Nul ne peut ignorer la déferlante rosée qui secoue depuis quelques années le monde vinicole et à laquelle le Québec n'échappe pas. La hausse vertigineuse récente des chiffres de vente est là pour le prouver. En saison estivale, il se vend maintenant presque autant de vins rosés que de blancs. Une vraie fièvre rose!

En regardant dans le rétroviseur, je me suis rappelé que la toute première chronique vins et mets que j'ai signée à La Presse, le 14 septembre 2002, portait sur l'accord des vins... rosés! Prémonition? Ou tout simplement le désir de rendre justice à ces vins qui étaient, il y a à peine 10 ans, laissés pour compte?

J'écrivais en 2002: «Le rosé, qui a eu longtemps mauvaise presse, est à compter comme l'un des vins les plus polyvalents à table. S'il fait souvent piètre figure seul en dégustation ou à l'apéritif, il prend son envol lorsqu'il est accompagné d'un mets.» Dix ans après, la qualité générale des rosés n'aura jamais été aussi bonne. S'ils peuvent maintenant se tenir debout, seuls, en dégustation comme à l'apéritif, alors imaginez-les à table!

Il faut dire que l'histoire des vins rosés est plutôt récente, comparativement à celle des rouges et des blancs, tout comme des clairets, leurs ancêtres. On oublie trop souvent qu'avant le XVIIIe siècle, 90% des vins élaborés dans le monde étaient des clairets. Ces derniers, contrairement à la croyance populaire, n'étaient pas vraiment des rosés, mais plutôt des rouges de macération courte, souvent mal contrôlée, auxquels on ajoutait la plupart du temps un fort pourcentage de vin blanc.

Ce qui aboutissait en un rouge plutôt léger et pâle, clairet... mais pas rosé. C'était le rouge de l'époque. Heureusement, des rouges «clairets» nous sommes passés aux rouges colorés, aromatiques et soutenus que l'on connaît aujourd'hui, ainsi qu'aux rosés qui ont fait leur véritable apparition dans l'après-guerre, et leur ascension peu après le tournant du deuxième millénaire.

Mais comment se comportent-ils à table? Au-delà de l'idée du vin de soif passe-partout, les rosés sont de véritables accordeurs de piano. Ils savent régulièrement trouver la note juste. Toutefois, pour créer une vraie synergie aromatique et ainsi atteindre l'harmonique, il faut leur présenter des mets composés d'aliments qui partagent le même profil aromatique dominant (voir tableau d'aliments complémentaires).

Une fois la palette des composés volatils dominants chez les rosés dénichée, il m'a suffi de les unir aux ingrédients de même profil, puis de créer des recettes de toutes pièces pour et par les vins rosés. Ce que j'ai fait avec la complicité du «M» du duo MC2 que je forme avec mon ami et complice des papilles, le chef Stéphane Modat. À vous maintenant de voir la cuisine en rose!

François Chartier est l'auteur de l'ouvrage de science aromatique Papilles et molécules, et du livre de recettes Les recettes de Papilles et molécules (éditions La Presse). Suivez-le sur facebook.com/papillesetmolecules

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Deux rosés de choix

Un hydromel rosé pour l'apéritif

MarieClos

Hydromel aux Framboises, Ferme Apicole Desrochers, Ferme-Neuve 13,15$ SAQ S (884551) ***$1/2 MODÉRÉ BIO

Aussi offert dans une multitude de marchés publics au Québec. Que de charme et d'enchantement avec cet hydromel rosé, élaboré à base de miel et de framboises biologiques. Nez aromatique, racé et festif, exhalant des notes de miel et de framboise mûre certes, mais aussi de concombre et de groseille. Un hydromel qui se montre pratiquement sec en bouche, ample, aromatique, frais et long, pour ne pas dire aérien et digeste, d'une grande harmonie d'ensemble. Servir dès sa mise en marché, à 12 °C, tant à l'apéritif qu'avec notre recette de brochettes de melon d'eau et de tomates... ou de mozzarella gratinée «comme une tarte».

Un porto rosé pour les fromages et desserts

Croft Pink

Vin de Porto, Croft Port Vinhos, Portugal

20,15$ (11305029) *** $$ MODÉRÉ+

Dans la vague «rosée» des portos, arrivés en 2010 et 2011, celui-ci se montre fort engageant, fruité à souhait, très mûr, exhalant des notes de bonbon à la cannelle aux cerises et girofle. La bouche exprime bel et bien l'eau-de-vie servant au mutage des portos, la sucrosité habituelle aussi, tout comme la riche et l'ampleur typique des portos de type ruby, corps en moins. On se rapproche du vin rosé, mais on demeure dans la générosité portugaise. Réalise de superbes harmonies au dessert (shortcake aux fraises, tarte aux cerises...). Un bel apéritif, s'il est allongé de soda pour calmer le sucre et rafraîchir l'ensemble. Sans oublier qu'il va à merveille sur les fromages à croûte fleurie, comme le brie et le camembert.

Aliments complémentaires aux vins rosés

Crevette, homard, crustacés, pieuvre, safran, paprika, pimentón, pamplemousse rose, carotte, pomme, melon d'eau, tomate, fraise, ananas, framboise, thé noir, algue nori, poivre, clou de girofle, basilic thaï, fromage mozzarella, fève de soya germée, arachide grillée, sésame, huile de sésame, pomme de terre sautée, orge grillée.