une couleur soutenue, se présente également avec un bouquet aux arômes de fruits noirs, mais retenu, peu intense, avec un boisé très peu appuyé, 60% de ce vin ayant été élevé en fûts d'un à quatre vins.

D'une bonne concentration, et relativement corsé, c'est un vin tannique, généreux, mais un brin carré, sans la distinction du Crozes-Hermitage 2006 Delas. Cependant... il est moins cher (94 caisses).

S, 10273379, 35$, *** 1/2, 17/20, $$$ 1/2, 2009-2015?

 

Et d'ailleurs...Vignobles voisins de la vallée du Rhône, la Provence et le Languedoc-Roussillon produisent avec les mêmes cépages (Grenache, Syrah, Mourvèdre, etc.) des vins rouges offrant dans bien des cas des rapports qualité-prix nettement plus avantageux.

D'une appellation moins connue et moins réputée que d'autres, le Faugères 2005 Tradition Château des Estanilles entre dans cette catégorie.

Associant cinq cépages (Grenache, Syrah, Mourvèdre, Carignan et Cinsault), sa couleur est bien soutenue sans que ce soit un vin opaque, et son bouquet de fruits rouges, dans lequel finit par se manifester la Syrah, charme par la qualité de son fruit. Relativement corsée, bâtie sur des tannins plutôt fermes quoique dépourvus de rugosité, la bouche suit, et on retrouve sur le plan gustatif le même charme qu'au nez, avec de l'éclat et un bon goût de fruit. 80% de la cuvée est élevée en cuves d'acier inoxydable et 20% en fûts. Le tout à prix fort raisonnable vu la qualité de ce vin (140 caisses).

S, 10272755, 16,40$, ***, 16,5/20, $$, 2009-2011.

Autre très joli vin, le Côtes de Provence 2006 Les Mûres Château de Roquefort est lui aussi, comme le précédent... une salade de fruits, puisqu'il est fait également avec pas moins de cinq cépages (Grenache, Carignan, Syrah, Cabernet Sauvignon et Cinsault), l'élevage se faisant partiellement sous bois (foudres, etc.), partiellement en cuves de béton.

De la couleur, de beaux arômes de fruits rouges et noirs au nez, c'est là un vin de corps moyen, aux saveurs franches et aux tannins passablement serrés, mais sans sa concentration ni son ampleur habituelles dans ce nouveau millésime. Très bon quand même, et savoureux (157 caisses).

S, 868687, 21,60$, ***, 16,2/20, $$ 1/2, 2009-2011.

Une pièce-repas...

La Maison du gouverneur, au 903, avenue de Lorimier, à Montréal, présente du mardi 5 au samedi 9 mai inclusivement une pièce-repas du Petit théâtre de Bordeaux, mettant en vedette son comédien Éric Sanson, Sanson dans le vin, pièce qui s'inspire d'extraits de textes d'écrivains, de philosophes, de poètes, etc., regroupés par l'écrivaine bordelaise Virginie Kay. Sept vins sont au programme, dont le Saint-Julien 2001 Château Gruaud Larose, le Haut-Médoc 2001 Château Citran, etc., que commentera le chroniqueur et sommelier Jean-François Demers. Le tout débute par un cocktail à 18h. Entrée, 124,16$ toutes taxes comprises.

Réservations et informations, 514-523-0440, poste 5765, et maison.gouverneur@saq.qc.ca

La recommandation de la semaine

Vin blanc d'Afrique du Sud, le Simonsberg Stellenbosch 2008 Chardonnay Le Bonheur ravira les amateurs de vins de Chardonnay au boisé bien présent, tout en n'ayant rien de caricatural. De couleur or fin, son bouquet, aux notes épicées-boisées bien présentes, comporte aussi des arômes (mais discrets) de fruits exotiques comme l'ananas, alors qu'il s'agit en bouche d'un vin blanc un peu plus que moyennement corsé, aux saveurs relevées, de style bien Nouveau Monde, ses arômes boisés n'ayant toutefois rien d'intempestif, à mon sens. 40% de ce vin a été vinifié et élevé en fûts (740 caisses).

S, 710 780, 15,95$, ** 1/2 , 15,2/20,$ 1/2 , 2009-2010.

Dégustés pour vous

Moulin à Vent 2007 Terres Dorées. Du beaujolais comme on voudrait toujours en boire... Pureté des arômes de petits fruits rouges, sans rien de végétal, franchise et pureté des saveurs, éclat du fruit, tannins aimables, quel beau vin, et avec 12,5% d'alcool seulement! Un régal. Mais en restera-t-il (113 caisses)?

S, 10837331, 22,40$, *** 1/2 , 17,2/20,$$ 1/2, 2009-2012?

Coteaux du Languedoc 2006 Les Garrigues Domaine Clavel. Vin fait de 52% de Syrah, plus 26% de Mourvèdre et 22% de Grenache, richement coloré, son bouquet de fruits noirs, encore tout d'un bloc, a toutefois beaucoup d'ampleur. Suit une bouche dense, passablement corsée, tannique, ferme, avec cependant, m'a-t-il semblé, un peu de gaz carbonique. Élevage en cuves de béton. Du sérieux, et très bon (197 caisses).

S, 874941, 18,80$, *** 1/2 , 17/20,$$, 2009-2011.

Barossa Valley 2007 Clarry's Kalleske. Vin rouge d'Australie, de Grenache et de Syrah, d'un grenat soutenu, au bouquet large, relevé de notes boisées particulières, et ne manquant pas de corps. Ses tannins sont gras, avec des arômes rappelant un peu la pâtisserie (le bois) dans l'après-goût. Très bon à sa manière (221 caisses).

S, 10985798, 27,90$, *** , 16,5/20,$$$ , 2009-2012.

Châteauneuf-du-Pape 2005 Domaine de Christia. Châteauneuf-du-Pape rouge d'un domaine peu connu, riche en alcool (15%, attention!), fait de 90% de Grenache et 10% de Syrah, puis élevé en foudres, au bouquet nuancé, expressif, accrocheur (si l'on peut dire), dans lequel s'imposent avant tout des arômes de fruits rouges. La bouche séduit par son éclat, la complexité de ses saveurs, et ses tannins tendres, bien fondus. Excellent, à boire rafraîchi (13-14 degrés), et... lentement (41 caisses).

S, 10936814, 46,75$, ****, 18/20,$$$$, 2009-2014?