Au tour des vins canadiens de se faire une petite place sur notre table cette semaine. Et comme je l'ai fait le week-end dernier pour les produits québécois, je me suis concentré sur les vins blancs secs et les rouges. L'idée consiste à vous démontrer, si besoin est, que le vignoble canadien engendre d'excellents vins. Au-delà des vins de glace dont nous reconnaissons tous la qualité depuis plus de 20 ans.

Les connaissances en viticulture et en oenologie permettant aujourd'hui d'élaborer de très bons vins aux quatre coins du monde. Bon an mal an. Les viticulteurs canadiens profitent aussi de ce savoir afin de magnifier les terroirs sur lesquels ils ont le bonheur de travailler, comme c'est le cas dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique, et dans la région du Niagara, en Ontario. Deux régions phares canadiennes.

Débutons l'aventure canadienne avec un mousseux de grande qualité, originaire de la Nouvelle-Écosse, découvert lors de mon passage au bar à vin Déjà Bu à Caraquet. J'ai été agréablement surpris par la complexité, la finesse et la vitalité du Benjamin Bridge Brut Réserve 2004, une méthode classique, donc de type champenoise, composée à 57% de pinot noir, 22% de chardonnay, 15% de vidal et 6% de l'acadie (www.benjaminbridge.com). Avec ses saveurs de pomme, d'agrumes et de brioche, difficile de trouver mieux sur les huîtres au vinaigre de cidre!

En matière de vins secs, nombreux sont les domaines de la péninsule du Niagara à élaborer des blancs pouvant aisément se mesurer aux rieslings d'Alsace. Les rieslings Cave Spring Cellars Estate 2008 et CSV 2008 (actuellement non disponibles), Mission Hill Reserve 2008 (19,95$; 11 092 086) et Tawse Echos 2009 (22$; 11 156 220) font partie de mes préférés. Plus particulièrement avec des poissons cuits sur le gril en papillote, parfumés soit de romarin, de cardamome ou de pamplemousse rose.

Et que dire des blancs de chardonnay, qui ont beaucoup gagné dans les derniers millésimes en définition et en minéralité? Il suffit de penser aux différents crus de Tawse et du Clos Jordanne. Difficile d'être plus bourguignon d'approche. Il y a le Chardonnay Village Reserve 2008 Niagara Peninsula VQA, Le Clos Jordanne (26,45$; 11 254 031), qui fait des merveilles avec des pétoncles poêlés et lait de coco au gingembre. Puis, en plus complexe, racé, dense et minéralisant, à la manière d'un premier cru de Puligy-Montrachet, le Chardonnay Claystone Terrace 2008 Niagara Peninsula VQA, Le Clos Jordanne (Disponible SAQ septembre 2011: 40,75$; 10 697 331).

Quant aux désormais reconnus pinots noirs canadiens, Clos Jordanne mène à nouveau le défilé, avec des pinots de stature mondiale, en haute définition, sans surmaturité ni boisé inutiles. Par exemple, le Pinot Noir Clos Jordanne Village Reserve 2008 Niagara Peninsula VQA, Le Clos Jordanne (Disponible SAQ août 2011: 30$; 10 745 487), qui, dégusté en primeur, est un 2008 tout en fruit et en expressivité aromatique.

Belle matière épurée, tanins soyeux et gommés, texture ample, saveurs longues et précises, rappelant la tomate séchée, la cerise à l'eau-de-vie et le chêne. À l'aveugle, je n'hésiterais pas à le positionner en côte-de-beaune... À son arrivée, en août, sortez vos recettes de bruschetta à la tapenade de tomates séchées, de pâtes aux tomates séchées, de poulet au soja et à l'anis étoilé ou de risotto à la tomate et au basilic.

Enfin, en matière de grands rouges d'assemblage à la bordelaise et de niveau international, il y a le dense et ultra-raffiné Stratus Red 2007 Niagara Peninsula VQA (Disponible SAQ octobre 2011: 44$; 11 574 430). Un rouge, dominé par les deux cabernets, au nez ultra-raffiné, certes retenu, mais pur et non boisé. La bouche, tout aussi élégante, ample et veloutée, est marquée par des tanins soyeux et des saveurs très longues, rappelant la prune et le café. Pas d'esclandre aromatique inutile. Grâce et distinction. Bravo! Parfait pour le filet de boeuf au café noir.

François Chartier est l'auteur de l'ouvrage de science aromatique Papilles et molécules, et du livre de recettes Les recettes de Papilles et molécules (éditions La Presse). Suivez-le sur facebook.com/papillesetmolecules



Trois coups de coeur canadiens

Chardonnay Prospect Winery Townsend Jack «Unoaked» 2009

Okanagan Valley VQA, Ganton&Larsen, Canada

15,45$ (11 140 463) **1/2$1/2 MODÉRÉ

Plusieurs nouveaux vins de la gamme Prospect Winery se sont ajoutés chez les produits courants de la SAQ, dont ce très engageant et réussi chardonnay non boisé (unoaked). Nez fruité au possible, sur les fruits (pomme, poire, mangue), à la bouche fraîche et satinée, ample et élancée, désaltérante et presque nourrissante, aux longues saveurs de pomme-poire. Pur, net, sans esbroufe. Pour boire juste et à prix doux, tout au long de l'été, optez pour ce chardonnay canadien réalisé avec brio. Et servez-lui soit un saumon mariné à l'aneth, soit un coulibiac de saumon ou encore une fricassée de poulet aux champignons.

Cabernet/Merlot Mission Hill «Five Vineyards» 2008

Okanagan Valley VQA, Mission Hill Vineyards, Canada

17,95$ (10 544 749) ***$1/2 CORSÉ

Vous vous délecterez d'un assemblage à la bordelaise légèrement boisé, sans être dominant, à la bouche d'une bonne ampleur, même si très fraîche, quasi veloutée, aux tanins mûrs, qui ont du grain et une certaine fermeté juvénile, aux saveurs longues qui laissent deviner des tonalités de crème de cassis, d'eucalyptus, de violette, de café et de fumée. Si vous aimez les rouges un brin torréfiés, façon Californie, au corps texturé mais non dénué de fraîcheur et de grippe, vous apprécierez plus que jamais cette cuvée de l'Okanagan. Foie de veau en sauce à l'estragon ou filet de boeuf grillé au poivre noir et sauté de poivrons verts et rouges au paprika sont à penser à table.

Osoyoos Larose «Le Grand Vin» 2007

Okanagan Valley VQA, Osoyoos Larose, Canada

43,50$ (10 293 169) ***1/2$$$1/2 CORSÉ+

Impossible de passer sous silence la nouvelle étoile qu'est Le Grand Vin d'Osoyoos Larose. Ce domaine phare, qui en est à son septième millésime avec le 2007, présente un cru qui mérite pratiquement quatre étoiles, se montrant plus compact et profond au nez que le 2006, à la bouche aussi plus harmonieuse, tout en étant riche, intense et tannique, mais sans la fermeté un brin carrée du 2006. Café, cacao, noisette et prune signent une longue fin de bouche de cet assemblage à 70% de merlot, 21% de cabernet sauvignon, 2% de malbec, 3% de petit verdot et 4% de cabernet franc, qui fait la part belle à un filet de boeuf escorté d'une sauce mole mexicaine (à la noix de coco et au cinq-épices), ainsi que de betteraves au girofle ou d'un sauté de champignons.